Dure journée pour Epic au tribunal 🆕

Mickaël Bazoge |

Deuxième round devant la justice californienne pour Apple et Epic Games, qui se bagarrent toujours autour de Fortnite sur l'App Store. Au terme du premier opus de cette saga judiciaire, la juge Yvonne Gonzalez Rogers avait conforté Apple dans sa décision de retirer le battle royale de sa boutique, tout en l'empêchant de bloquer l'Unreal Engine, moteur indispensable pour bon nombre de jeux (lire : Fortnite toujours privé d'App Store, mais pas de blocage possible de l'Unreal Engine).

Epic fête actuellement les 3 ans du mode battle royale de Fortnite (le saviez-vous : il existe un jeu solo !).

L'audience d'aujourd'hui procède d'une demande d'injonction d'Epic contre Apple, l'éditeur souhaitant forcer le constructeur à réintégrer Fortnite dans l'App Store (lire : Fortnite a perdu 60% de ses joueurs iOS). La Pomme n'a jamais fermé la porte au retour du jeu dans sa boutique, pour peu qu'Epic en respecte les règles, tout particulièrement celles qui concernent les achats intégrés. Or, c'est exactement ce que veut éviter l'éditeur…

Une partie du débat du jour a porté sur la réalité du marché iOS pour Epic. Le représentant de l'éditeur durant l'audience a affiné la proportion d'utilisateurs qui jouent (jouaient ?) à Fortnite uniquement depuis un appareil mobile d'Apple : ils seraient maintenant 63%, ce qui représente 71 millions de joueurs qui accèdent ou ont accédé au jeu uniquement via iOS. Et il n'existerait aucun autre moyen d'atteindre ces utilisateurs. La disparition du jeu de l'App Store a donc un impact sérieux, Epic ayant « perdu » ces utilisateurs.

Mais ces chiffres ont été contestés par les avocats d'Apple, qui ont estimé qu'il pouvait s'agir de personnes ayant tout simplement perdu l'intérêt de jouer à Fortnite. Le constructeur oppose un autre pourcentage : moins de 10% des joueurs quotidiens accèdent au jeu via un appareil iOS. De facto, les consommateurs ont donc le choix de la plateforme quand ils veulent jouer à Fortnite puisque 90% d'entre eux s'y adonnent avec un autre appareil. La juge a estimé de son côté que les « jardins fermés » ont toujours existé, que ce soit chez Microsoft, Sony ou Nintendo. Une manière de renvoyer Epic dans ses buts.

Epic est toutefois revenu à la charge avec son argument « historique » qui lui permet de faire le distinguo entre les consoliers et Apple : d'un côté, des consoles vendues à perte, de l'autre des smartphones sur lesquels le constructeur engrange des marges dodues. « Les 30% [demandés par les constructeurs de consoles] sont très différents des 30% d'Apple ».

Cette commission prélevée par Apple a été l'occasion d'une passe d'armes entre la juge et l'avocat d'Epic. La première a énuméré le nombre de plateformes de distribution, aussi bien en ligne que physiques, qui pratiquent ce niveau de commission : Apple bien sûr, mais aussi… à peu près l'ensemble de l'industrie ! Pour la juge, il n'existe aucune preuve de ce qu'avance l'éditeur, à savoir que la ponction d'Apple est trop élevée.

Epic cherche à séparer l'App Store du système d'achats intégrés d'Apple. Si l'éditeur y parvenait, il lui serait plus facile d'arracher la possibilité d'insérer son propre système de paiement. Mais pour Apple, les achats intégrés ne sont qu'une fonction de l'App Store qui « administre la collecte d'une commission. Elle n'a jamais été marketée ou proposée séparément ». En ce sens, ce n'est pas du tout comme PayPal ou Stripe. La juge s'est rangée à cet argument, qui ne voit pas les achats intégrés comme un produit « séparé et distinct » de la boutique.

L'avocat d'Epic appuie sa démonstration en prenant l'exemple d'Uber pour lequel il n'y a pas d'achats intégrés donnant droit à une commission. On paie simplement avec sa carte bancaire. « C'est comme un achat intégré, exception faite qu'Uber n'a pas à utiliser les services d'Apple. Pourquoi ? ». Apple ne prélève sa commission que sur les services virtuels utilisables sur ses appareils (comme l'argent virtuel dans les jeux), pas sur les services physiques de type livraison de courses et de repas, achats de biens comme chez Amazon, etc.

Le paiement direct Epic (en dollars canadiens), pour des V-Bucks moins chers que chez Apple (en dollars américains).

Pendant la brève période durant laquelle il a été possible d'acheter des V-Bucks dans Fortnite avec d'autres systèmes de facturation que celui d'Apple, la moitié des joueurs ont choisi le paiement direct par carte de crédit, précise Epic (il faut rappeler que les V-Bucks étaient vendus moins chers si on les achetait par le biais des systèmes proposés par l'éditeur…). Selon Epic, il existe donc bien une demande pour des mécanismes de paiement alternatifs.

Ce à quoi la représentante d'Apple a répliqué d'une part que les joueurs préféraient toujours payer 7 $ plutôt que 10 $, et que 50% du total des utilisateurs ont préféré continuer à utiliser les achats intégrés de l'App Store, « parce qu'ils ont confiance en Apple pour les protéger et pour protéger leur confidentialité ». La brèche d'Epic dans les conditions d'utilisation de l'App Store reste en travers de la gorge de la juge Yvonne Gonzalez Rogers :

Vous n'avez pas été francs. Vous ne l'étiez pas. [Apple] vous a dit de ne pas le faire, et vous l'avez fait (…) Il y a beaucoup de monde dans le public qui vous considère comme des héros pour avoir fait ce que vous avez fait. Mais ce n'est pas pour autant que c'est honnête. N'essayez pas de me convaincre que vous avez été francs alors que vous ne l'étiez pas.

Apple a une fois encore assuré de sa bonne foi : si Epic retire les systèmes d'achats intégrés alternatifs à celui de l'App Store, Fortnite peut revenir dans l'App Store. Mais l'éditeur n'en veut pas, tout comme il refuse la solution temporaire de la juge de verser la commission de 30% dans un dépôt fiduciaire le temps que l'affaire trouve sa conclusion devant les tribunaux.

L'affaire pourrait se terminer durant un procès avec un jury en bonne et due forme. La juge a indiqué qu'il pourrait se dérouler en juillet prochain. En ce qui concerne l'injonction déposée par Epic pour faire revenir Fortnite sur l'App Store, elle fera connaitre son jugement sous peu.

Mise à jour 30/09 — Epic et Apple se sont entendu pour renoncer à un procès avec jury. Les deux protagonistes préfèrent un procès avec un juge, une procédure qui n'implique donc pas un jury populaire. Cette décision commune ouvre la voie à une procédure juridiquement plus complexe, étant entendu que la décision d'un jury s'impose à toutes les parties (même s'il est toujours possible de faire appel).

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avatar YetOneOtherGit | 

@docdav

"Je ne connais pas le fonctionnement américain mais on dirait que la juge a clairement choisi son camp ??? Pas besoin d’avocats pour Apple"

Nope.

C’est une procédure préliminaire où EPIC réclame des mesures conservatoires pour Fornite.

Là juge n’a pas choisie son camp elle rappelle juste à EPIC :
- Qu’ils savaient pertinemment les conséquences de leur acte.
- Qu’ils ont agit clairement en violation de leurs engagements contractuelles
- Qu’ils l’ont fait de manière détournée
- Que la campagne de communication n’aura pas de prise sur elle
- ...

Sur les demandes de cette phase de procédure elle juge en droit que les dommage subis par EPIC ont été infligé par des choix faits en conscience par ces derniers et qu’il semble n’y avoir aucune raison de les protéger des conséquences de leurs actes qui étaient prévisibles pour eux.

Cela ne présume en rien du jugement sur le fond de l’affaire dont le procès ne commencera au mieux qu’au milieu de l’année prochaine.

Et non les avocats d’Apple n’ont pas été inutiles dans la réponse aux demandes d’EPIC loin s’en faut.

avatar persi | 

Résumé: rien de nouveau a part une date potentielle d'un passage devant le jury.

avatar Inconnu-Soldat | 

Si il y a du nouveau : Epic est en train de perdre pour ses deux injonctions préliminaires à un jugement de fond. Il ne fait pas que perdre juridiquement, il va perdre en image de marque : 1- parce qu'il aura perdu juridiquement dans cette première phase 2- parce ce jugement va faire ressortir que ce n'est pas un chevalier blanc, qu'il n'a pas été franc, pas honnête et qu'il s'est lui-même mis dans cette situation. Et donc tout cela pourra (?) avoir un fort impact négatif sur son image de marque.

avatar YetOneOtherGit | 

@Inconnu-Soldat

"il va perdre en image de marque"

C’est aller un peu vite en besogne.

-Là procédure n’intéresse qu’un microcosme
-Ceux qui ont choisi de défendre l’un ou l’autre camp ne changeront pas de position en fonction du jugement
-EPIC a parfaitement les moyens de continuer une communication efficace même s’ils sont déboutés.
-EPIC risque fort de continuer le combat en interjetants appel
-Le business d’EPIC dépend fort peu de l’image de marque de l’entreprise mais de l’attractivité des jeux dont beaucoup ne connaissent même pas le nom de l’éditeur

Quoi qu’il arrive EPIC c’est construit une image de chevalier blanc ayant le courage d’affronter Goliath dans une petite communauté et cette image ne sera pas perdue quelque soit l’issue de la procédure.

Ceux qui sont privés de Fornite en rendent majoritairement Apple responsable

Et la grande masse des joueurs n’en a rien à faire : ils veulent juste jouer.

avatar persi | 

Ceux qui ont pas vu le "self inflicted wound" tout de suite doivent pas être nombreux. Je pense que tout le monde a compris qu'Epic a en pleine conscience enfreint les regles contractuelles du store. Ils l'ont meme admis de suite d'ailleurs.
Ceux qui soutiennent Epic trouvent juste que c'est un moyen qui a permis de mettre en lumiere l'affaire dans les medias comme elle ne l'aurait pas ete en gardant fortnite sur l'app store, perso j'approuve le fond, j'admire l'audace et le fait d'assumer les pertes financières.
C'est certainement l'allumette qui commence doucement a rassembler les développeurs pour une cause commune, même si on est encore loin du compte. Mais qui imagine qu'Epic pensait gagner ce PI ?

Néanmoins je retiens quand même un argument qu'il est dur de réfuter, vu que fortnite réalise beaucoup de ses bénéfices sur les autres plateformes, il est peut etre pas le mieux placé pour porter l'affaire sur la question du monopole. Il est juste dommage que ceux qui sont mieux placés ont déja la boule au ventre a chaque fois qu'ils poussent leur produit vers le store, et n'ont pas les capacités financières de se lancer dans ce genre de procédure.

avatar koko256 | 

#100

avatar malcolmZ07 | 

Judge YGR making everyone laugh, saying in previous case alleging Apple had a monopoly because of iPods.

“By the time I got it, it was so old... we had to bring iPods into the court b/c no one knew what they were.”

“I'd forgotten you have to put headphones in. I tapped the little button, expecting the music, and nothing came out. Until then I remembered, ‘oh you need headphones for these things.’”

avatar YetOneOtherGit | 

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