Le lancement du nouvel iPad parasité par les receleurs

Anthony Nelzin-Santos |

En procédant à des lancements par vagues, Apple attire l'intérêt des receleurs, qui vont acheter les nouveautés dans un pays privilégié pour les revendre dans un autre, avec un supplément. Le lancement de l'iPad de troisième génération n'a pas fait exception — à ceci près que pour la première fois, cette situation a généré des heurts et troublé le déroulement normal des opérations.

Les premières files d'attente ont commencé à se former dès 13h30 hier à l'Apple Store parisien de l'Opéra : les premiers contacts que nous avons alors eu faisaient état d'une forte présence d'Européens de l'Est. « On les connaît », nous a confié un vendeur : « ils viennent depuis l'iPhone 4, ils font partie d'un réseau organisé. » À 17h00, ils étaient plusieurs centaines — le premier local est arrivé sur les coups de 3h00 du matin (lire : Nouvel iPad : les premières files d'attente se forment).

Rien ne peut être opposé, sur le principe, au marché gris : « ils connaissent les règles, et savent les contourner », poursuit notre vendeur. « Ils viennent en masse, prennent deux appareils chacun, les confient à des dispatcheurs, se réapprovisionnent en espèce auprès du groupe, et recommencent » : le système est bien huilé, n'est pas illégal, et tire parti des failles du règlement d'Apple. « En général ça se passe bien, et puis on ne va quand même pas refuser de vendre un iPhone ou un iPad ! »

Lors du lancement de l'iPad 2, les tablettes se revendaient sous le manteau, pour 200 à 250 € de plus que le prix d'achat, 400 à 500 € sur les modèles les plus demandés pendant les périodes de rupture. On a aussi vu apparaître des mises aux enchères de places dans la file d'attente : hier, des places au début de la file des principaux Apple Store européens et américains s'arrachaient entre 100 et 200 € sur eBay et par le bouche à oreille.


De l'autre côté de la barrière, les dispatcheurs attendent et distribuent l'argent frais. (Merci Alex !)

La situation ce matin a été particulièrement houleuse : à l'ouverture de l'Apple Store Opéra ce matin, les clients en sont presque venus aux mains, certains receleurs ayant fait du forcing pour obtenir plus de deux iPad. Le journaliste Alexandre Habian, présent sur place, témoigne :

Apple limite l’achat des iPad à deux par personne ? Ces derniers ont fait pression pour ressortir avec quatre iPad par personne. Et Apple semble les avoir laissé faire.

Pire encore, non content d’avoir mis le grappin sur plusieurs dizaines d’iPad en quelques minutes seulement, cette « mafia » arborait fièrement juste devant l’Apple Store leur précieux magot ! Ils faisaient… l’inventaire ! Il a fallu attendre une bonne dizaine de minutes pour que la sécurité intervienne et que l’Apple Store réagisse. Et alors que tout le monde savait pertinemment que ces iPad sont destinés au marché parallèle, l’Apple Store a préféré désigner un « représentant » qui a eu le droit d’entrer, seul, dans la boutique, pour repartir avec de (très) nombreux exemplaires pour tous ses « collègues ».

Comme nous l'indique un contact, la société de sécurité mandatée par Apple a attendu quelques minutes avant d'adopter une stratégie pour réagir à ce mouvement. Les deux personnes les plus véhémentes ont été sorties, suivies par tout le groupe. Elle a par la suite décidé de couper le trottoir en deux, pour éviter que les personnes faisant la queue puissent se réapprovisionner en argent frais.


Rassemblement des iPad. (Image Michel de Guilhermier via @benjaminferran)

En Chine, pour faire face aux problèmes constants avec les circuits du marché gris, Apple a tout simplement fortement augmenté ses stocks : plus d'iPhone sont disponibles en boutique que sous le manteau, et la pression est donc moins forte dans les Apple Store. On comprend les impératifs industriels qui obligent Apple à lancer ses produits par vagues, mais un lancement à l'international ferait disparaître le marché gris et les éventuels problèmes qu'il peut poser.

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