Téléphonie : le lobby des opérateurs dénonce l'enquête de l'UFC-Que Choisir

Mickaël Bazoge |

7 milliards d'euros : c'est le pouvoir d'achat gagné par les Français depuis l'arrivée de Free Mobile sur le marché de la téléphonie en France. Ce chiffre, établi grâce à la baisse de 30% de la facture moyenne de l'abonnement en quatre ans, a été calculé par l'UFC-Que Choisir, dont la dernière étude a prouvé que le lancement d'un quatrième opérateur a été bénéfique pour le portefeuille des consommateurs (lire : L'impact de Free Mobile sur le marché des télécoms mesuré par l'UFC-Que Choisir).

Évidemment, la lecture des enseignements de ce rapport est bien différente si l'on se place de l'autre côté de la barrière, celle derrière laquelle se tiennent les opérateurs. La Fédération Française des Télécoms, qui compte dans ses rangs les principaux opérateurs (à l'exception notable de… Free Mobile), est ainsi vent debout contre l'enquête de l'UFC qui donne une « image biaisée » du paysage des télécoms en France.

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La FFTélécoms explique que le pouvoir d'achat retrouvé des consommateurs s'est réalisé au détriment de « la compétitivité des entreprises françaises, de l’attractivité de nos territoires et de l’intérêt du consommateur », rien de moins. Les prix bas des forfaits impulsés par les abonnements low cost de Free ont fait fondre les marges des opérateurs : la Fédération annonce une baisse de 26,8% entre 2010 et 2013, tandis que les revenus ont chuté de 16% dans le même temps.

Ces marges dégradées ont un impact sur l'ensemble de la filière : « distributeurs, fournisseurs, sous-traitants et sociétés d’intérim ». Les conséquences de ces baisses ont également un impact sur les recettes fiscales de l'État et des collectivités locales, poursuit la FFTélécoms, qui estime le manque à gagner à 1,7 milliard de TVA en moins sur trois ans. Et c'est sans compter le « déficit substantiel de rentrées fiscales relatives à l’impôt sur les sociétés et à la Contribution sur la Valeur Ajoutée des Entreprises ainsi qu’une dévalorisation de ses actifs patrimoniaux ». Autre argument plus intéressant, le report de consommation se réalise en majorité sur des produits (tablettes ou smartphones) dont « l’essentiel de la valeur est créé en dehors de France » (néanmoins, le consommateur règle la TVA et les différentes taxes sur ces produits en France).

Dans le même temps, les opérateurs ont été poussés à investir dans les infrastructures pour faire face à l'engouement des utilisateurs pour les services gourmands en bande passante. La Fédération estime cet investissement à 7 milliards d'euros en 2013, notamment pour le déploiement de la 4G et de la fibre (avec l'engagement de couvrir 60% de la population en 2020).

L'image dépeinte par le lobby des opérateurs n'est en effet pas rose. Mais ces arguments tiennent pourtant difficilement la route à la lumière des enchères mirobolantes auxquelles se sont livrées Bouygues Telecom et Altice/Numericable pour s'offrir SFR — pour s'affronter ainsi à grands coups de milliards, le secteur de la téléphonie ne manque pas de ressources, et la recomposition du secteur en cours (avec la perspective d'une nouvelle acquisition géante pour revenir à trois opérateurs) devrait encore montrer à quel point le secteur n'est pas aussi désargenté qu'il voudrait le faire croire.

Dans une pirouette sémantique fort acrobatique, la FFTélécoms assure également que la baisse des prix des forfaits nuit aux consommateurs. Certes, ils peuvent se montrer « satisfaits par la chute des prix à court terme », mais gare : « sur le moyen et long terme (…) ils seront lésés du fait d’une qualité de service dégradée ». D'ailleurs, l'arrivée de Free sur un marché jusqu'alors fermement détenu par le trio d'opérateurs (condamnés pour entente en décembre 2005) n'a fait qu'accompagner une baisse des tarifs impulsée dès 2006. La Fédération, qui s'appuie sur un rapport du cabinet Arthur D. Little publié en novembre dernier, rappelle ainsi que l'indice des prix de l'Insee dans les services télécoms a chuté de 22% à partir de l'année suivant la condamnation du Conseil de la concurrence.

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L'UFC-Que Choisir ne conteste pas le mouvement à la baisse : dans son étude, l'association de consommateurs estime que si le marché était resté à trois opérateurs, la baisse aurait été inférieure à 9%, contre 30% à quatre. De fait, le tarif moyen d'un forfait mensuel est passé de 24,10 euros fin 2011, à 16,90 euros actuellement. L'UFC a enfin pris son parti du retour à trois opérateurs : « Aujourd’hui, il n’est donc plus question de disserter sur le maintien à quatre opérateurs, mais de dresser les conditions d’un retour à trois qui, mal accompagné, serait préjudiciable aux consommateurs ».

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