Free Mobile / Bouygues Telecom : le match continue

Christophe Laporte |

Il était encore question de téléphonie mobile cet après-midi à la Commission des affaires économiques. Premier invité : Olivier Roussat de Bouygues Telecom qui a répondu coup pour coup aux attaques de Xavier Niel quelques semaines auparavant.

Les tensions sont vives entre Free et Bouygues Telecom, ce n'est pas une nouveauté. L'audition d'Olivier Roussat a été l'occasion de le revérifier. À plusieurs reprises, le directeur général de Bouygues Telecom a exprimé sa colère et son agacement vis-à-vis des propos que Xavier Niel avait tenus notamment lors de son passage à la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale.

Avant les questions/réponses avec les députés, Olivier Roussat a cherché à démonter tous les arguments de son concurrent. Certains étaient tout à fait recevables, d'autres beaucoup moins. Il a affirmé que les forfaits sans engagement et non subventionnés étaient une innovation de Bouygues Telecom avec B&You, que ses concurrents ont copié par la suite. On rappellera que si Free avait conservé le mystère autour du prix de ses forfaits, son approche (pas d'engagement, pas de subvention des terminaux) était connue de longue date.

Il s'est attaqué aussi à l'idée que Free n'était pas une entreprise différente comme son cofondateur le laissait entendre. Olivier Roussat n'a pas hésité à dire aux députés qu'il [Xavier Niel] "s'était moqué de vous", en ce qui concerne la politique capitalistique du Free. Xavier Niel avait expliqué alors que 65 % du capital appartenait à ses employés. Ce qu'il avait oublié de mentionner, selon Olivier Roussat, c'est que le principal actionnaire, Xavier Niel en détient 62 %. Il ne reste que 3 % aux employés de Free.

D'autre part, Olivier Roussat a joué la corde patriotique affirmant que si les employés de Bouygues Telecom et de Free généraient à peu près autant de chiffres d'affaires, il y avait un important écart en matière de rémunération. Un employé Bouygues Telecom revient en moyenne à 69 000 € par an, contre 25 000 € par an chez Free. Cette différence s'explique selon lui par le fait que 40 % des employés de son groupe ne travaillent pas à Rabat. Difficile de faire une véritable comparaison sur ce point, car les deux sociétés ont des politiques différentes en matière de sous-traitance.

Autre idée souvent combattue par Olivier Roussat : l'idée voulant que Bouygues Telecom soit un rentier. Là encore, il a avancé des ratios d'investissement supérieurs à ceux que Xavier Niel avançait. D'autre part, il a ajouté que les taux de rentabilité de Free étaient analogues à celle d'un groupe de luxe.

Dans la session de questions/réponses, Olivier Roussat a attaqué Free sur sa mauvaise couverture. Contrairement à ce qu'affirmait Xavier Niel, il a indiqué que Bouygues Telecom, SFR et TDF ont offert la possibilité à Free de passer un accord pour poser leurs équipements dans plus de 6000 sites.

Au 13 février, Free Mobile était présent sur 978 sites. Olivier Roussat a affirmé que le nouvel entrant aurait pu avoir une bien meilleure couverture s'il le voulait. Il a rappelé d'autre part que Bouygues pour améliorer sa couverture investissait plus de 500 millions d'euros par an et qu'en 2011, elle avait ouvert plus de 2600 sites.

Olivier Roussat a clairement laissé entendre que les antennes de Free étaient allumées, mais dans bien des cas, elles étaient programmées pour ne pas accepter des clients. Selon lui, Free veut éviter les casseroles sur son réseau et s'appuyer sur le réseau d'Orange, bien plus fiable, pour ne pas ternir son image de marque auprès du grand public. Il a également sous-entendu l'idée que Free Mobile ne voulait pas investir massivement. Pour lui, si sa thèse est exacte et que l'Arcep laisse faire, c'est une grave entorse à la libre concurrence car in fine, les infrastructures sont ce qui permet aux opérateurs de se distinguer.

Pour faire face à Free, Bouygues Telecom ne compte pas se battre uniquement sur le plan tarifaire. L'opérateur compte innover. Olivier Roussat a pris l'exemple de sa prochaine "box" (lire : Bouygues : détails sur la nouvelle Bbox Sensation) qui disposera d'une console de jeux qui fonctionnera en streaming…

Il a d'autre part taclé Free sur son utilisation du terme illimité pour la data, rappelant que les 3 Go étaient considérés comme un petit forfait en Suède. Au Japon, un forfait "normal" propose selon lui 7 Go de données, a-t-il indiqué en substance. Selon lui, tous ces chiffres sont amenés à exploser dans les années à venir d'où l'importance d'investir massivement...

Interrogé sur les prix excessifs du roaming, Bouygues Telecom interdit d'utiliser les clés 3G à l'étranger pour que ses clients n'aient pas de mauvaises surprises. Une bonne initiative certes, mais Roussat n'a pas été au fond des choses. Il a également critiqué la manière dont Free propose des mobiles à ses clients. Le crédit à la consommation est une mauvaise chose. Free autorise ses clients de payer un terminal sur trois ans alors qu'en moyenne, les Français changent de terminaux tous les 21 mois. Selon lui, le mécanisme de subvention tel que les autres opérateurs le proposent est bien plus intéressant. Surtout avec la loi Châtel…

Chacun a ses arguments, mais une chose est certaine : Free et Bouygues Telecom ne partiront pas en vacances ensemble.

L'audition peut être revue sur le site de l'Assemblée.

Sur le même sujet :
- SFR répond sur Free Mobile devant les députés
- Stéphane Richard répond à Free et SFR
- Free riposte aux attaques de ses concurrents

Accédez aux commentaires de l'article