"Les artistes font partie des dommages collatéraux des géants technologiques", a déclaré Jean Michel Jarre à l'occasion du Midem à Cannes. Le musicien et président de la Confédération internationale des sociétés d'auteurs (Cisac) estime que les différences de TVA entre le cinéma, l'édition et le disque en France ne favorisent pas l'émergence de nouveaux moyens de protection de la propriété intellectuelle.
Selon le président de la "Sacem internationale", Google, Facebook et les grands noms de la technologie sont des "monstres" qui ont besoin de travailler main dans la main avec les musiciens. Dénonçant une "forme de racisme intellectuel", Jarre critique directement le marché français qu'il qualifie de "méprisant envers la musique". Au premier janvier 2014, la TVA appliquée au marché du disque est passée de 19,6% à 20%, tandis que celle du 7e art est tombée de 7% à 5,5%. Le simple fait de taxer le disque représente un frein à sa consommation en France, estime-t-il.
La France est très bonne pour protéger la littérature et le cinéma, mais pour d'obscures raisons la musique est considérée comme quelque chose de mineur, a déploré Jean Michel Jarre. On voit là une forme de racisme intellectuel envers (la musique). Les producteurs de musique prennent les mêmes risques que les producteurs de cinéma, si ce n'est plus.
Dans ses propos, la loi HADOPI est l'exemple même de l'erreur française qui "s'attaque à ses clients, en ne pensant qu'à combattre les pirates". Plutôt que de verrouiller et sécuriser son marché, l'industrie musicale devrait donc se tourner vers les géants du web pour proposer des canaux de distribution efficaces et adaptés. Le secteur doit se tourner vers les diffuseurs en ligne pour réussir. "On peut estimer qu'on est nous aussi les actionnaires de Youtube", précise-t-il.
Un problème pas seulement français
Le monde entier est concerné. Dans un entretien avec le journal britannique The Guardian, Jarre reconnait que la propriété intellectuelle n'est pas uniquement un problème pour l'Europe et l'Amérique. L'enjeu est global, aussi faut-il "cesser de pleurnicher" et s'engager avec des compagnies performantes pour diffuser correctement et efficacement la musique à l'échelle du globe. Il est aujourd'hui préférable de porter le contenu plutôt que de le créer, reconnait-il. Les géants du web ne doivent pas être des ennemis, mais des partenaires pour créer quelque chose de grand, pour ne plus voir le disque subir de dommages collatéraux.
Le gratuit sur internet a changé la donne et il n'est plus possible aujourd'hui d'imaginer que le consommateur paye le prix fort. Pour rémunérer les créateurs, inutile de passer par un prélèvement fiscal ou culturel, selon le compositeur d'Oxygène. Il est nécessaire de tisser des partenariats en Chine, par exemple. L'Empire du Milieu s'est effectivement rendu compte que pour promouvoir sa culture et ses artistes, les colosses du web sont des alliés de poids. Les musiques, les textes, les films, la propriété intellectuelle font partie de l'identité d'un pays, alors qu'en Occident l'art et sa création sont liés au droit d'auteur. Un système réducteur qui ne fonctionne pas correctement appliqué à la Toile.
L'industrie de la musique a fait de nombreuses erreurs, explique Jean Michel Jarre. "Nous avons inventé la radio pirate, et 25 ans plus tard, nous voulons mettre les pirates en prison". "Les artistes étaient là avant l'électricité et ils seront toujours là après internet", conclut le pionnier de la musique électronique en restant très optimiste.