iPhonéographie : Downtown, de Richard Koci Hernandez

David Bosman |

Downtown, c’est plusieurs choses en même temps :

  • C’est un livre de photos.
  • C’est le premier volume d’une série intitulée #onthestreets, vouée à présenter le travail de photographes de rue.
  • C’est le premier ouvrage de la toute nouvelle maison d’édition Out of the Phone qui, comme son nom le laisse deviner, se consacre à l’iPhonéographie (mais pas exclusivement à la photo de rue). Et qui est, comme son nom ne le laisse pas forcément deviner, une maison d’édition française.
  • C’est Downtown, que l’on pourrait traduire par “En ville”, le titre du bouquin lui-même, qui présente le travail de Richard Koci Hernandez.

Richard qui ?

À moins de vous intéresser à l’iPhonéographe — même s’il est encore loin, on rêve du jour où on cessera de faire cette distinction, pour parler uniquement de photographie — il y a des chances pour que vous ne le connaissiez pas. C’est dommage, car en plus d’être un photographe de talent, c’est un excellent pédagogue.

Si Downtown passe assez logiquement sous silence son travail pédagogique, pour se concentrer sur son travail (i)photographique, vous pouvez vous faire une idée de ce que vaut le professeur, en regardant cette vidéo dans laquelle on le voit travailler à l’iPhone.

C’est aussi l’occasion d’apprécier la façon dont la street photography se pratique aux États-Unis, où la législation reconnait au photographe le droit de photographier à peu près tout ce qui se passe en rue, que ça nous plaise ou non, et comment elle se pratique en France, où le photographe n’a presque le droit de rien photographier et où, trop souvent, son geste sera perçu comme suspect.

Entre ses deux extrêmes — le “voleur d’images” made in France et le (quasi) “cow-boy” qui tire sur tout ce qui bouge en toute impunité — on rêve d’un juste milieu. Bref, c’est instructif et frustrant en même temps. La video est bourrée de bons conseils :

iPhone shooting techniques

Si la vidéo ne vous suffit pas, cela vous sautera aux yeux en feuilletant l’ouvrage : le sujet central de Hernandez n’est pas tant la ville que les citadins. Leur silhouette, leur tronche, leur posture, leur ombre sur fond de la ville.

“La ville, c’est les gens”, nous dit chaque image. Difficile, alors, de ne pas revenir sur cette question du droit de photographier en rue et de nous demander quelles mémoires nous léguerons de nos villes et de notre quotidien quand l’acte même de photographier en rue est devenu si problématique — en même temps qu’il est devenu si simple qu’on peut le faire avec un téléphone. Des rues vides et des façades ? Peut-être même pas ça ? Réjouissons-nous car il nous reste le dessin, aurait pu nous répondre Bresson.

Le livre

Revenons au livre : relié, cahiers cousus et dos carré toilé, 84 photographies, impression offset en trichromie, 96 pages, 22,5 x 16,5 cm. La première édition est tirée à 600 exemplaires numérotés. Des tirages à part sont également disponibles, limités à 15 exemplaires chaque, avec un tirage photo sur papier chiffon.

Je suis surpris que le (trop petit) texte d’accompagnement ne soit proposé qu’en anglais — d’autant plus étonnant que sur le site Web, où se mélangent anglais et français, rien ne l’indique.

En dehors de ça, c’est un très bel objet et un bon livre pour découvrir le travail d’un photographe qui a pris le parti d’exploiter l’iPhone comme appareil photo et de jouer à fond des contrastes : ses N&B sont souvent noirs et blancs — ce n’est pas fait pour me déplaire.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, créer une collection imprimée pour faire connaître l’iPhonéographie — une photo qui est numérique et qui prospère en réseau — contribuera peut-être à la légitimer aux yeux de celles et ceux qui s’obstinent à n’y voir qu’un jouet ou quelque chose de pas très sérieux. L’éditeur ne cache d’ailleurs pas son désir de promouvoir l’iPhonégraphie, qu’il a découverte il y a deux ans.

Mais passer par un livre, cela veut dire aussi que l’on aborde l’iPhonéographie de façon plus classique : sans zoom sur l’image, sans métadonnées, sans commentaires, sans partage, sans Like, sans RT. On se retrouve seul, à tourner une page après l’autre, en tête à tête avec chaque photo. Et si l’alchimie fonctionne, ce que je vous souhaite, ne vous étonnez pas de parfois vous demander ce que donnerait telle ou telle photo tirée dans un plus grand format : l’immersion serait-elle plus intense ?

Vu son prix (45€), il est évident que le livre ne cherche pas à toucher le plus large public possible — autant pour la “démocratisation de la photo par l’iPhone”, dont parle l’éditeur par ailleurs — mais il a de quoi séduire les amateurs. C’est également un très chouette chouette cadeau à (se faire) offrir et une façon originale de (faire) découvrir l’iPhonégraphie… Cela le sera d’autant plus que le catalogue s’enrichira progressivement du travail d’autres photographes. On attend donc les autres titres, et les autres collections, avec beaucoup d’impatience.

Downtown, Out of the Phone
Ouvrage relié, 84 photographies, impression offset en trichromie, 96 pages, 22,5 x 16,5 cm Prix: 45€

Plus d’informations sur le site de l’éditeur : Out of the Phone

avatar jibu | 
Je ne comprends pas comment on accède aux vidéos, c'est payant?
avatar guillaume45 | 
@Araminta: Oui, c'est payant. Sauf la vidéo d'introduction (mais qui est déjà très intéressante).
avatar Kevelian | 
c'est une très bonne et trop rare initiative ...
avatar Kevelian | 
@EBLIS, rien qu'un livre de YAB coute au mini 100€ et est tiré des centaines de milliers d'exemplaire ... J'adore la vidéo le type est un vrai artiste ça se sent dans son dialogue.
avatar closingscene | 
wahou. Instagram in a book. Comparant les photos que j'ai faite sur iPhone et APN, il n'y a pas photos (hehe). Bien sur le telephone permet de capturer plus de moments sur le vifs, et encore...
avatar Kevelian | 
@EBLIS , sur mon Mac avec flash coupé elle se voit sans soucis
avatar Kevelian | 
@EBLIS , tu prêche un convaincu , je connais de nombreux artistes qui bosse avec des outils rudimentaires et ont des résultats incroyable regarde les photos de Bettina Rheims et la matos qu'elle utilise ;-)
avatar LeChatBleu | 
Je sens que ce livre sera bientôt dans ma collection... Avec les autres qui vont arriver dans cette maison d'édition ! Un grand merci pour cette info :)
avatar takahashi751 | 
Mais non !!! Il n'a jamais vu et entendu Jobs dans un keynote !!! Boom, I can shoot ...

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