iPhone 6 : un grand écran à petits pas

Christophe Laporte |

La concurrence, Samsung en tête, n'a pas manqué de le pointer du doigt : avec beaucoup de retard sur ses principaux concurrents, Apple embrasse enfin le marché des smartphones à grand écran. Mais pourquoi la firme de Cupertino a mis tant de temps à investir ce segment ?

Le précédent Newton

On se souvient des propos de Steve Jobs sur la question, mais on rappellera que le cofondateur d'Apple savait également faire marche arrière. La firme de Cupertino a toujours fait preuve de pragmatisme, il n’y a donc rien de surprenant à ce qu’elle réponde à l’une des grandes demandes des consommateurs. Tim Cook a présenté d’ailleurs l’iPhone 6 comme « une incroyable opportunité pour les gens de faire le saut d'Android vers iOS ».

Alors pourquoi Apple a tant tardé à investir ce marché ? Peut-être faut-il d'abord considérer des raisons philosophiques. Le Newton MessagePad, première incartade d'Apple dans le marché des terminaux mobiles, dans les années 90, avait dû une partie de son insuccès à son format que d’aucuns jugeaient trop imposant (lire : Le Newton a vingt ans). La firme californienne a bien des défauts, mais elle sait retenir les leçons du passé.

Une stratégie trop conservatrice ?

Il faut se rappeler qu'à l'époque de sa présentation, l'iPhone était nettement plus imposant que la plupart des smartphones disponibles à la vente. En la matière pourtant, Apple a joué la carte de la prudence : la réception du public n'aurait peut être pas été la même si d'emblée on lui avait présenté un appareil de la trempe de l'iPhone 6 Plus ou du Galaxy Note.

Apple a longtemps insisté sur le fait que le smartphone devait pouvoir être utilisé à une main, et que le format 3,5 pouces représentait un parfait compromis entre confort de lecture et confort dans la main. Il ne lui a fallu que quelques pirouettes pour justifier le passage à 4 pouces pour l’iPhone 5. Mais il aurait été impossible d'aller plus loin sans renier sa philosophie.

Ce qu'Apple n'a peut-être pas mesuré, c'est qu'entre-temps, le smartphone était devenu un objet indispensable à des centaines de millions de personnes. Les mêmes qui quelques années plus tôt auraient peut être eu peur à l'idée d'avoir un appareil de 3,5 pouces, ne voyaient plus d'inconvénient à trimballer en permanence un écran de 4, 5 voire 6 pouces.

Sorti en 2011, le premier Galaxy Note avait un écran de 5,3"

Si la concurrence est arrivée en avance sur ce marché, c'est autant une question d'opportunité que de contraintes. Les premiers terminaux Android demandaient des composants plus puissants que ceux de l’iPhone pour obtenir des performances comparables, et étaient assez gourmands (les choses se sont nettement améliorées en la matière, à tel point que c'est l'iPhone qui est maintenant en retard). Les constructeurs n'ont donc pas hésité à opter pour des formats plus grands afin de favoriser le refroidissement et de pouvoir loger une plus grosse batterie. Au passage, cela leur permettait de se distinguer d'Apple.

Sur ce coup, Apple a appliqué la politique des petits pas avec un écran 4 pouces pour l'iPhone 5. Si la pomme avait vraiment voulu suivre le mouvement, il aurait fallu qu'elle le fasse dès l'année dernière où les grands formats commençaient sérieusement à avoir le vent en poupe. Mais Apple reste sur un cycle de deux ans sur le design de ses smartphones, et était davantage concentrée sur son milieu de gamme avec l’iPhone 5c.

Apple fait aujourd’hui preuve de pragmatisme, quitte à jeter aux orties ses principes. Il faut dire que les grands formats sont très appréciés en Chine, un marché auquel Tim Cook est particulièrement sensible.

Pour ne pas tout à fait perdre la face, Apple a eu recours à un stratagème d'interface : touchez deux fois - sans appuyer - le bouton principal, et tout l’écran descend plus près de votre pouce. Il faudra voir à l'utilisation si ce procédé est vraiment pratique. On imagine que les développeurs ne tarderont pas également à revoir leurs apps pour mieux prendre en compte ces grands écrans.

iPhone 6 Plus : maxi iPhone ou iPad nano ?

Avec ses 5,5", l'iPhone Plus est donc une phablette. Dans son esprit, Apple met entre vos mains un mini-ordinateur. C’est le terminal mobile ultime qui fait à la fois office de smartphone et de petite tablette : le meilleur des deux mondes en somme. Reste à savoir si effectivement cet iPhone 6 Plus est à la fois un bon (grand) téléphone et une bonne (petite) tablette. Les premiers tests qui sortiront dans quelques jours devraient permettre de se faire un avis sur le sujet.

En cas de succès, cet appareil pourrait faire de l'ombre à l'iPad et plus particulièrement à l'iPad mini. Les formats ne sont pas si éloignés, mais Apple s’en moque : elle n’a jamais rechigné à concurrencer ses propres produits.

Tout comme Samsung, quoique de manière plus prudente et progressive, Apple va progressivement couvrir toute une échelle de tailles d’écran. Sur ce point, cette nouvelle gamme d'iPhone est beaucoup plus cohérente que la précédente.

Et cette politique va sans doute s'accélérer dans les mois à venir avec l'Apple Watch et l'iPad Pro, cette fameuse tablette attendue pour l'année prochaine et qui devrait embarquer un écran 12 pouces, une taille autrefois réservée aux Mac. Le spécial event de cette semaine n'était que la première étape d'un plan qu'Apple fomente depuis des années. Tim Cook lui-même a évoqué des produits sur lesquels travaille Apple et dont les rumeurs n'ont jamais entendu parler…

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