ARCEP : « Free Mobile change la donne »
A l'occasion de l'ouverture des services de Free Mobile, le quotidien Les Echos a interviewé Jean-Ludovic Silicani, président de l'ARCEP.
Les deux forfaits de Free sont en effet de nature à modifier le statu quo en profondeur. Le président de l'ARCEP fait un constat sévère de l'état du marché avant l'ouverture de Free Mobile : « En 2009, le gouvernement et le régulateur ont décidé de mettre en vente cette licence car nous avons fait ensemble le constat que le marché mobile avait une structure oligopolistique et donc insuffisamment concurrentielle. Ce marché se caractérisait par une rente de situation.»
Si l'ARCEP escomptait une forte inflexion vers la baisse, M. Silicani ne cache pas son étonnement sur le forfait à 2 euros : « C'est l'équivalent d'un service universel mobile. Il est possible qu'avec cette offre, le marché de la carte prépayée se réduise en France ou alors se cantonne à des niches telles que, par exemple, les offres prépayées dites « ethniques » ou destinées à l'international. »
Ce même forfait va également profondément changer les choses concernant le tarif social et accroitre la concurrence sur les opérateurs virtuels : « Le tarif social actuel à 10 euros a assurément peu d'avenir. S'agissant des MVNO, le marché devra se rationaliser, comme cela s'est déjà passé avec les fournisseurs d'accès à Internet, qui se sont regroupés. »
L'ARCEP devra tenir compte de cette nouvelle donne pour assurer la bonne marche de l'industrie : d'abord en s'assurant que Free tienne ses engagements, notamment sur la couverture de son réseau qui doit fournir 75 % de la population en 2015, mais également sur la nature effective du forfait illimité, et sur le service après-vente. Concernant les MVNO, l'ARCEP estime avoir fait tout ce qui était en son pouvoir, puisque la Commission Européenne s'est opposée à la régulation du prix des interconnexions pour les opérateurs virtuels, et que le régulateur a obtenu l'engagement de tous les opérateurs à permettre le modèle « full-MNVO » sur leurs réseaux 3G et 4G, tout en rappelant que la part de marché des opérateurs virtuels a doublé en un an.
Concernant l'impact de Free sur ses concurrents, le président de l'ARCEP ne semble pas s'inquiéter outre mesure : face aux menaces de plans sociaux, il se montre assez confiant puisque la concurrence accrue de ces dernières années a malgré tout permis à la baisse des embauches de s'arrêter dans le même temps. D'autre part Free promet 1000 créations de postes, et le « gâteau » à se partager va croitre. Pour Jean-Ludovic Silicani, et comme le suggérait lui-même Xavier Niel, il sera avant tout question de baisser les dividendes versés aux actionnaires des opérateurs pour compenser la perte de revenus. L'Etat français étant le premier actionnaire de France Telecom, il lui appartient d'avoir une politique volontaire s'il souhaite que l'opérateur historique maintienne son niveau d'investissement.