Apple a l'intelligence artificielle discrète mais partout présente

Stéphane Moussie |

Avec le “Machine Learning”, une révolution silencieuse s’est opérée depuis quelques années au sein d’Apple et ses dirigeants en parlent volontiers aujourd’hui. Traduit en “apprentissage automatique” ou “statistique”, ce système vise à donner plus d’intelligence aux logiciels et services qui font fonctionner les iPhone, l’Apple TV, l’Apple Watch, iOS ou encore Siri.

Steven Levy fait un long compte-rendu d’une rencontre avec Eddy Cue, Phill Schiller, Craig Federighi et deux spécialistes d’Apple : Alex Acero qui supervise les technologies de la reconnaissance vocale (il travailla chez Apple puis à la Recherche de Microsoft avant de revenir au bercail) et Tom Gruber (l’unique co-créateur de Siri encore chez Apple).

E. Cue, T. Gruber, A. Acero et C. Federighi — crédit BackChannel

Il serait vain de vouloir résumer in-extenso leurs propos, émaillés parfois de références techniques que seuls les experts du domaine apprécieront. Mais on y lit que ce que l’on appelle communément (et d’une manière un peu simpliste) «intelligence artificielle » est utilisée à tous les niveaux de l’entreprise depuis plusieurs années.

Il y a tout juste deux ans par exemple, Siri a comme été réinitialisé. Une partie de son moteur a été relancé sur de nouvelles bases, un réseau neuronal et plusieurs autres technologies cousines, pour en améliorer les capacités de compréhension et d’interprétation. Le taux d’erreurs à ce moment là a été divisé par deux; voire un peu plus avec certaines langues.

Même la voix de l’assistant fait l’objet d’un travail constant. Pour en gommer le rendu artificiel que l’on connaissait au début et la rendre plus familière, plus agréable et donner ainsi envie de l’utiliser plus fréquemment.

À en croire Eddy Cue, l’amélioration de la pertinence de Siri a été impressionnante après cette mise à jour : « Ca fait partie de ces choses où le bond est à ce point massif que lorsque vous faites vos tests, vous vérifiez si quelqu’un n’a pas mis la virgule au mauvais endroit » (lire aussi Tim Cook : Siri de plus en plus intelligent, et ce n’est pas artificiel).

Bien qu’elle ait été la première à avoir installé un assistant intelligent sur son smartphone, Apple n’est pas perçue comme une championne dans le domaine de l’IA, contrairement à Microsoft, Facebook ou Google (un chercheur, dans l’article, fait mine de s’interroger : « qui parmi les 5 plus grands spécialistes de ce secteur travaille chez Apple ?…).

La faute à une discrétion exacerbée sur ce qui se passe en coulisse, mais un rideau de fer qui tend toutefois à se lever. On ne vient pas chez Apple avec l’objectif de publier des travaux de recherche, explique un des dirigeants, mais pour collaborer à la création de produits qui vont se retrouver sur le marché. Cependant, Apple va autoriser la publication de certaines recherches dès lors qu’elles ont une forte valeur ajoutée et peuvent bénéficier à la communauté des scientifiques.

Federighi rétorque aussi qu’Apple a embauché des cracks dans ce domaine mais aussi des gens qui viennent d’autres horizons (mathématiques, programmation, statistiques, chiffrement…) dont les connaissances s’appliquent parfaitement à ces problématiques.

À quelles fins sont utilisées ces différentes techniques d’intelligence artificielle ? Pour de nombreuses choses. Il y en a d’évidentes, comme la détection des visages dans Photos, l’interprétation de vos ordres pour Siri ou la dictée vocale.

Il y a aussi l’analyse de ce que vous tapez afin d’offrir des suggestions ou de remplir votre calendrier d’un rendez-vous reçu dans Messages. Ou vous dire qui est en train d’appeler alors même que vous n’avez pas cette personne dans votre répertoire mais qu’elle a mis son numéro dans l’un de ses mails. Ou établir la liste des applications que vous propose le widget des Suggestions sur l’écran d’accueil. Ou de savoir si votre téléphone doit ou non basculer sur le réseau cellulaire au vu de la dégradation de la connexion Wi-Fi.

Et cela peut s’appliquer également au tri des rapports de bugs envoyés par les bêtas testeurs ou pour détecter des fraudes potentielles sur l’Apple Store (lire aussi Apple renforce son intelligence artificielle avec l’achat de Tur).

Phil Schiller explique que ces efforts ont pris de l’ampleur depuis le tout début des années 2010 :

Au cours de ces 5 dernières années, nous avons observé au sein d’Apple une croissance dans tout cela. Nos appareils deviennent tellement plus intelligents à un rythme plus soutenu, surtout avec l’aide de nos processeurs Ax. Le back-end devient de plus en plus intelligent et rapide, et nous trouvons de plus en plus de raisons d’être connectés. Ce qui autorise le recours à davantage de techniques d’apprentissage automatique, parce qu’il y a tellement de choses à apprendre et tout cela nous est disponible.

Ce qui se concocte au niveau logiciel a également un impact sur la conception des produits, et pas seulement sur l’impérieuse nécessité d’avoir des processeurs plus rapides, poursuit Federighi :

Cela influe sur le choix du nombre de microphones à prévoir sur l’appareil et où nous les plaçons. Comment optimiser le matériel et ces microphones, et le composant logiciel qui traite l’audio. Toutes ces pièces du puzzle doivent être ajustées de concert. C’est un avantage incroyable face à ceux qui ne font que du logiciel et croisent les doigts quant à savoir ce que ça donnera.

Les dirigeants d’Apple soulignent toutefois que ce champ d’activité, bien que majeur par les possibilités qu’il offre, n’est qu’un ensemble de technologies parmi d’autres. Au même titre que des choses comme le multitouch, les nouvelles générations d’écrans ou les langages de programmation modernes participent à faire avancer les produits et à améliorer leur utilisation.

Dans leurs explications, ces responsables reviennent sur les questions déjà abordées depuis la dernière WWDC quant à la manière dont Apple gère les données privées.

Une large partie des traitements sur l’iPhone s’appuie sur un bloc d’informations de 200 Mo stocké et chiffré à l’intérieur du téléphone, et qui n’en sort pas. Un cache dynamique qui est constamment sollicité (pour l’auto-correction, les recherches Spotlight, Plans, Safari, les apps que vous utilisez souvent, vos interactions avec d’autres gens, etc). Une base de connaissances qui évite à Apple de faire transiter vos informations sur ses serveurs pour les y analyser ou, lorsque c’est nécessaire, en employant des techniques d’anonymisation (« Privacité différentielle » : comment Apple collecte vos données sans collecter vos données).

Une réflexion intéressante conclut l’article. Celle de la contradiction apparente entre la philosophie d’Apple qui est de vouloir exercer un contrôle absolu sur l’expérience utilisateur que vont procurer ses produits, avec sa volonté affirmée de confier à des intelligences logicielles certains aspects de cette expérience. Et de prendre le risque de voir sortir des résultats non désirés ou insuffisants.

« C’est la source de nombreux débats en interne » concède Federighi :

Nous sommes habitués à fournir une expérience extrêmement pensée et réfléchie, où nous contrôlons toutes les dimensions de l’interaction avec l’utilisateur. Lorsque vous commencez à entrainer un système basé sur de grands ensembles de données du comportement humain, [les résultats qui émergent] ne sont pas nécessairement ceux qu’un designer chez Apple aurait voulu. Ils sont l’expression de ce qui a émergé de ces données

Pour autant, conclut Schiller, même si ces techniques modifient effectivement la manière dont on conçoit quelque chose « au bout du compte, nous les utilisons parce qu’elles nous permettent de proposer un produit de plus grande qualité ».

avatar Le Gognol | 

En attendant, les "Suggestions de Siri" dans l'écran de recherche c'est un peu n'importe quoi. Et en plus l'intitulé est source de confusion (pourquoi mentionner Siri et pas Spotlight ?).

avatar reborn | 

@Le Gognol :
Peu importe l'intitulé, cela reste des suggestions..

avatar Pomme2Poule | 

@Le Gognol :
Parce que Siri est le visage de l'IA chez Apple. D'ailleurs plus ça va, plus Spotlight évolue en Siri textuel sur certaines fonctions. Les deux partagent beaucoup en commun

avatar Le Gognol | 

@Pomme2Poule :
Pour l'utilisateur lambda ça ne veut rien dire et c'est confus. Sans intitulé ça serait plus propre...

avatar C1rc3@0rc | 

Et Siri n'est pas de l'IA…

Il y a plusieurs années, un collègue de l'époque travaillait sur un projet d'interface adaptative capable d'apprendre.
Le soft proposait de réorganiser les fonctions les plus utilisées pour qu'elles soient accessibles le plus rapidement et proposait aussi des séquences automatiques issus des séquences de traitements les plus habituelles.
C'était pas vraiment de l'IA, c'était plus de l'observation et des statistiques (ce que fait aussi Siri et autres machins vendus comme IA) mais ça tapait souvent juste et le temps "d'apprentissage" était relativement court. Le gars avait meme projeté de réaliser des profils comportementaux partagés qui permettaient d'accélérer encore le processus. Apparemment aucun éditeur n'a trouvé le produit vendable.

Pour ce qui est de Siri et autres gadgets du genre il faut [a href="http://www.dailymotion.com/video/x49wcti_orlm-228-luc-julia-le-pere-de-siri-parle_tech]"«ecouter l'interview de Luc Julia, le pere de Siri» ça en dit long sur l'enfumage que nous balance le marketing pour faire oublier la misere des machines actuelles et nous expliquer que l'IA c'est le cloud (pour paraphraser Oomu, faut être con pour voir de l'intelligence dans de la vapeur d'eau vagement condensée).

Il y a plus d'IA dans un jeu un peu lourd pour PC ou dans les algoritmes qui analysent les textes des utilisateurs de Facebook pour realiser des profil socio-comportementaux.
Il y a aussi plus d'IA dans les vehicules autonome qui arpentes les routes de l'EPFL depuis des annees, ou les rovers qui doivent se demerder sur Mars.

Apres parler d'IA pour un soft GPS, pour un soft qui va a peine reprendre ce que fait Eliza depuis plus de 50 ans... ou qui fait encore moins que les vieux systeme expert des années 90... moais.
L'intelligence artificielle elle est plus tot du cote de celui qui gobe ses conneries.

avatar XiliX | 

@C1rc3@0rc

Bah l'IA se base aussi sur des statistiques et probabilités. La phase d'apprentissage est largement guidé par des stats et probabilités. En plus des informations directes.

D'ailleurs, les autres humains aussi utilisent beaucoup des stats et des probabilités durant la phase d'apprentissage.

P1 : C'est quoi ça ?
P2 : C'est une pomme

P3 : C'est quoi ça ?
P1 : Vu la forme, ça ressemble à une pomme, il y a de forte chance que ce soit un autre variété de pomme

P4 : Et ça c'est quoi ?
P3 : Je dirai qu'à 75% de chance que ce n'est pas une pomme...

Nos apprentissages sont ponctués de formules mathématiques.

Alors qu'est-ce qui différencie l'Intelligence de l'Intelligence artificielle ?
Je ne connais qu'un contexte qui permet de différencier l'Intelligence de l'Intelligence artificielle ?

avatar Trillot | 

Fallait bien que C1rc3@0rc nous innonde de sa science. Ses commentaires sont de véritables chefs d'œuvre de propos péremptoires derrière lesquels on peine à sonder le fonds de la bêtise. Il sait tout mieux que tout le monde.

Il devrait proposer ses services à Apple ;-))

Merci à iGen pour cet article que j'avais manqué à sa sortie. Il est très intéressant et il montre encore une fois la démarche précautionneuse d'Apple lorsqu'il développe et introduit de nouvelles technologies. Ca n'est jamais brutal contrairement à ce que l'on croit. C'est souvent préparé longtemps à l'avance et testé discrètement dans les produits comme on l'a vu pour le multitouch ou les capteurs de mouvement longtemps testés sur les portables avant de déboucher sur l'iPhone.

La maturation de ce genre de produit est forcément longue chez Apple comme chez les autres, mais je crois que c'est prometteur.

avatar horizon | 

Je suis très régulièrement déçu par l'écriture prédictive :
je trouve qu'elle n'utilise pas assez mes anciens messages ou reviennent certains mots et noms propres.
Elle propose parfois des fautes de grammaire impressionnante.... (Impressionnante est ici proposée au singulier car l'écriture prédictive accorde le mot "grammaire" au lieu de "fautes" ...!)

avatar armandgz123 | 

@horizon :
1, venant d'un Android avec un clavier bizarre, le prédicateur d'iPhone n'est vraiment pas top, on dirais qu'il apprends rien...

avatar fanchig | 

Article très intéressant :-)

avatar bonnepoire | 

Moi aussi. J'avais désactivé les suggestions sur mon 5s. En testant la beta de iOS10, ça a été réactivé et j'avoue que c'est intéressant.

avatar iYoung | 

Très bel article MacG.

Concernant l'article je trouve que les prédictions à mon niveau sont pertinentes déjà que j'ajoute des mots en langage traditionnel et SIRI est capable très souvent de les ramener au bon moment c'est très agréable.

avatar e2x | 

Article intéressant,,on continue d'en apprendre sur cx qui les préoccupent. ?
Je trouve un peu fatiguant les commentateurs qui remettent perpétuellement en cause les affirmations des mecs d'Apple ou du titre choisi pour l'article d Macg !
J'vois pas c'que ça leur avancerait de parler de choses ( surtout d'I.A. ) s'ils n'en faisaient pas. Pfff...

avatar patrick86 | 

"Je trouve un peu fatiguant les commentateurs qui remettent perpétuellement en cause les affirmations des mecs d'Apple ou du titre choisi pour l'article d Macg !"

Problèmes d'égos sur-dimensionnés. ?

Perso, puisque nos super-commentateurs sont de si bons ingénieurs, j'attends toujours la mise sur le marché de leurs ordinateurs révolutionnaires.

avatar ovea | 

L'idée par quand même du constat qu'Apple n'apprend rien de l'utilisateur qui seul serait plus à même de « développer » ses propres apprentissages « mécaniques »
Exemple :
Les mots absents du dictionnaire français produisent d'innombrables faute dans la prédiction des mots.
Tout le monde s'en fout mais si c'est primordial pour ne serait-ce qu'une personne qui en a vraiment besoin, alors ce serait intelligent qu'Apple n'entretienne pas son délire de contrôle de l'interface utilisateur !

avatar CaptainBinouz | 

LOL les équipes d'Apple aujourd'hui :))
Les anciens "pirates". Quand on les compare aux jeunes recrues de Google, Samsung, Facebook, Tesla etc... on à affaire à une horde de vieillards. Les anciens camarades de Jobs commencent à prendre du plomb dans l'aile malheureusement.

avatar XiliX | 

Bel article d'été les gars...

CONNEXION UTILISATEUR