Apple ne peut pas forcer les éditeurs d'eBooks à adopter les achats in-app

Nicolas Furno |

Aucun éditeur n'a résisté, pas même Google ou Amazon. Les applications qui permettent de lire et acheter des livres numériques sur l'App Store n'ont désormais plus de liens vers leurs boutiques (lire : Achats in-app : Apple met en place ses nouvelles règles). Apple exige que tout achat effectué dans une application disponible sur l'App Store passe par son module d'achats in-app. Si un éditeur veut vendre son contenu sans céder 30 % à Apple, il doit le faire en dehors de son application, sur Internet. L'entreprise interdit néanmoins les liens directs entre les deux univers, qui doivent rester bien séparés.

Sur le papier, cette mesure vise à simplifier la vie des utilisateurs en leur garantissant une expérience d'achat aussi confortable que celle de l'App Store ou de l'iBookstore. Dans les faits, ce choix est plutôt négatif pour l'utilisateur de ces applications : il doit ouvrir Safari mobile, taper l'adresse du magasin et s'y connecter. Pis, les libraires numériques n'ont aucun moyen de rentrer dans le rang et d'utiliser les achats in-app pour vendre leurs livres. Au-delà des questions financières qui sont bien réelles, le système actuel bloque le nombre d'achats in-app à 3500 achats par application. Si c'est largement suffisant pour la majeure partie des cas, cette limite empêche de fait Amazon, Google ou encore Kobo de vendre leur catalogue sous la forme d'achats in-app.

Cette limite remet encore plus en cause l'argument d'Apple. Autant dans le cas de la presse, les abonnements in-app sont indéniablement à l'origine d'une expérience utilisateur simplifiée, autant les libraires virtuels ne peuvent pas choisir les abonnements in-app. Apple ne leur laisse en fait aucun choix : l'App Store ne peut accueillir que des liseuses, la seule boutique autorisée sans passer par un navigateur est l'iBookstore. Il semble bien qu'Apple a, pour une fois, fait passer son propre intérêt avant celui de ses utilisateurs.

[Via : La Feuille, Splatf et Daring Fireball]

avatar osx31 | 
Je croyais avoir lu que le éditeurs pouvaient laisser un lien dans leur appli pour un achat in-app mais que dans ce cas il fallait aussi qu'il existe un lien pour un achat via l'App Store. Dans ce cas, il y a tirs partagé, non ? Amazon avait le choix de mettre les 2 plutôt que d'enlever leur lien. Par contre, je veux bien croire que pour les petits distributeurs, 30% soient intenables.
avatar adrianweatherly | 
C'est une bonne nouvelle que la plupart des éditeurs n'acceptent pas le système in-app d'Apple. Espérons que cela ne soit pas uniquement pour des raisons techniques. C'est pour cette raison que j'espère sincérement qu'iOS sera marginalisé dans quelques années. Ce type de système ultra-fermé où tout gravite autour d'un acteur unique est une hérisie. A long terme tous le monde y perd, développeur et utilisateurs compris.
avatar 2fast | 
@yoa "C'est pour cette raison que j'espère sincérement qu'iOS sera marginalisé dans quelques années." On avait cru comprendre oui... Je ne connais pas beaucoup d'adeptes d'iOS qui vont sur frandroid pour dire "j'espère qu'Android sera marginalisé", par contre.
avatar adrianweatherly | 
Alors frandroid est un mauvais site. Un débat n'est intéressant que si les avis diverges. A noter que je ne remet pas en cause la qualité de iOS. Comme Android c'est un système qui a ses qualités et ses défauts. Néanmoins c'est la politique que mène Apple autour de son écosystème que je ne supporte pas : un environnement d'exécution n'a pas à être contrôlé par une autorité.
avatar Ellipse | 
L'article de La Feuille est on ne peut plus pertinent sur la politique d'Apple. Déjà, concernant les 30% in-app, on est dans la science fiction la plus totale. Si on justifie ce genre de pratiques absurdes, Canon devrait prendre une marge sur chaque photo vendu par un photographe, ou MS sur chaque achat sur Steam ou Spotify. Mais le coup bas d'Apple parachève le tout. Avec les 3500 œuvres max en dehors de l'iTS, Apple va tuer la diversité culturelle (pas seulement littéraire) sur sa plateforme, ce qui ne va jamais dans le sens de l'utilisateur.
avatar Ellipse | 
@laurent0606 Pour le coup, Microsoft faisait aussi ce qu'il voulait en préinstallant IE et ses services web sur son système à lui. Pourtant absolument personne ne les a défendus, surtout pas avec cette argument là. Mais bon, l'interdiction des apps concurrentes aux apps systèmes ou la marge sur le contenu et donc sur la gueule des auteurs, c'est la petite start-up Apple, donc ouai, c'est normal, elle peut faire pire, c'est le business.
avatar Satoral | 
En même temps, je suis peut-être un peu naïf, mais c'est ce qu'on appelle la concurrence dans un modèle capitaliste… Ça fait bien longtemps que les divers boîtes refusent la concurrence dans leurs murs. Pour un stand dans une grande galerie, il faut que le revendeur/marque paye un loyer. A partir du moment où Apple fournit un espace de vente (iPad) qu'elle a créé quasiment d'elle-même, le système capitaliste veut que ceux qui profitent de ce nouveau débouché reversent une dîme. Le monde réel appliqué au "virtuel", ni plus ni moins. Qui plus est, je n'ai pas encore vu iBookstore sur Kindle ou B&N sur les liseuses Kobo… (encore que Kindle Store soit dispo sur Nook… via un hack). Bref, le "jeu" de la concurrence, ni plus ni moins. Et c'est toujours le consommateur qui paye les pots cassés, mais pas mal de gens semblent découvrir d'un coup, parce que c'est Apple, que les boîtes pensent avant tout à leur CA et qu'elles ferment tout ce qu'elles peuvent fermer et que la présence sur leur terre est facturée. Kindle est pas mal non plus dans son genre. Il repose sur un format proprio (.AZW) qui enferme du coup le consommateur dans le système Amazon. Or, AZW est basé sur Mobipocket (la clé # remplace simplement la clé $ dans l'identifiant fichier, le système de DRM est légèrement différent) mais un Kindle ne peut même pas lire un fichier mobipocket protégé par DRM… ne parlons même pas du standard EPUB qu'Amazon ne semble pas décidé à adopter, quand bien même les gros revendeurs aient tous choisi ce standard. B&N repose sur un DRM made by Adobe, mais qui n'est pas tout à faire un DRM Adobe normal, ce qui complique parfois la lecture de fichiers achetés chez B&N sur le soft ADE. Bref, le problème va bien plus loin qu'Apple qui dégage les autres de sa plateforme, niveau utilisateur/consommateur. Pis, les fabricants de liseuses et apps (fabricants de liseuses qui mettent très très peu à jour leurs firmwares) intègrent les caractéristiques du format à leur bon vouloir. Telle liseuse sera incapable de redimensionner les images, telle autre n'arrivera pas justifier le texte correctement, telle autre affichera les paragraphes et images de façon hasardeuse… on a aucun socle commun, pas de standard pour les annotations, un standard EPUB2 qui est implémenté à la guise des constructeurs/développeurs alors qu'on va passer sur EPUB3. Au final, certains imaginent déjà un avenir sombre pour EPUB, un avenir où un standard sera fragmenté comme à la grande époque des navigateurs internet… on a déjà fait la connerie, EPUB étant basé sur le HTML, on va volontiers la refaire. Tant pis pour les lecteurs. Après, les petits libraires qui ont fait des apps et ont profité de l'aubaine auraient pu également réfléchir un chouilla. Je ne dis pas qu'ils ne l'ont pas fait, mais il semblait tout à fait logique qu'à moyen terme, une boîte qui contrôle hard et soft voit d'un mauvais œil des boutiques "apps" parasites qui viennent vendre du contenu sur iPad sans rien reverser à Apple, surtout au moment où iBookstore est arrivé… anticiper, c'est quand même quelque chose d'important quand tu te lances dans un business. M'enfin tout ça pour dire que pour moi, l'intérêt du lecteur n'est pas dans un lien qui lui permet de télécharger/acheter chez tel revendeur et de s'enfermer dans un écosystème en particulier. En tant que lecteur, mon intérêt est d'acheter où j'en ai envie, et de pouvoir lire partout. Mon intérêt est de jouir de mon achat comme je l'entends. Or, Amazon a clairement affirmé qu'ils ne vendaient qu'une licence par exemple, pas un fichier Kindle. Bref, tu sors de l'écosystème, tu as perdu tes bouquins achetés là-bas. Effectivement, la décision violente d'Apple fait des remous, mais elle est l'arbre qui cache la forêt, à savoir qu'il faut (1) dégager les DRM, (2) avoir un standard qui soit réellement standard et universel et (3) pouvoir profiter de son fichier comme d'un livre papier. Et en tant qu'auteur et éditeur à certaines occasions, mes intérêts sont les mêmes. A la limite, tant mieux si on ne peut plus acheter depuis l'application, ça freinera le cloisonnement chez tel ou tel vendeur (même si ça encouragera le cloisonnement chez Apple qui fout pour l'instant des DRM… tout en en foutant pas sur les morceaux iTunes). C'est presque un mal pour un bien, mais je le répète, il faut voir les vrais problèmes et mettre les revendeurs et développeurs devant leurs responsabilités. A partir du moment où tu achètes un fichier chez l'un d'entre eux, tu es baisé. Et c'est ça le plus important.
avatar tigre2010 | 
@ Jiminy Panoz : Oui, pour le coup toutes ces boites apparaissent "fermé".
avatar idrobux | 
@Jiminy Panoz Apple et Steve Jobs a été moteur dans le retrait des DRM des fichiers de musique. Ils n'ont aucun intérêt à ces DRM autrement que d'établier des deals avec les majors et éditeurs. J'imagine que lorsque les ereaders seront partout comme l'ont été les lecteurs mp3, tous les vendeurs auront la pression du marché d'avoir une inter-opérabilité des fichiers. @bidon non la tva est sur le prix total, @Xel-8 tu feras attention ton correcteur orthographique n'est pas certifié non plus.
avatar Satoral | 
Yep, je sais, et c'est souvent compliqué de ne pas faire des compromis auprès de grands groupes qui croient encore que les DRMs servent à quelque chose (suffit de voir que des Team proposent les fichiers sans DRM et parfois de meilleure qualité niveau mise en page et formatage…) Cela-dit, le problème qui se pose, c'est de savoir ce qui se passera le jour où ils vont les enlever, ces DRMs, parce que sur iTunes, tu devais payer pour libérer tes morceaux déjà achetés… En plus, iBookStore est la seule plateforme (à vérifier si ça n'a pas changé aujourd'hui, les choses vont vite et il se peut qu'ils ont rajouté l'option) qui fout un DRM sans laisser le choix aux éditeurs. Kindle te laisse gérer ce point-là par contre, mais sur un format bien proprio… Lulu te facture l'intégration d'un DRM (1 dollar par fichier)… Une licence Adobe Adept (DRM) coûte pas moins de 75000€ par an. Ils sont en train de bosser sur un modèle "chronodégradable" d'ailleurs, donc un fichier qui se détruit après X heures. Donc, c'est une situation très compliquée où nous savons qu'Amazon, B&N ou Apple vont faire pression pour les dégager à un moment mais qu'ils sont massivement intégrés aujourd'hui. Nous ne savons pas si les fichiers disponibles à l'heure actuelle seront tous libérés le jour où ils le font, et comment ils le seraient. Or, ces plateformes représentent les plus gros volumes de vente et refuser de distribuer chez eux signifie mourir… Donc on ne peut même pas refuser de distribuer idéologiquement, à cause des DRM, parce qu'il faut rester avant tout pragmatique (comme dans tout business). Quant à l'interopérabilité, je pense qu'elle finira par s'imposer, mais s'imposer à minima. Peu importe qu'il existe un standard, le problème et que si ce standard n'est pas strict et que des règles précises ne sont pas obligatoires pour pouvoir afficher "Support ePub" ou autre, il sera intégré au bon vouloir des devs et fabricants :/
avatar chabalo | 
Merci pour toutes ces infos intéressantes ! (surtout Jiminy Panoz)
avatar shinove | 
Yoa je crois que tu n'a rien compris.
avatar eldaran83 | 
"Il semble bien qu'Apple a, pour une fois, fait passer son propre intérêt avant celui de ses utilisateurs." ... C'est toujours le cas, non ?
avatar Max3006 | 
J'ai toujours détesté la politique totalitaire d'Apple ! Je sors d'un centre agrée et le constat est sans appel : tous ce qui ne marche pas dans mon Mac provient de pièce non certifié par Apple alors que c'est exactement les même références. La différence est juste dans le prix : autour de 300€ d'ecard ...
avatar lamarmotte | 
"autant les libraires virtuels ne peuvent pas choisir les abonnements in-app. Apple ne leur laisse en fait aucun choix" je ne suis pas sur de comprendre.. Qu'est ce qui ( techniquement) empeche les libraires de vendre au travers du "In-App" ?
avatar Guillaumeg33 | 
Point de vu intéressant avec lequel je suis en accord. Apple joue le même jeu débile que les acteurs du marcher comme les Flammarion et consorts . Conclusion : - le premier prix chez Flammarion n'existe pas en ePub mais c'est échangé artisanalement a une vitesse fulgurante. - Virginie Despentes elle existe en ePub et l'achat ce fait très bien … - mais JAMAIS sur eBookStore d'Apple (avec ses DRM propres) car les DRM doivent disparaitre avant même de commencer la lecture.
avatar Caribours | 
3500 achats in-app? C'est pas beaucoup? Vous avez déjà acheté 3500 bouquins? Vous êtes un gros lecteur. Ou bien le catalogue doit être de moins de 3500 titres. Ça me parait bizarre.
avatar Ellipse | 
Les DRM Adobe (99% des libraires ePub) et Amazon sur le Kindle Store sont crackables en quelques clics, il y a même un plugin Calibre. Ce n'est PAS le cas chez Apple, les DRM n'ayant pas été crackés. C'est à prendre en considération pour une question d'interopérabilité.
avatar eipem | 
Faut arrêter 2 secondes. Il suffit de faire une Webapp et c'est réglé. Safari Mobile reconnait les ePub et sait les rediriger vers Stanza ou iBooks. Et sur une Webapp, impossible pour Apple de récupérer les 30%.
avatar Tubano31 | 
C'est 3500 achats maximum par compte iTunes pour une app. Ceci n'empêche aucunement un distributeur d'avoir un catalogue de millions de titres et de les vendre par achats in-app. Peu de clients achètent en effet 3500 livres. Apple met a disposition son infrastructure de distribution digitale, sa plateforme transactionnelle, s'occupe du recouvrement des paiements, fait la facturation, la promotion et la distribution. Dans toutes les industries ceci mérite une rémunération, bien souvent supérieure a 30%. La désinformation autour de ce problème est constante, car elle est propagée par les Media qui trouvent un intérêt á mettre l'opinion publique de leur coté pour simplement éviter de payer les 30% de commission a Apple. Tout le reste est du baratin.

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