Pour Jean Michel Jarre, les musiciens sont victimes de "racisme intellectuel"

Stéphane Moussie |

"Les artistes font partie des dommages collatéraux des géants technologiques", a déclaré Jean Michel Jarre à l'occasion du Midem à Cannes. Le musicien et président de la Confédération internationale des sociétés d'auteurs (Cisac) estime que les différences de TVA entre le cinéma, l'édition et le disque en France ne favorisent pas l'émergence de nouveaux moyens de protection de la propriété intellectuelle.

Concert de Jean Michel Jarre à Pékin en 2004 - Photo Daniele Dalledonne

Selon le président de la "Sacem internationale", Google, Facebook et les grands noms de la technologie sont des "monstres" qui ont besoin de travailler main dans la main avec les musiciens. Dénonçant une "forme de racisme intellectuel", Jarre critique directement le marché français qu'il qualifie de "méprisant envers la musique". Au premier janvier 2014, la TVA appliquée au marché du disque est passée de 19,6% à 20%, tandis que celle du 7e art est tombée de 7% à 5,5%. Le simple fait de taxer le disque représente un frein à sa consommation en France, estime-t-il.

La France est très bonne pour protéger la littérature et le cinéma, mais pour d'obscures raisons la musique est considérée comme quelque chose de mineur, a déploré Jean Michel Jarre. On voit là une forme de racisme intellectuel envers (la musique). Les producteurs de musique prennent les mêmes risques que les producteurs de cinéma, si ce n'est plus.

Dans ses propos, la loi HADOPI est l'exemple même de l'erreur française qui "s'attaque à ses clients, en ne pensant qu'à combattre les pirates". Plutôt que de verrouiller et sécuriser son marché, l'industrie musicale devrait donc se tourner vers les géants du web pour proposer des canaux de distribution efficaces et adaptés. Le secteur doit se tourner vers les diffuseurs en ligne pour réussir. "On peut estimer qu'on est nous aussi les actionnaires de Youtube", précise-t-il.

Un problème pas seulement français

Le monde entier est concerné. Dans un entretien avec le journal britannique The Guardian, Jarre reconnait que la propriété intellectuelle n'est pas uniquement un problème pour l'Europe et l'Amérique. L'enjeu est global, aussi faut-il "cesser de pleurnicher" et s'engager avec des compagnies performantes pour diffuser correctement et efficacement la musique à l'échelle du globe. Il est aujourd'hui préférable de porter le contenu plutôt que de le créer, reconnait-il. Les géants du web ne doivent pas être des ennemis, mais des partenaires pour créer quelque chose de grand, pour ne plus voir le disque subir de dommages collatéraux.

Le gratuit sur internet a changé la donne et il n'est plus possible aujourd'hui d'imaginer que le consommateur paye le prix fort. Pour rémunérer les créateurs, inutile de passer par un prélèvement fiscal ou culturel, selon le compositeur d'Oxygène. Il est nécessaire de tisser des partenariats en Chine, par exemple. L'Empire du Milieu s'est effectivement rendu compte que pour promouvoir sa culture et ses artistes, les colosses du web sont des alliés de poids. Les musiques, les textes, les films, la propriété intellectuelle font partie de l'identité d'un pays, alors qu'en Occident l'art et sa création sont liés au droit d'auteur. Un système réducteur qui ne fonctionne pas correctement appliqué à la Toile.

L'industrie de la musique a fait de nombreuses erreurs, explique Jean Michel Jarre. "Nous avons inventé la radio pirate, et 25 ans plus tard, nous voulons mettre les pirates en prison". "Les artistes étaient là avant l'électricité et ils seront toujours là après internet", conclut le pionnier de la musique électronique en restant très optimiste.

avatar -oldmac- | 
+1000 Monsieur Jarre.
avatar Nel77 | 
Des paroles censées... Mais même si il s'agit d'un grand nom de la musique... Est ce que les personnes concernées par son message vont se bouger le c**.. Rien n'est moins sur malheureusement...
avatar privatejohns | 
Aussi longtemps que les écoles de musique s'appelleront des conservatoires, donc avec pour objectif de jouer les Maîtres reconnus, la musique restera un art mineur en France. C'est établissement ont un souverain mépris pour la création musicale et sont de vrai repoussoir pour les jeunes.
avatar Gévaudan | 
@JLG47 : Aussi longtemps que les écoles de musique s'appelleront des conservatoires, donc avec pour objectif de jouer les Maîtres reconnus, la musique restera un art mineur en France. Le maillage de l'enseignement musical en France ne se résume pas aux conservatoires, lesquels remplissent plutôt bien le rôle qui est le leur, si l'on en croit leurs résultats et leur succès, y compris à l'international. Votre analyse des objectifs pédagogiques est simpliste et caricaturale. Il faut par ailleurs avoir de sacrés œillères pour imaginer que la musique à été, est ou restera un art mineur en France. C'est établissement ont un souverain mépris pour la création musicale Ben non. et sont de vrai repoussoir pour les jeunes. Non plus. La plupart des établissements fonctionnent sur liste d'attente tellement la demande est forte. Quantité de jeunes s'épanouissent dans ce cadre d'enseignement, et en redemandent. Après, ce n'est pas pour tout le monde, et c'est normal, ce n'est pas grave. Il y a quantité d'autres façons d'apprendre la musique en France, où l'offre est particulierement riche, abordable, et adaptée aux différents publics. Ça me fait penser à Francis Lalanne, qui ne comprenait pas pourquoi l'Opéra National de Paris refusait la création de son premier opéra. "Vous, les ronds de cuir !…" Lol. Sacré Francis.
avatar boccob | 
Je n'aime pas Jarre (le bonhomme, pas sa musique), mais je dois avouer qu'il n'à pas tord. Le soucis, c'est que ce ne sont pas les musicien qui font la pluie et le beau temps dans l'industrie de la misique. Ce sont les 3/4 majors
avatar Marc Duchesne | 
Pas sur que le prix des disque baisse tant que ça si la TVA passe de 20% à 5,5%, certains doivent retrouver des marges miraculeuses. La musique, art mineur ? Gainsbourg avait raison, surtout contre Guy Béart !
avatar YanDerS | 
La chanson, pas la musique qui est évidemment, et depuis bien longtemps , un art considéré comme majeur. C'est un faux-problème ces classifications. C'est comme dire que le modelage est inférieur ou mineur par rapport à la taille sur pierre ou marbre. Ce qui compte toujours c'est l'œuvre, son originalité -qui peut être monstrueuse-, sa portée et sa profondeur émotionnelles, voire philosophiques et métaphysiques. Le reste...
avatar jarno24 | 
Le rôle des conservatoires est de de transmettre un patrimoine de musique savante. Ils ne sont ni pour ni contre la musique populaire.
avatar alixteeth | 
@ Androshit Lol !!
avatar eliss | 
Pour une fois qu'un grand nom de la musique semble avoir compris que mettre des DRM et des lois anti-piratage ne résout rien, et qu'au contraire, il faut vivre au XXIe siècle.
avatar ludmer67 | 
@Mark Twang: Dans la théorie tu as entièrement raison... Après tu mets cela entre des mains humaines et ... patatra...
avatar YanDerS | 
on a des artistes comme Abbado, Perahia, I. Stern, L. Bernstein, Celibidache, Janovitz, Pavarotti, Christie, etc...
avatar manamaam | 
En fait, le constat réel qui dérange J-M Jarre c'est que personne ne télécharge illégalement ses tounes !
avatar Gévaudan | 
@Francis Kuntz : 'Sans compter tous les droits d'auteurs jusqu'a 70 ans apres la mort de l'auteur. Normal quoi, le pere est un genie donc les gosses doivent vivre d'une rente. Tout est parfaitement coherent.' C'est vrai ça, qu'elle drôle d'idée que celle de transmission de patrimoine ! Je ne doute pas que vous vous opposerez avec la plus grande fermeté, par souci de cohérence, à ce que vos enfants bénéficient de quelque façon que ce soit du fruit de votre travail, une fois que vous aurez rendu l'arme à gauche. On devrait commencer par appliquer ça à l'immobilier de rapport, tiens, puis l'immobilier tout court, ensuite on s'occupera des fonds de commerce et des entreprises. Ce qui va être rigolo, c'est quand va se poser la question de l'actionnariat ! Ah, ah. De toutes façons, moi je dis : pas de régime de faveur. Suppression de l'héritage pour tout le monde. Les gamins, ils ont qu'à bosser et puis c'est tout ! Non mais. Bon, allez, 4/10 pour l'effort parce qu'il y avait plusieurs paragraphes. J'ai retiré un point pour le passage "musicien, c'est le seul métier (le seul, vous m'entendez, le seul !!!) où l'on peut faire un gros coup de thune sur un coup de bol ou à force de talent et/ou de persévérance" (trop gros).
avatar KOVU | 
Je n'ai pas très bien compris pourquoi il parle au nom des musiciens ?
avatar jarno24 | 
:-)
avatar phonatics | 
@ Monsieur Albert Mélanger des biens matériels avec de l'immatériel : le raccourci est pas un peu simpliste ?
avatar Gévaudan | 
@teenage : Les droits d'auteurs sont des droits patrimoniaux (de : patrimoine). Ce qui me semble plus simpliste, c'est de considérer que si l'on construit quelque chose à la force de ses poignets, il est naturel de le transmettre à ses enfants, mais que si l'on produit quelque chose à la force de son esprit, ça pose problème (on se demande toujours bien pourquoi d'ailleurs). J'entends d'ici les hurlements des Francis Kuntz et consorts si leurs enfants n'avaient soudainement le droit de mettre en location le bien dont ils ont hérité que pour une période de 70 ans après leur mort, et qu'on venait de surcroît leur dire que c'est déjà bien trop long. On peut être contre l'idée d'héritage etc. etc., le tout c'est de rester cohérent. On peut être contre les corporatismes aussi - à la même condition.
avatar phonatics | 
@Monsieur Albert Ce qui est simpliste c'est aussi cette "facilité" du droit qui range la propriété intellectuelle dans le même panier que la propriété physique. Sans renter dans un débat socio-philosophique, il est étrange de comparer quelque chose de physique, unique et non reproductible avec une autre immatérielle, diffusable et souvent reproductible sans cout/effort.

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