Free Mobile : le patron de Bouygues Telecom appelle à un retour à la réalité

Nicolas Furno |

Après Xavier Niel, c'est au tour d'Olivier Roussat de s'exprimer par une tribune publiée dans le journal Les Echos. Sans surprise, le directeur général de Bouygues Télécom revient sur la tribune du PDG de Free Mobile que l'on avait eu longuement l'occasion d'évoquer (lire : Free Mobile : Xavier Niel et l'ARCEP répondent aux critiques) et il attaque quelques-uns de ses arguments.

Le doute n'est pas permis pour Olivier Roussat. Selon lui, Xavier Niel qu'il compare aux « pompiers pyromanes [qui] crient plus fort que tout le monde » est directement responsable des risques pour les emplois du secteur de la télécommunication mobile :

Quel paradoxe de voir le propriétaire de Free nier les risques qui pèsent sur l'emploi ! Il est bien l'un des responsables de la situation qui déstabilise profondément un secteur d'avenir, essentiel pour la compétitivité française.

Olivier Roussat ne blâme toutefois pas uniquement Xavier Niel puisqu'il reconnaît qu'il n'est pas le premier responsable. Le patron de Bouygues Telecom condamne, comme les deux autres opérateurs historiques, le principe même d'une quatrième licence 3G qui, dit-il, « repose sur une triple erreur ».

  1. Erreur de diagnostic : si l'on en croit Olivier Roussat, l'entrée d'un nouvel opérateur n'était pas nécessaire pour baisser les tarifs, il indique d'ailleurs que les prix avaient commencé à baisser avant l'arrivée de Free Mobile.
  2. Erreur d'exécution : le directeur général de Bouygues Telecom remet en cause les avantages offerts à Free Mobile. Ces avantages sont jugés excessifs et ils empêchent une concurrence équitable. En particulier, ils permettent au nouvel entrant de ne pas investir dans son propre réseau et de lui permettre ainsi de casser les prix.
  3. Erreur économique et financière : ces mêmes avantages ont coûté cher à l'État et aux citoyens, notamment parce que la baisse de la valeur de France Télécom qui lui appartient encore en partie, mais aussi parce que le secteur fragilisé va générer moins d'argent et donc moins d'impôts.

Le premier point est vrai, les arrivées de Sosh, B&You et Red — les gammes low-cost des trois opérateurs historiques — ont eu lieu avant Free Mobile. Ces nouvelles offres ont contribué à baisser les tarifs des forfaits tandis qu'elles permettaient aux clients de ne plus s'engager. Il faut rappeler toutefois que la baisse était mesurée et certainement motivée par les rumeurs entourant l'opérateur de Xavier Niel et ses tarifs.

Le deuxième point est certainement celui qui fait le plus mal. Dans sa tribune, Xavier Niel se félicitait d'investir beaucoup plus que ses concurrents, mais il parlait alors de taux d'investissement :

France Télécom, SFR et Bouygues Telecom ont des investissements qui représentent de 12 % à 20 % de leur chiffre d'affaires. Iliad est à plus de 50 % en 2011.

Olivier Roussat tient quant à lui à remettre les points sur les i et parle de ses investissements en valeur. Sans surprise, la comparaison est alors beaucoup moins flatteuse pour Free Mobile :

Chaque année, Orange, SFR et Bouygues Telecom consacrent [à l'investissement] chacun entre 600 millions et 1 milliard d'euros. Depuis sa création, Bouygues Telecom a investi près de 10 milliards d'euros […] En revanche, Free, selon ses documents financiers, n'a consacré en 2011 que 142 millions d'euros aux investissements dans son réseau mobile.

Difficile de juger sereinement du dernier point, mais l'appel du pied au monde politique est évident de la part d'Olivier Roussat. En temps de crise, l'État a évidemment tout intérêt à ce que tous les secteurs soient en bonne santé pour garantir ses revenus. Reste que le directeur général évoque des menaces, sans avancer d'arguments et certains points semblent douteux. Le surendettement serait selon lui une menace plus lourde pour les ménages à cause du modèle Free Mobile sans téléphone lié à l'abonnement.

Ultime menace proférée par Olivier Roussat, cette fois à destination des consommateurs : les tarifs de Free Mobile sont trop bas, ils finiront nécessairement par remonter.

Que reste-t-il ? La baisse des tarifs, au bénéfice du consommateur ? Mais pour combien de temps… les prix d'appel n'auront qu'un temps et il faudra bien, un jour ou l'autre, que le régulateur rétablisse une concurrence équitable […] qui obligera Free à investir dans son réseau mobile

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