Test du Nokia 808 PureView

Anthony Nelzin-Santos |

Le Nokia 808 PureView est le fruit de cinq années de recherches de pointe dans le domaine des capteurs photo ; mais il hérite aussi d'un système d'exploitation vieux de quinze ans. Que penser de cet appareil photo qui téléphone ? La réponse dans notre test.

Matériel : du grand Nokia

Le Nokia 808 PureView a sans conteste été conçu en 2007, et son design rappelle les appareils de l'époque comme le N81. Mais même aujourd'hui, il est une incontestable réussite industrielle. Contrairement au N8 qui était usiné dans un bloc de métal, le 808 PureView est fabriqué en plastique — mais un plastique que l'on croirait être de l'aluminium ! Solide, sans aucun jeu et recouvert d'une finition matte, ce 808 est tout simplement superbement fini.

La face avant est sans doute la partie la plus fade de l'appareil : elle est certes recouverte de verre Gorilla Glass, mais les boutons (appeler / menu / raccrocher) en plastique sont du plus mauvais effet. La face arrière est soulignée par une protubérance accueillant le bloc capteur-optique et recouverte d'un insert en plastique brillant peu inspiré. Ses bords étant affinés, le 808 est agréable à tenir en mains (il mesure 1,4 cm d'épaisseur) mais pas forcément à mettre en poche (1,8 cm au niveau de la bosse). La construction plastique lui permet de rester léger, avec un poids de 169 grammes.

La face arrière fait office de couvercle pour la batterie et peut être escamotée : on a alors accès à la micro-SIM (un élément très 2012), la batterie anémique d'une capacité de 1 400 mAh, ainsi que l'emplacement microSD (le terminal embarque 16 Go de stockage interne). Sur les côtés, on trouve quelques boutons et quelques ports : ports micro-USB et mini-HDMI, une prise casque, un énervant bouton coulissant de déverrouillage de l'écran, des boutons de réglage du volume et enfin un déclencheur.

Il suffit d'allumer le Nokia 808 PureView pour que cette première impression positive soit ternie : son écran 4" AMOLED se limite à 640x360 pixels (184 ppp). Un comble pour un appareil qui se prétend à la pointe de l'imagerie avec son capteur 41 MP ! Un écran 720p aurait été le bienvenu, d'autant que le prix du 808 le met en concurrence avec les tout meilleurs modèles du marché (599 €). L'écran affiche de bonnes performances en extérieur (utile pour cadrer), mais a tendance à tirer sur le bleu.

Logiciel : du mauvais Symbian

Les déconvenues ne s'arrêtent pas là : le Nokia 808 est le dernier et ultime représentant de la famille Symbian. Il est ainsi équipé de Symbian OS 10.1 Feature Pack 1, plus connu sous le nom de « Nokia Belle ». Tout n'est pas à jeter dans Symbian : il reste plutôt présentable, et grâce au processeur 1,3 GHz, les opérations sont fluides et les applications se lancent rapidement. Il n'est donc au final pas désagréable du tout, du moins tant qu'on ne creuse pas trop.

On doit avouer avoir souri en apercevant JoikuSpot, préinstallé — ah, l'increvable Nokia E61 servant de modem au PowerBook ! Il n'a néanmoins jamais voulu fonctionner. On s'est senti revenir au N95 en téléchargeant les cartes européennes pour (l'excellent) Nokia Maps… et en redémarrant l'appareil trois fois par jour parce qu'une application avait décidé de le planter ! Le mélange grille d'icônes-widgets-centre de notifications rappelle Android, mais un Android qui sera resté au stade de la bêta.

Le navigateur est tout sauf un foudre de guerre, le clavier ferait passer celui du BlackBerry Storm pour un chef-d'œuvre, les applications multimédias sont à la limite de la blague, et il doit falloir être doté d'une troisième main à six doigts pour naviguer confortablement dans certaines sections des applications et des réglages. iOS et Android ont mis un sacré coup de vieux à Symbian, qui fut un temps le meilleur OS mobile. Mais c'était au millénaire dernier.

Heureusement, le Nokia 808 PureView est un excellent téléphone, qui capte bien en 3G comme en Wi-Fi, a détecté toutes nos étiquettes NFC sans coup férir, est doté d'une bonne qualité audio en appel comme en lecture musicale et d'un bon micro. Mais on demande aujourd'hui à un smartphone d'être un peu plus qu'un téléphone, et c'est précisément là que le 808 cale.

Appareil photo : un aperçu du futur

Peut-être faut-il considérer le Nokia 808 PureView non comme un smartphone, mais comme un appareil photo avec des fonctions de téléphonie. Il conclut en effet un cycle de cinq ans de développement inspiré par l'imagerie satellitaire. Nokia renverse ici l'approche traditionnelle : elle a développé un système qui permettrait d'obtenir des images de 5 MP de bonne qualité avec un zoom numérique, les zooms optiques étant difficilement miniaturisables. La solution toute trouvée était d'agrandir le capteur et d'y caser plusieurs dizaines de millions de photosites.


De haut en bas : un capteur 5 MP de téléphone, un capteur 8 MP de téléphone, et le capteur 41 MP du 808 PureView.

Ce capteur est un CMOS 1/1.2", c'est-à-dire un capteur plus grand que ceux que l'on trouve dans tous les autres photophones (1/3.2") et dans la plupart des compacts (1/2.5", 1/1.8", 1/1.7"). Il s'approche de la taille des capteurs Nikon CX ou Sony RX (1") et peut donc être considéré comme un « grand » capteur — de quoi justifier la bosse qui affuble le dos du 808. Ce capteur est doté de 41 millions de pixels, mais comme il est grand, chacun des photosites atteint la taille de 1,4 microns, comme sur le capteur de l'iPhone 4S par exemple. Tous ces pixels ne sont néanmoins pas utilisés lors de la prise de vue.

Le capteur est constitué de 7728 x 5368 pixels, mais son format n'est pas conventionnel. Lorsque l'on prend une image au format 16/9, on utilise toute la largeur du capteur, mais pas toute la hauteur, pour une résolution de 34 MP (7728 x 4354 pixels). Lorsque l'on prend une image au format 4/3, on utilise au contraire toute la hauteur du capteur, mais pas toute la largeur, pour une résolution de 38 MP (7152 x 5368 pixels). On comprend donc que les coins du capteur ne sont pas utilisés, d'autant qu'une partie est située en dehors du cercle d'image.

La focale de l'objectif change selon le mode. Elle est de 8,02 mm, soit un équivalent 26 mm en mode 16/9 et 28 mm en mode 4/3 (le coefficient de conversion change selon la taille utile du capteur). Cet objectif est d'ailleurs une petite merveille d'ingénierie : il est constitué de cinq éléments asphériques en un seul groupe — la mise au point est réalisée par translation de l'intégralité du bloc optique par rapport au capteur, comme sur les appareils anciens. Une conception élégante et simple qui permet de minimiser les éléments, de réduire les reflets parasites et de préserver au maximum le piqué malgré l'utilisation d'éléments plastiques.

On peut prendre des images en pleine définition, un pixel de l'image correspondant à un photosite du capteur : on obtient alors des clichés pesant pas loin de 10 MP, et l'appareil photo n'est pas toujours fluide. La qualité des images est néanmoins déjà très bonne : on peut trouver un peu de bruit et quelques aberrations, mais on est alors au niveau du Nokia N8 et même de l'iPhone 4S.


Une photo en pleine définition.

Mais le Nokia 808 est fait pour être utilisé avec le mode PureView. Dans ce mode, plusieurs photosites sont utilisés pour former un pixel final, un système de suréchantillonage qui permet à un pixel d'avoir beaucoup d'informations, et donc à l'image d'être d'une meilleure qualité globale en matière de piqué et de bruit. On peut ainsi prendre des images de 2, 5 ou 8 MP : le mode 5 MP combine par exemple huit photosites pour former un pixel. D'après nos tests, le mode 8 MP représente le meilleur compromis entre la taille de l'image et sa qualité brute : l'iPhone 4S est laissé sur place, et même notre compact de référence, le Fujifilm X10, a du mal à rivaliser.


La même en mode PureView 8 MP.

Le zoom numérique du Nokia 808 utilise un système similaire. Les zooms numériques traditionnels travaillent par interpolation : ils essayent de deviner la couleur des pixels manquants à partir des pixels présents, ce qui n'est jamais parfait et contribue à une dégradation de l'image qui augmente avec le coefficient de zoom. Le capteur PureView étant très grand, le zoom du 808 utilise une partie du capteur seulement : le coefficient de conversion est modifié, et on « zoome » donc, jusqu'à 3 fois. En zoom 3x (éq. 74mm), chaque pixel est un photosite. Dans les étapes intermédiaires néanmoins, il y a encore suffisamment de pixels supplémentaires pour toujours réaliser un suréchantillonage. Non seulement on zoome sans perte, mais on zoome en plus avec un degré d'information supplémentaire.

Une photo en pleine définition.

La même avec un zoom 3x en mode PureView.

L'ouverture maximale de l'objectif (f/2.4, éq. f/7.8) et le « grand » capteur permettent d'obtenir un effet de bokeh assez crémeux et plutôt plaisant malgré la focale courte. Un filtre de densité neutre ND8 est intégré au bloc optique : il permet de prendre des photos à pleine ouverture même dans de très bonnes conditions de luminosité, pour justement favoriser cet effet de flou d'arrière-plan.


Une photo prise en mode PureView 8 MP.


La même avec un Fujifilm X10.


La même avec un iPhone 4S.

Notons enfin, car cela est important, que l'ergonomie de l'application Appareil photo est sans faille : les menus sont clairs, les options bien rangées, et on a le contrôle sur toutes les options, comme sur un « vrai » appareil photo. On aimerait que tous les photophones, iPhone y compris, disposent de cette richesse en réserve pour ceux qui en ont besoin. Bref, le Nokia 808 PureView est un véritable appareil photo à téléphone intégré, et est de ce point de vue une réussite incontestable. Rien d'étonnant à ce qu'il accumule les récompenses techniques.

Conclusion : le futur de la photophonie, le passé de la téléphonie

Car le Nokia 808 PureView est avant tout une prouesse technique : si c'est un piètre smartphone au système daté que l'on déconseille formellement, c'est aussi un formidable appareil photo compact que l'on recommande chaudement. Par bien des aspects, il préfigure le futur de la photographie, où le compact, même à grand capteur, n'existera plus, dépassé en qualité, en flexibilité et en connectivité par le smartphone.

PureView est l'émanation du Nokia qui dominait l'industrie du téléphone par une ingénierie innovante et radicale, un Nokia qui a perdu sa voie en cédant aux sirènes de la rentabilité. Le jour où cette technologie sera incorporée aux smartphones Nokia sous Windows Phone et à d'autres téléphones ne peut pas venir assez tôt. Elle est à ce point bonne.

Note

Les plus :

- Excellente finition.
- Appareil photo hors du commun.

Les moins :

- Autonomie à peine passable.
- Écran affreux.
- Symbian.
5
10

Prix :

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