Rabbit R1 : un lapin dans la main nourri à l'IA

Florian Innocente |

Avec son faux air de jouet, le Rabbit R1 veut simplifier l'utilisation quotidienne des services en lignes avec le concours de l'intelligence artificielle. En ligne de mire, les smartphones devenus trop touffus.

Les smartphones et les enceintes connectées vont-ils se faire marcher sur les pieds par une nouvelle génération de petits appareils spécialisés mus par l'intelligence artificielle ? En tout cas, de petits coups de boutoir sont régulièrement donnés depuis que sont apparus ChatGPT et ses cousins. Il y a eu récemment l'IA Pin conçu par d'anciens d'Apple et il y aura peut-être demain un produit signé conjointement par Jony Ive et Sam Altman.

Jesse Lyu, CEO de Rabbit, tenant le R1.

Aujourd'hui, entre les deux, il y a le R1 développé à Los Angeles par la startup Rabbit. Cet appareil, tout de rouge vêtu, contient un écran tactile de 2,88 pouces ; une caméra rotative ; un bouton latéral pour actionner la reconnaissance vocale avec un assistant à tête de lapin ; une molette physique pour naviguer dans l'interface ainsi que des micros et haut-parleurs. Pour l'électronique, ses créateurs ont mis un processeur MediaTek de 2,3 GHz, 4 Go de RAM, 128 Go de stockage, un modem 4G, du Bluetooth et du Wi-Fi. L'autonomie serait d'une journée, sans plus de détails. L'objet, dessiné par Teenage Engineering dont l'esprit à la fois ludique et tranché se retrouve dans ce design, pourrait être un cousin de la Play.date de Panic. Son prix : 199 $ seulement (184,95 €) et pas d'abonnement.

Le credo de Rabbit est que les smartphones sont devenus des armoires remplies d'apps, fastidieuses et nombreuses à utiliser pour conduire des tâches routinières et que les assistants sur les enceintes connectées sont, pour résumer, assez idiots. Même s'il s'agit de dézinguer la concurrence pour mieux mettre en valeur son produit, le propos de Jesse Lyu, CEO de la startup, n'est pas totalement dénué de vérité.

Pas d'apps pour ceci ou cela sur le R1, RabbitOS utilise de grands modèles de langage pour effectuer des actions complexes sur ordre (vocal) de l'utilisateur. On peut aussi afficher un clavier virtuel en secouant l'objet, mais ce n'est pas le mode d'interaction privilégié puisqu'un appui sur un bouton est nécessaire pour que le lapin vous écoute.

L'astuce derrière le R1 est de ne pas avoir besoin d'apps développées expressément pour lui. Il ne dépend pas du bon vouloir des éditeurs pour remplir une énième boutique d'apps. Le fonctionnement repose sur la connexion aux services existants et sur l'apprentissage et la répétition.

Le Rabbit Hole est le nom d'un portail utilisateur que l'on utilise, sur le web depuis son ordinateur, pour configurer préalablement le RabbitOS de son R1. À travers ce "terrier de lapin", on se connecte à Spotify, à Uber, au site de Pizza Hut, etc., en utilisant l'écran de connexion standard de ces services. On n'a pas besoin d'un compte fourni par Rabbit pour servir d'interface.

Ensuite, lorsque ces sites sont reliés à son R1, pour lancer de la musique, demander des infos sur un chanteur, commander une pizza particulière ou faire venir un taxi, c'est l'assistant intelligent — le "ChatGPT" du système du R1, qui se débrouille avec ses neurones entrainés sur des modèles de langage. Jesse Lyu montre à un moment le traitement d'une requête assez complexe pour exécuter une succession de réservations de vol, d'hôtel et de voiture. L'assistant se débrouille et propose ses trouvailles à la validation de l'utilisateur. Les contenus reçus sont remis en forme pour l'écran du R1, on ne tombe pas sur des pages web.

L'écran est aussi là pour confirmer l'exactitude de la compréhension des requêtes et échanger avec l'utilisateur lorsqu'il faut passer en revue des propositions avant d'en valider une. L'interface paraît assez dépouillée et parfois même amusante avec sa mascotte de lapin stylisé.

Pour d'autres tâches, c'est la caméra qui est utilisée. En filmant une feuille Excel sur l'écran d'un ordinateur, on demande un coup de main au lapin pour y apporter des modifications. Ou alors, on lui montre le contenu d'un frigo — car, comme dans la démo, son contenu chez vous est aussi rangé et organisé que des œuvres accrochées dans un musée — et une suggestion de recette apparaît.

Puis il y a le principe de l'apprentissage pour des actions répétitives. L'exemple utilisé est celui de la génération d'une image avec Midjourney. On se connecte au service au travers du Rabbit Hole sur son ordinateur et on instruit le système du R1 sur la façon de réaliser certaines tâches (choisir un thème d'image, préciser ses caractéristiques et demander son rendu). On pourra ensuite répéter l'opération directement depuis le R1 puisque son système aura appris les étapes nécessaires et il se contentera de les répéter. Cela devrait surtout marcher avec des opérations ayant un caractère répétitif.

En conclusion de sa démonstration — convaincante à certains égards — Jesse Lyu dit ne pas chercher à remplacer les smartphones, mais on sent que la tentation est grande. La valeur du R1 tiendrait dans le fait qu'aucun smartphone actuel ne sait proposer les mêmes services et le faire aussi vite et simplement. Mais combien de temps faudra-t-il à Google, Apple ou Samsung pour ajouter cette corde à leur arc. Et faire de ces appareils supplémentaires des objets superflus et encombrants ?

Avec ce prix plutôt serré, Rabbit a déjà prévendu 10 000 exemplaires de son R1 en 24h. Ils seront livrés entre mars et avril. Un second lot de 10 000 unités n'a pas fait long feu non plus et un troisième est en préparation. Les commandes depuis la France sont acceptées, mais sans date de livraison pour le moment. Par ailleurs la startup a réussi une levée de fonds de 20 millions de dollars.

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