Le point sur l'affaire Francilisy

Nicolas Furno |

Francilisy, ou l'histoire étonnante d'une application qui commence comme dans un rêve, propulsée en tête des classements de l'App Store dès sa sortie, et qui se termine en cauchemar, un retrait définitif quelques jours après. Cette "affaire" a depuis fait couler beaucoup d'encre virtuelle et tout a été dit, mais aussi son contraire. Faut-il y voir la preuve de l'archaïsme de la RATP, ou au contraire une volonté de sa part d'éliminer toute concurrence pour laisser le champ libre à Metro Paris [1.4 – Français – 0,79 € (puis 4,99 €)], application concurrente qui a remplacé Francilisy après le retrait ? À moins que la RATP ait décidé de sortir sa propre application payante ? Tentatives de réponses ou esquisses de suppositions dans la suite.

Le développeur de Francilisy était-il inconscient ?

Après l'annonce du retrait, les réactions ne se sont pas fait attendre et se répartissaient en deux groupes. D'un côté, les uns criaient au scandale, y voyaient une nouvelle preuve de l'archaïsme de la RATP et de son absence de volonté d'aider les utilisateurs. Certains, au contraire, ont calmé les esprits en rappelant que les informations de la RATP (plans, horaires...) appartenaient à la société et ne pouvaient être utilisées sans autorisation préalable, et sans doute un accord financier.

Dès lors, si Francilisy a été retirée, ce serait parce que son auteur n'a pas pris soin de ces détails juridiques. D'aucuns ont alors souligné qu'il fallait vraiment être naïf pour penser que la RATP laisserait faire, et rappelé que c'était son droit le plus strict que de faire interdire l'application.



Nous avons contacté Rémy Bourgoin, développeur de l'application, pour lui poser la question. Il s'avère que les choses ne sont pas aussi simples : Rémy était bien en contact avec la RATP et un accord allait être signé avec eux pour l'utilisation des plans de ligne. Le problème a, en fait, porté sur un élément initialement imprévu et qui est la recherche d'itinéraire. Ceux qui ont eu la chance de tester l'application savent qu'elle permet des recherches d'itinéraires entre deux points de manière à la fois efficace et rapide. Pour arriver à ce résultat, Francilisy exploite en fait la recherche d'itinéraires en ligne que tout le monde peut, gratuitement, utiliser depuis le site de la RATP.

C'est sur ce point précis que les négociations entre le développeur et la société de transports n'ont pas abouti. La RATP, en effet, ne souhaite pas autoriser une exploitation commerciale de ce service Internet, ce que faisait Francilisy bien sûr. Devant ce problème technique impossible à résoudre rapidement, Rémy a décidé de supprimer son application. Selon lui cependant, la RATP n'aurait pas plus accepté une distribution gratuite.

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La RATP a-t-elle voulu favoriser Metro Paris ?

La coïncidence est troublante. Quasiment le même jour que la sortie de Francilisy, Presselite alignait le prix de son application. Peu de temps après, Francilisy disparaissait et Metro Paris prenait sa place en tête du classement français, où elle est restée depuis.



Les deux applications sont très proches et sont les seules à ne pas se contenter d'une vague image en guise de plan. Toutes deux intègrent une carte interactive, une recherche d'itinéraire et diverses informations comme les horaires. Face à Francilisy néanmoins, Metro Paris avait grandement perdu de son intérêt : moins complète, moins rapide, moins bien réalisée, elle n'avait comme seul avantage de permettre une recherche d'itinéraires sans connexion Internet.

C'est cette nuance qui a permis à Metro Paris de ne pas attirer les foudres de la RATP. Les éditeurs de l'application ont, en effet, écrit leurs propres algorithmes de recherche, ce qui permet une recherche en local, au détriment de la vitesse néanmoins, les serveurs de la RATP étant naturellement plus puissants qu'un iPhone ou iPod touch.

Avec des plans provenant de la RATP, certains se sont posés des questions. Et si Metro Paris était une commande de la RATP qui avait voulu, en interdisant Francilisy, supprimer la concurrence ? Le rapide succès de l'application après la disparition de Francilisy était, à cet égard, assez troublant...

On se demande bien, cependant, pourquoi Presselite aurait aligné son prix de vente s’ils savaient que la RATP demanderait la suppression de Francilisy. Nous avons contacté la société qui nous a confirmé avoir signé un accord avec la RATP pour l'utilisation de leurs données, mais aussi que Metro Paris n'avait rien à voir avec une commande de la RATP. La demande est venue de Presselite et si l'entreprise discute actuellement avec la RATP pour renforcer leurs collaborations techniques, la RATP n'est pas, là encore, à l'origine du projet.

Une application native en préparation ?

À ce jour, on peut dire que la RATP n'a pas fait beaucoup d'effort pour aider les utilisateurs d'iPhone ou iPod touch. Pas de site spécifique, encore moins d'applications natives n'ont été développés. Pourtant, il se pourrait que les temps changent.



Après la suppression de Francilisy, nous avons contacté la RATP qui nous a répondu que "la RATP développera prochainement un produit équivalent". Malheureusement, nous n'avons pas eu plus d'informations de la part de l'entreprise qui n'a pas souhaité prendre le temps de nous répondre.

Difficile, dès lors, de savoir si l'application de la RATP sera juste un plan, ou reprendra les fonctions de recherche d'itinéraire du site Internet. Le plan interactif serait très bien adapté aux interfaces tactiles. On ne peut qu'espérer, en tout cas, que les développeurs de la RATP s'inspireront du travail effectué par Rémy Bourgoin sur Francilisy. Et souhaitons à ce dernier plus de chance et de réussite pour ses futurs projets !

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