Kindle Fire : la tablette pas chère, mais pas top

Nicolas Furno |

Les premiers tests de la nouvelle tablette d'Amazon ont été publiés pendant la nuit aux États-Unis. Sans trop de surprises, le Kindle Fire ne laisse personne indifférent : Amazon a frappé un grand coup en proposant sa tablette à 200 $ seulement. Pour atteindre ce prix record, il a bien fallu faire quelques concessions : le pari d'Amazon est-il payant ? Le Kindle Fire à l'épreuve du feu…

Une tablette sans saveur

La première impression dégagée par la tablette d'Amazon n'est pas très positive. Le Kindle Fire n'est pas mauvais, mais il manque vraiment d'originalité, et pour cause. Amazon a choisi une tablette qui ressemble à s'y méprendre au PlayBook de RIM : les deux terminaux ne sont pas identiques, mais ils sont si proches qu'on pourrait facilement les confondre en enlevant les logos des entreprises.

À gauche, le Kindle Fire d'Amazon ; à droite le PlayBook de RIM

La construction du Kindle Fire est très simple : un écran brillant de sept pouces (1024 x 600) en façade sans aucun bouton, comme chez RIM, une façade arrière en plastique mat toujours comme pour le PlayBook, connecteurs et boutons sur les tranches. Amazon a fait dans le minimalisme et sa tablette remporte sans doute le record du moins grand nombre de boutons : le Fire ne contient en tout et pour tout qu'un seul bouton pour allumer/éteindre l'écran de la tablette. The Verge, regrette ce minimalisme : l'absence de boutons physiques pour ajuster le volume est vraiment gênante tandis que le bouton d'allumage est manifestement trop sensible et il s'actionne trop facilement par erreur.

Le Fire a aussi les avantages du PlayBook : plus petite encore que celle de RIM, la tablette d'Amazon est de taille réduite et se casera facilement avec vos autres affaires. Autre avantage, le poids est largement inférieur à celui de l'iPad : 413 g pour Amazon, contre 600 g pour Apple, la différence se sent.

Pour finir le tour du propriétaire, Amazon a intégré à sa tablette deux enceintes, mais au lieu de les placer autour de l'écran comme sur le PlayBook, elles prennent place sur la tranche. Une mauvaise idée si l'on en croit Engadget : la qualité audio est vraiment médiocre et il ne faut pas espérer un quelconque début de stéréo, alors que la tablette de RIM n'était pas trop mauvaise sur ce point. On pourra bien sûr brancher à la tablette un casque via une prise mini-jack, tandis que la prise micro-USB sert à la recharge et à la synchronisation.

Composants allégés

Pour vendre sa tablette à 200 $, Amazon a nécessairement fait quelques concessions et c'est notamment sur la liste des composants internes que cela se ressent. Le processeur, un TI OMAP 1 GHz double cœur, est le même que sur le PlayBook, mais le Kindle Fire n'a droit qu'à 512 Mo de mémoire vive ce qui est manifestement un peu juste et la cause de quelques ralentissements de l'interface. Amazon a équipé sa tablette de 8 Go de stockage, mais seuls 6,5 Go environ seront utilisables par l'utilisateur.

La liste des concessions ne s'arrête pas là : pas de GPS, pas de Bluetooth ni de 3G, il faudra se contenter du WiFi. Pas non plus de caméra en façade ou à l'arrière et si le Kindle Fire a un accéléromètre pour changer l'orientation de l'écran, il n'a manifestement pas de capteur qui permettrait de modifier automatiquement la luminosité. L'écran est par ailleurs plutôt bon, même si sa définition est dans la moyenne basse : les couleurs sont bien rendues et les angles de vision sont très bons.

Pour animer la tablette, le Kindle Fire contient une batterie censée fonctionner avant extinction pendant 8 heures si l'on en croit le constructeur. Le test de lecture vidéo d'Engadget permet d'arriver à une autonomie réelle proche de celle annoncée : le terminal s'est éteint après 7 heures et 42 minutes. Pas mal, mais dans la moyenne basse des tablettes récentes testées par le site : on est loin de l'iPad 2 qui dépasse les 10 heures, ou de la Galaxy Tab 10.1 qui les atteint presque.

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Une tablette Android Amazon

Les spécifications techniques ne font pas tout, Amazon comme Apple l'a bien compris. Le vendeur compte sur son écosystème pour vendre le Kindle Fire : pari aussi réussi que pour la Apple ?

On le sait, le Fire est une tablette Android, mais Amazon a tellement modifié le système mobile de Google qu'il en est presque méconnaissable. On retrouve certains éléments, comme le clavier qui est celui de départ avec simplement une interface légèrement différente, ou comme les réglages de la tablette. Cette base Android est parfois mal venue : comme l'indique Engadget, le clavier qui permet de débloquer une tablette protégée par un mot de passe n'est très bien adapté à l'écran du Kindle Fire.

Les changements l'emportent sur les ressemblances néanmoins. L'écran d'accueil habituel d'Android a totalement disparu, remplacé par le Carousel : la liste des éléments récemment utilisés par ordre chronologique, qu'il s'agisse d'applications, de livres, de films ou de musique. La présentation rappelle vaguement le Cover Flow d'Apple et elle s'avère assez pratique pour retrouver rapidement ce que vous faisiez… à moins de trop attendre. Cette liste regroupe tous les éléments sans possibilité de sélectionner un type seulement et tous les testeurs regrettent ce manque d'options qui peut rendre le Kindle Fire pénible à utiliser. La liste d'éléments récemment ouverts n'est pas modifiable : impossible de supprimer une page Internet visitée ou un magazine ouvert, sauf à attendre d'avoir suffisamment d'autres éléments.

Vous pouvez toutefois ajouter des favoris qui prennent place sous le Carousel tandis que des listes exhaustives sont proposées pour les applications, les livres et autres éléments stockés sur le Kindle Fire.

Amazon a fourni un gros travail pour masquer Android et l'améliorer et c'est en général plutôt réussi. The Verge apprécie le tiroir qui permet de modifier rapidement certains réglages comme la luminosité ou le volume. Reste qu'il s'agit là d'une première version qui nécessite encore du travail : tout le monde s'accorde à dire que le Kindle Fire est loin de l'iPad 2 d'Apple ou même d'une tablette Honeycomb. David Pogue, pour le New York Times, l'écrit clairement : la tablette ne coûte que 200 $, mais on en a pour son argent avec un système lent, qui répond souvent mal.

La grande pauvreté en boutons physiques se fait ici aussi ressentir. Comme dans Ice Cream Sandwich, on contrôle les applications directement à l'écran, mais le Kindle Fire a la fâcheuse tendance à cacher certains boutons bien utiles et notamment celui qui permet de revenir à l'écran d'accueil. Il faut souvent plusieurs taps pour retrouver le Carousel de départ et les applications n'ont pas toutes adopté le même fonctionnement, ce qui complique encore les choses…

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Navigateur et autres applications

Amazon a largement mis en avant le navigateur Internet de sa tablette, et pour cause. Silk est basé sur un moteur WebKit, comme pour les concurrents du Kindle Fire, mais il est censé être accéléré par un traitement préalable des pages sur les serveurs d'Amazon. Mieux, Amazon enregistre les habitudes de tous ses utilisateurs pour deviner ce que vous allez probablement faire après l'affichage d'une page. La tablette doit charger dans sa mémoire ce choix probable pour l'afficher encore plus rapidement.

Sur le papier, Silk est un avantage incontestable pour la tablette d'Amazon. Dans les faits, c'est moins évident : le navigateur du Fire est plutôt lent, en tout cas toujours plus lent que l'iPad 2 ou même qu'une tablette Android. Le système d'Amazon n'apporte pas grand-chose à ce jour à l'utilisateur, mais il permet toujours à l'entreprise de collecter des données utiles pour la publicité…

Outre un navigateur Internet, le Kindle Fire est livré avec un client mail jugé basique, mais efficace, un lecteur musical et vidéo correct, mais sans plus (qualités audio et vidéo assez moyennes) et évidemment une liseuse numérique pour lire romans, magazines et comics qui n'est pas non plus parfaite. Elle souffre notamment de lenteurs par rapport aux applications équivalentes chez la concurrence. La lecture de magazines est également très décevante pour David Pogue : il y a deux vues, une qui présente la page en entier qui n'est pas lisible sur un écran 7 pouces et l'autre qui présente uniquement le texte. On est loin selon le journaliste des applications de magazines présentes sur l'App Store.

Qui dit tablette dit aussi applications tierces. Le Kindle Fire n'est pas compatible avec l'Android Market officiel, mais Amazon propose dans son AppStore plus de 10 000 applications. C'est largement moins que sur la boutique de Google ou celle d'Apple, mais les applications courantes sont présentes, d'Angry Birds à Facebook ou Twitter, en passant par Netflix, EPSN ou Hulu. Beaucoup de titres manquent toutefois à l'appel et la base du Kindle Fire, Android 2.3, n'aide pas à concevoir des applications prévues pour un écran de 7 pouces. Le résultat est sans appel : la plupart des applications ne sont que des versions agrandies d'applications pour smartphones.

Amazon fait un pari avec sa tablette. Si le Kindle Fire remporte un franc succès, les développeurs seront attirés et développeront des applications exclusives sur l'Amazon AppStore, initiant ainsi un cercle vertueux. Sauf que le manque d'applications et l'incompatibilité du Fire avec l'Android Market peut aussi créer l'effet inverse et limiter le succès de la tablette faute d'applications…

Une tablette pensée pour acheter

Plus encore que l'iPad, le Kindle Fire est une tablette pensée pour accéder à la boutique d'Amazon. Dans l'esprit, la tablette est plus proche de l'Apple TV : un terminal qui se connecte à une boutique pour récupérer du contenu, si possible sans le stocker en local.

La boutique d'Amazon est partout, mais il ne s'agit pas que de liens. Quand vous listez vos livres, magazines ou vidéos, le Kindle Fire présente non seulement ce qui est stocké en local, mais aussi ce que vous avez acheté sur les boutiques d'Amazon et qui est disponible en streaming, et même des éléments supplémentaires que vous pourrez acheter. Amazon fournit sa tablette avec un abonnement Prime : pour 80 $ par an, vous accéderez en streaming à 13 000 films et séries télé, mais aussi à un livre par mois.

De manière générale, le Kindle Fire a besoin d'une connexion Internet pour obtenir une expérience complète. La lecture de musique ou de vidéos se fait de préférence en streaming : les contenus achetés sur la boutique d'Amazon sont directement accessibles et vous pouvez sinon ajouter les musiques ou vidéos à la main dans le casier numérique d'Amazon. Seul problème : sans WiFi, le Kindle Fire perd de son intérêt, même si vous pouvez toujours stocker des éléments en local. Dans ce cas, c'est l'espace de stockage qui posera problème. L'absence de 3G est alors d'autant plus regrettable…

Autre avantage du Kindle Fire, la synchronisation du statut de lecture : Whispersync était déjà disponible pour les livres dans les Kindle, la tablette va plus loin en synchronisant aussi la position de lecture des vidéos. Si votre télévision est équipée d'un boitier Amazon, vous pourrez ainsi commencer une vidéo sur la tablette et la poursuivre sur votre télévision, ou vice-versa.

Pour conclure

À l'heure des bilans, c'est le prix du Kindle Fire qui ressort en premier. Certes, la tablette d'Amazon n'est pas parfaite, loin de là. Le matériel est en cause, mais une bonne partie des problèmes est plutôt liée au logiciel et pourra être réglée par une mise à jour. David Pogue, pour le New York Times, ne recommande pas le Fire toutefois et conseille plutôt un Kindle standard pour lire des livres, ou un iPad ou une tablette Android pour le reste.

The Verge et Engadget sont plus enthousiastes toutefois. Ils reconnaissent les défauts du Kindle Fire, mais le prix est toutefois imbattable et la tablette d'Amazon passe en tête du classement en terme de contenu.

Avec sa tablette, Amazon ne s'oppose ni à l'iPad, ni même aux autres tablettes Android : le Kindle Fire propose une autre alternative, une troisième voie entre l'iPad et les autres tablettes. C'est le pari d'Amazon, le grand public va maintenant décider…

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