Android : les conditions imposées par Google aux fabricants révélées

Stéphane Moussie |

Réaliser un smartphone Android avec les applications de Google impose de se plier aux règles très strictes dictées par l'entreprise de Mountain View. C'est ce qu'un accord jusqu'ici confidentiel révèle au grand jour et en détail.

Comme nous l'avons déjà expliqué dans cet article, l'Android qui équipe les smartphones les plus populaires est composé de deux parties bien différentes : AOSP, qui est la base open source du système ; et Google Mobile Services (GMS), qui regroupe de nombreuses API, services et applications de Google.

Il est tout à fait possible pour un constructeur de réaliser un smartphone avec AOSP uniquement, mais ses applications sont maintenant dépassées et les services de Google que la grande majorité des consommateurs attendent (Google Play, Gmail, Google Maps, YouTube...) vont manquer.

Entre le lecteur de musique d'AOSP et Google Play Music, quelle application préférez-vous ? - image Ars Technica

Par conséquent, les principaux fabricants signent un contrat avec Google pour intégrer ses services dans leurs téléphones. Ce contrat ultra confidentiel, nommé Mobile Application Distribution Agreement (MADA), a été rendu public dans le cadre du procès toujours en cours entre Google et Oracle. Benjamin Edelman, professeur à la Harvard Business School, se l'est procuré et l'a publié sur son site web. Il a en fait mis la main sur le MADA de deux constructeurs : HTC et Samsung.

Les documents datent de janvier 2011, un mois avant le lancement d'Android 3.0. Les termes du contrat ont très certainement évolué depuis cette période — d'autant que Google se réserve le droit d'apporter des changements à n'importe quel moment —, mais ils permettent d'avoir une vision d'ensemble de ce que Google dicte à ses partenaires. Les contrats se résument grossièrement à une liste de choses à faire et à ne pas faire imposée par Google pour avoir le droit d'exploiter ses services et applications.

HTC Desire 500 - Photo Kārlis Dambrāns CC BY

Le MADA confirme l'information selon laquelle Google oblige les fabricants à installer toute une panoplie de ses applications même s'il n'y en a qu'une poignée qui les intéresse vraiment. Mountain View fait tout de même une exception pour sept d'entre elles, parmi lesquelles Google Earth, Google Voice et Google Buzz (depuis abandonné), qui peuvent ne pas être pré-installées.

Non seulement la firme impose les applications qui doivent être installées par défaut, mais elle commande aussi où elles doivent se trouver sur le smartphone. Ainsi, la barre de recherche Google et l'icône de l'Android Market (devenu depuis Google Play) doivent se situer au moins sur le panneau adjacent de l'écran d'accueil — à un geste au maximum du premier écran, donc. C'est certainement la clause que Google a fait jouer auprès de Samsung récemment pour lui faire modifier son interface Magazine bien loin des standards d'Android (lire : Android : Google veut mener Samsung à la baguette).

La Galaxy NotePRO 12.2 avec l'interface Magazine

Le géant du Net se sert également de ce contrat pour obliger les fabricants à ne pas « prendre une quelconque action qui pourrait entraîner une fragmentation d'Android ». Autrement dit, les entreprises qui sont liées à Google par un MADA n'ont pas le droit de commercialiser un smartphone avec un fork (une version dérivée) d'Android. L'épisode avec Asus qui comptait sortir un appareil Aliyun l'a concrètement illustré en 2012.

Dans un autre registre, les fabricants sont tenus de communiquer chaque mois à Google leurs chiffres de ventes de manière très précise en indiquant la répartition par modèle et par pays. Avant la commercialisation, ils doivent fournir au moins quatre unités de tests à Mountain View pour qu'elle puisse s'assurer que les règles sont respectées. Si ce n'est pas le cas, le constructeur doit revoir sa copie s'il veut lancer son smartphone.

Ces obligations sont les exemples les plus significatifs du contrôle strict mis en place par Google sur son système. Un contrôle nécessaire pour assurer une homogénéité dans un écosystème constitué de très nombreux acteurs. Mais c'est aussi un contrôle qui profite avant tout à celui qui fixe les règles du jeu. C'est pour éviter des manœuvres anticoncurrentielles que la Commission européenne a démarré une enquête antitrust sur Android l'année dernière.

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