Prix des eBooks : le Département de la Justice insiste sur la responsabilité d'Apple

Florian Innocente |

Apple et le Département de la Justice américaine ont livré leurs versions des faits à l'approche du procès prévu en juin pour entente sur le prix des livres électroniques.

Apple reste la seule accusée dans ce dossier, les éditeurs qui s'étaient rangés à ses côtés au début de l'enquête du gouvernement en avril 2012, ont depuis battu en retraite, accepté de négocier et revu les conditions de leurs accords avec Apple. Il en est allé de même en Europe.

Le Département de la Justice (DoJ) a compilé différents éléments à charge sur Apple qu'il accuse d'avoir été à la manœuvre pour organiser une entente sur les prix, avec pour effet de les faire monter et de nuire ainsi aux intérêts des consommateurs (lire Les USA attaquent Apple et 5 éditeurs pour entente illicite). À l'inverse, Apple prétend avoir bataillé avec chacun des protagonistes pour qu'ils signent un accord autour de ses propositions.

Pour dépeindre Apple en instigateur de cette supposée conspiration, le DoJ a par exemple recueilli un échange de mail entre Steve Jobs et James Murdoch de janvier 2010 dans lequel le premier invite le second à « rejoindre Apple pour voir s'il est possible de lancer un véritable marché tout public du livre électronique à 12,99$ et 14,99$ ».

À l'époque, Amazon régnait sur ce marché et n'hésitait pas à casser les prix à 9,99$, quitte à vendre à perte, pour mieux vendre ses Kindle. Une politique de dumping menée au grand dam des maisons d'édition, inquiètes pour leur activité, celle des libraires et pour les ventes des versions papier de cette aspiration des prix par le bas.

Pour le DoJ, cet email est l'une des preuves de l'attitude très proactive d'Apple dans la mise en place d'un système dit d'agence, où ce sont les maisons d'édition qui fixent le prix de vente sur les plateformes, réduisant à néant l'avantage tarifaire d'Amazon. 48h après le mail envoyé à Murdoch, sa filiale HarperCollins signait avec Apple, raconte le New York Times.

Autres pièces mises en avant, celles d'un chantage d'Apple sur Random House. Cet éditeur ne figurait pas dans la liste de ceux présents à l'annonce de l'iPad, il a été également laissé de côté par l'enquête américaine. S'agissant de Random House, c'est pour s'assurer avec cette entreprise une fusion sans rencontrer d'obstacles de la part du gouvernement que l'éditeur Penguin se serait brutalement désolidarisé d'Apple il y a quelques temps (lire Ebooks : Apple, Penguin et Macmillan retoquent l'enquête du Département de la Justice).

L'iBookstore annoncé sans Random House lors de la présentation de l'iPad

Markus Dohle, le PDG de Random House, a relaté une conversation qu'il aurait eu avec Steve Jobs, où ce dernier le menaçait de perdre le soutien d'Apple. Deux mois plus tard, Apple aurait fait peser la perspective de bloquer une application de Random House si aucun accord n'était trouvé. En janvier 2011, un contrat fut signé et annoncé en mars. Au moment de cet accord, Eddy Cue a envoyé un mail à Steve Jobs dans lequel il attribuait cette capitulation au « fait que [j'ai] empêché une app de Random House d'apparaître sur l'App Store ».

Eddy Cue

Un autre document émis par le directeur de Penguin, David Shanks, contient un passage où il explique qu'Apple était un « facilitateur et un intermédiaire » entre les maisons d'édition pour arriver à un accord. Son homologue Markus Dohle raconte qu'un cadre d'Apple lui a suggéré de menacer Amazon de retirer ses livres s'il n'acceptait pas de vendre à des prix plus élevés.

Un conseil peut-être inspiré par le bras de fer qui s'était tenu au moment de l'annonce de l'iPad entre Macmillan et Amazon (lire Amazon/Macmillan : la guerre éclair), au bénéfice du premier.

Apple pour sa part soutient que les maisons d'édition étaient déjà engagées dans une lutte contre les pratiques commerciales d'Amazon. Elle indique aussi, relate Reuters, qu'elle a d'abord essuyé un refus lorsqu'elle est allée les voir pendant qu'elle travaillait sur l'iPad.

Elle leur a proposé différentes clauses : ses habituels 30% de commission sur les ventes ; que les éditeurs ne fixent pas de prix plus bas sur d'autres plateformes que sur l'iBookstore et qu'ils cessent la pratique des sorties différées où les versions électroniques n'arrivent qu'après les versions papier (vendues plus cher). Dès le départ tous ont rétorqué ce niveau de commission et fait différentes contre-offres, affirme Apple. Dans le cas d'HarperCollins, Apple via Steve Jobs s'est ainsi tournée vers le patron de la maison mère, James Murdoch et la signature a eu lieu la veille de l'annonce de l'iPad.

Apple conteste aussi l'accusation selon laquelle ces contrats d'agence ont fait augmenter le prix moyen des livres, il aurait à l'inverse légèrement baissé, de 7,97$ à 7,34$.

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avatar an3k | 
Certainement pas en France où le prix est imposé et donc le même sur tous les stores.
avatar fornorst | 
Des prix bas... Toujours plus bas... Mais comment une économie peut elle vivre sans revenu? Je n'ai jamais trouvé les prix trop cher sur amazon ou iBook store.
avatar fornorst | 
@oomu D'accord avec toi
avatar KreepLord | 
Comme pour tout le reste : des voleurs...
avatar Tyrael | 
@ Boubloux Et quand tu veux emmener une vingtaine de livres en voyage, tu remplis ton sac de papier et laisse tes fringues à la maison ? Chez moi tout le monde adore lire et relire les mêmes livres : les murs de notre salon sont couverts de livres jusqu'au plafond... Pour des bouquins qu'on ne compte pas relire, le format électronique a un côté pratique à ce niveau. Les livres électroniques ont aussi un intérêt (encombrement, annotations) certain pour qui fait beaucoup de recherches. Dire "les livres papier c'est mieux", c'est aussi passer outre leurs inconvénients (prix de fabrication, diffusion, stockage, encombrement). Maintenant, je trouve aussi scandaleux que l'achat d'un livre papier ne donne pas systématiquement le droit à une version électronique ou que le prix des livres électroniques ne soit pas inférieur à la version papier. Ça et le manque d'interopérabilité des formats. Pour en revenir à l'article : la position du DOJ est étrange : le prix d'agence est bien moins destructeur pour l'industrie culturelle que ce qu'impose Amazon... Et le consommateur à beaucoup à gagner à la création d'un concurrent à Amazon, même à un prix un poil plus élevé...

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