La loi Justice veut transformer l'iPhone en mouchard

Mickaël Bazoge |

Les iPhone pourront-ils demain écouter les utilisateurs à leur insu de manière tout à fait légale ? C'est en tout cas le sens que l'on peut donner au texte voté en première lecture par le Sénat il y a quelques jours dans le cadre de la loi Justice visant notamment à renforcer les moyens de l'institution et à en renforcer l'efficacité.

Crédit : engin akyurt, Unsplash

L'article 3 du projet donne le pouvoir au juge d'instruction ou au juge des libertés et de la détention d'autoriser l'activation à distance d'un appareil électronique « à l’insu ou sans le consentement de son propriétaire ou de son possesseur », afin de pouvoir le localiser en temps réel. Il faut que l'enquête soit relative à un crime ou à un délit puni d'au moins dix ans d'emprisonnement (c'était cinq ans dans le texte du gouvernement).

Le juge peut aussi demander l'activation du micro et de l'appareil photo du smartphone afin de renforcer le dossier avec des preuves sonores, photographiques et vidéo, dans le cadre d'enquêtes relevant du terrorisme ou du crime organisé. L'écoute ou la captation de la caméra du smartphone sera néanmoins interdite pour les personnes résidant ou travaillant dans certains lieux : cabinet d'un avocat, d'un médecin, dans une entreprise de presse…

Face aux accusations de « surenchère sécuritaire », le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti a répliqué que ces techniques étaient déjà appliquées, mais qu'elles nécessitaient la pose de micros et de caméras, « ce qui comporte des risques pour les enquêteurs ».

Ce changement de taille à la procédure pénale suppose des dispositions techniques spécifiques et complexes. Sur un plan visuel, les iPhone affichent depuis iOS 14 des témoins de couleur (vert pour l'appareil photo, orange pour le micro). Devront-ils être désactivés en cas d'écoute décidée par la justice ? Au-delà, on voit mal comment Apple peut implémenter une telle porte dérobée quand tout son discours tourne autour de la confidentialité des données sur l'iPhone.

Le texte est désormais entre les mains de l'Assemblée nationale.

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