En septembre 2010, l’Inde mettait en place un fichier national d’une ampleur exceptionnelle. Aadhaar, qui signifie « fondation » en hindi, contient les informations biométriques (empreintes digitales et iris) de près d’un milliard (!) de personnes. Une initiative à l’échelle du pays, c’est à dire gigantesque, qui permet aux pouvoirs publics de verser des prestations sociales, des pensions, des salaires avec une précision et une fiabilité sans commune mesure.

Et l’Inde aimerait bien que les constructeurs de produits électroniques, en premier lieu les fabricants de smartphones, intègrent cette technologie. Il y a quelques semaines, Apple, Microsoft, Samsung et Google étaient invités par le gouvernement pour discuter de la prise en charge de ce fichier dans leurs produits. Même si les échanges ont été qualifiés de courtois, aucun des invités ne s’est vraiment avancé à donner des gages aux autorités indiennes. Les représentants d’Apple n’ont même pas pris la peine de se déplacer.

Samsung et Microsoft sont toutefois les plus ouverts sur cette question, le premier ayant même déjà lancé une tablette compatible Aadhaar, le second travaillant avec le gouvernement pour relier cette base de données à Skype. Il faut dire qu’Aadhaar recèle un formidable potentiel : en dehors des services publics, ce fichier est également une plateforme sur laquelle il est possible de bâtir toutes sortes de services privés. La dernière idée des pouvoirs publics est de mettre en place une infrastructure de paiement en ligne afin de proposer des services financiers à des habitants dont un certain nombre ne possèdent pas de compte bancaire…

En acceptant d’intégrer Aadhaar dans leurs produits, les constructeurs montrent patte blanche au gouvernement indien et surtout, ils offrent des services attendus par les consommateurs. Mais les détracteurs de cette base de données mettent en doute la sécurité des informations stockées ainsi que les possibles violations de la vie privée qu’Aadhaar recèlerait. Des sujets au cœur des préoccupations d’Apple…

Les utilisateurs qui s'identifient à un smartphone intégrant une connexion à la base de données Aadhaar ne peuvent pas être tracés par le constructeur de l'appareil ; ils sont de fait connectés au service du gouvernement. Le fabricant ne peut donc plus proposer des services adaptés et personnalisés (et de la pub).

Les fabricants de smartphones — en particulier Apple et Google — ne devraient pas se montrer très enthousiastes à l’idée d’intégrer une telle technologie susceptible d’être piratée, laissant leurs OS à la merci du premier malandrin venu. Cette demande, polie pour le moment, s’ajoute à une exigence plus pressante, celle d’intégrer un bouton « panique » dans tous les smartphones dès l’année prochaine. Du côté d’Apple, cela parait mal embarqué : les iPhone 7 en sont dépourvus.