Free Mobile : Xavier Niel et l'ARCEP se défendent

Nicolas Furno |

C'est à travers une tribune publiée dans le journal Les Echos que le patron de Free Mobile a choisi de s'exprimer à nouveau. Xavier Niel répond aux multiples polémiques qui ont éclaté ces dernières semaines avec, en point d'orgue, la critique assez vive d'Arnaud Montebourg contre l'ARCEP et Free Mobile (lire : Arnaud Montebourg critique vivement l'ARCEP).

Dès le titre de la tribune, le ton est donné : "Free Mobile : mythes et réalités". Xavier Niel entend mettre les points sur les i et donner sa vision des choses :

Free Mobile a lancé ses offres le 10 janvier 2012. Depuis, nombreux sont ceux qui se sont exprimés, généralement pour se réjouir des impacts positifs de cette entreprise, mais aussi pour s'alarmer des effets négatifs supposés, notamment sur l'emploi et l'investissement.

Face à des arguments qu'il juge "simples, voire simplistes", Xavier Niel oppose une "vision positive". Le PDG d'Iliad, maison mère de Free Mobile, démonte un à un ces arguments, en commençant par la question des emplois qu'il avait déjà abordée lors de son passage devant les députés (lire : Free riposte aux attaques de ses concurrents).

L'emploi dans le secteur baisse depuis 1998, c'est une tendance de fond que le quatrième opérateur n'a pas créée cette année. Il ajoute d'ailleurs que le secteur connaît est stable, voire en légère croissance depuis 2009. Une information confirmée par l'observatoire annuel du marché des communications électroniques publié par l'ARCEP.

Xavier Niel s'attaque ensuite à la question des investissements, reprenant là aussi des chiffres qu'il avait déjà évoqués précédemment : « France Télécom, SFR et Bouygues Telecom ont des investissements qui représentent de 12 % à 20 % de leur chiffre d'affaires. Iliad est à plus de 50 % en 2011. »

L'investissement perd lourd dans les revenus de son entreprise, mais il faut rappeler que cet investissement n'est pas nécessairement plus important en valeur que ceux de ses concurrents. Le PDG rappelle d'ailleurs que les « les trois opérateurs historiques vont demeurer très prospères » et il donne le chiffre de 5,5 milliards de dividendes distribués pour l'année dernière.

Le patron de Free Mobile concède toutefois que ses concurrents ont augmenté récemment leur investissement pour la 4G, mais il fait de l'entrée du quatrième opérateur leur motivation principale :

En termes d'investissement : les trois opérateurs historiques, qui du temps de l'oligopole avaient attendu des années avant de déployer la 3G, au mépris de leurs obligations, se précipitent sur le déploiement de la 4G pour se différencier du nouvel entrant.

L'actualité mobile est effectivement riche en 4G. Orange ouvrait cette semaine son réseau 4G à Marseilles, alors que Bouygues le teste à Lyon. Stéphane Richarg, PDG d'Orange, a reconnu justement hier au site ZDNet que l'investissement en 4G était une réponse à l'entrée d'un quatrième opérateur :

Avec l'arrivée du nouvel entrant, se pose la question de l'investissement. Il faut des opérateurs qui soient décidés à investir, c'est le cas d'Orange pour être en avance dans le temps et en qualité. Nous investissons chaque année 2,6 milliards d'euros dans nos réseaux dont 500 millions dans le mobile.

Dans sa tribune publiée dans Les Echos, Xavier Niel pose ensuite la question de l'intérêt des clients. Comme il l'avait déjà longuement fait pendant sa présentation de Free Mobile, en janvier, il dénonce à nouveau les méfaits de ce qu'il qualifie d'oligopole. Sa démonstration est, il faut l'avouer, très efficace quant à l'impact de l'entrée d'un nouvel opérateur sur les tarifs :

Les forfaits illimités étaient proposés autour de 180 euros par mois en 2008 quand le projet de quatrième licence était moribond, puis autour de 80 euros quand l'appel d'offres a été ouvert, et miraculeusement, quelques mois avant le lancement commercial de Free Mobile, de 24,90 euros.

Pendant la présentation de Free Mobile, Xavier Niel a comparé directement son offre avec celles de ses concurrents.

Et Xavier Niel d'enfoncer le clou en rappelant le rôle de Free sur les tarifs de l'Internet, il y a une dizaine d'années :

De même qu'au début des années 2000 le lancement par Free des box, du « triple play » et des forfaits à 29,99 euros quand le marché était positionné à 70 euros a accéléré le passage de la France du Minitel à la France numérique, j'affirme que Free Mobile dynamise le marché.

Loin de considérer que son offre contribue à nuire à l'économie française en détruisant un marché par une « concurrence sans limite » comme le nouveau ministre du Redressement productif — Arnaud Montebourg — le dénonçait en fin de semaine dernière, le patron d'Iliad indique que la hausse immédiate du pouvoir d'achat de ses abonnés profite à la communauté.

Xavier Niel indique que les milliards ainsi économisés profiteront à d'autres secteurs et compenseront la baisse du chiffre d'affaires du secteur, une baisse qui reste à prouver selon lui. Il termine en rappelant que Free Mobile crée de l'emploi avec ses boutiques, mais aussi ses cinq centres d'appels tous situés en France.

Xavier Niel n'est pas le seul à réagir contre les polémiques qui visent Free Mobile. L'ARCEP est souvent visé de la même manière et on critique l'autorité pour avoir validé l'entrée du quatrième opérateur sur le marché et pour n'avoir pas fait un travail suffisant de validation technique. Dans ce chapitre, c'est à nouveau Arnaud Montebourg qui a fait le plus de bruit en accusant l'ARCEP « [faire] des choix politiques en lieu et place du politique ».

C'est à l'occasion du Forum des Télécoms et du Net également organisé par Les Echos que l'autorité a pu se défendre, comme le rapporte le site DegroupNews. À la critique qui veut que l'ARCEP fait de la politique et que ce n'est pas son rôle, Jean-Ludovic Silicani, président de l'autorité, répond très simplement : « Pour le principe d'attribution [de la licence 3G] c'est le gouvernement qui a mis cela en place et qui en a fixé le prix. »

C'est le monde politique qui a validé l'entrée sur le marché de Free Mobile rappelle en substance le président de l'ARCEP. En décembre 2010, le Canard Enchaîné rapportait que François Fillon, alors premier ministre, avait profité de l'absence de Nicolas Sarkozy pour permettre cette entrée.

Quoi qu'il en soit, l'ARCEP comme Xavier Niel s'en prennent, sans le nommer, aux propos d'Arnaud Montebourg. Le patron du quatrième opérateur rappelle dans sa tribune que « le marché français du mobile était un oligopole, lourdement sanctionné par l'Autorité de la concurrence en 2005. », avant d'ajouter que les avis favorables à l'attribution d'une licence supplémentaire n'ont pas manqué :

À peu près toutes les institutions à même d'avoir un avis éclairé sur le sujet se sont montrées favorables à l'attribution d'une quatrième licence : l'Autorité de la concurrence, l'ARCEP, la Commission européenne, l'OCDE, la commission Attali, les associations de consommateurs…

Le lendemain de l'annonce de Free Mobile, l'actuel ministre du Redressement productif se félicitait de l'entrée sur le marché de Free Mobile. Les temps changent…
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