A Star Is Born

deserty |

Que de chemin parcouru (et que d’embûches sur ce chemin !) pour Jeff Tweedy depuis ses débuts country rock à la fin des années 80. Rappels des principaux faits : après des débuts au sein de Uncle Tupelo au côté (à l’ombre) de Jay Farrar, il forme Wilco en 1995 avec des musiciens de son précédent groupe et signe chez Reprise Records, une division d’AOL/Time Warner. Après deux albums teintés logiquement d’une americana prévisible et un album de pop remarqué, Yankee Hotel Foxtrot (2002) marque une réelle rupture : les guitares en bois se font plus discrètes et commencent à se cacher derrière des expérimentations pertinentes, l’arrivée de Jim O’Rourke aux côtés du groupe n’y étant pas étrangère. Devant autant de courage artistique, Reprise ne peut que rejeter le disque en l’état et le groupe par la même occasion puisque celui-ci refuse d’y opérer le moindre changement : Wilco finira par signer et sortir YHF sur Nonesuch, une division de….AOL/Time Warner (comprenne qui pourra). Sur A Ghost Is Born , Jeff Tweedy tente finalement le mariage entre la pop de Summerteeth et la liberté formelle de YHF et en ouverture At least that’s what you said est là pour rassurer les derniers dubitatifs : la fête va être splendide. Le titre débute comme une ballade au piano (instrument omniprésent sur tout le disque), bientôt accompagné amicalement par une guitare avant que celle-ci ne se transforme en une monstruosité sonore rageuse, hargneuse sortie tout droit de la BO de Dead Man de Neil Young. Juste le temps de souffler pendant un splendide Hell is chrome que ne renierait pas Mark Linkous et nous arrivons au morceau de bravoure du disque : Spiders (Kidsmoke). Ce troisième morceau mériterait sans doute une chronique à lui tout seul : dix minutes d’une rythmique d’autoroute rappelant le Krautrock de Neu ! régulièrement traumatisée par les rafales sauvages de la guitare de Tweedy, équivalent sonore des stridences douloureuses de cette victime de migraines chroniques. La suite est du même acabit : une production magnifique de Jim O’Rourke au service d’un songwriter en état de grâce mélodique, un peu comme si Thurston Moore avait joué sur un album des Beatles. Excepté les huit minutes de bruit blanc discutables du morceau Less than you think, tout ici frise la perfection. A l’instar des honteusement mésestimés Giant Sand, Wilco a montré à quel point des racines country peuvent être dépassées, sublimées pour devenir les fondations d’une musique libre et totalement affranchie, tel un Radiohead américain, leur musique s’étoffe et rencontre enfin un certain succès (d’estime au moins) à mesure qu’elle devient complexe et exigeante. La télévision devrait prendre exemple… .
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