Google déclenche la guerre des Android

Christophe Laporte |

Google redoute le scénario du pire concernant son système d'exploitation : que celui-ci soit massivement adopté - les chiffres sont incontestables - mais que le géant de l'internet n'en retire quasiment aucun profit.

Aux États-Unis, Amazon a montré la voie, expliquant par l'intermédiaire de son patron, Jeff Bezos, qu'elle le considérait comme le Linux des systèmes d'exploitation pour les terminaux mobiles (lire : Amazon considère Android comme un Linux). Un Linux sur lequel elle supprime tout ce qui ne lui plait pas (l'écosystème Google en quelque sorte) et ajoute toutes les briques nécessaires à la mise en place de son écosystème.

Mais ce qu'il se passe avec Android aux États-Unis est bien peu de choses par rapport à ce qui est en train de se jouer en Chine. Les géants chinois notamment Baidu et Alibaba, ont créé depuis plusieurs années déjà leurs propres systèmes d'exploitation qui sont des dérivés d'Android.

Chez Alibaba, on préfère parler de distribution Linux pour son système d'exploitation, Aliyun, alors que chez Google, il est présenté comme étant un fork d'Android non compatible. Ce projet lancé pour la première fois en juillet 2011 a nécessité trois ans de développement. L'équipe en charge de son élaboration est sans commune mesure avec celles d'iOS ou Android, si l'on en croit les responsables d'Alibaba : elle est composée de 1600 ingénieurs.

Si d'un point de vue technique, Alibaba se garde bien d'évoquer Android, le géant du commerce en ligne n'hésite pas à afficher ses ambitions : "nous voulons être l'Android de Chine", arguant que le système d'exploitation de Google tel qu'il est n'est pas adapté aux chinois.

Bien entendu, Aliyun a recours à son propre système de cartographie et d'emails. Sur certains points, la logique de ce système d'exploitation est assez originale : les applications prennent la forme de web-apps qui sont stockées sur des serveurs distants.

Très silencieuse sur cette question depuis le début, Google a fini par sortir de sa réserve. Le géant a fait pression sur Acer pour qu'il ne commercialise pas son premier smartphone équipé d'Aliyun. Selon le Wall Street Journal, Google aurait menacé Acer de rompre les accords de licences qui les unissent et leurs partenariats. Le lobbying de Google a payé. Acer a annulé à la dernière minute la conférence de presse durant laquelle il devait dévoiler le CloudMobile A800.

Est-ce que Google parviendra à convaincre ses partenaires de rester à l'écart ? Rien n'est moins sûr, Aliyun connait un succès grandissant. Acer a affirmé pour le moment qu'elle repoussait le lancement de son téléphone en attendant de trouver un accord avec son partenaire.

Officiellement, c'est la question de la compatibilité des applications Android - très médiocre avec Aliyun - qui pose problème à Google. Dans un billet, Andy Rubin explique qu'Android est un système ouvert, mais que les partenaires de Google ont des responsabilités en matière de compatibilité d'applications notamment. Pour résumer les propos du responsable de Google, les membres de l'Open Handset Alliance (dont Acer fait partie), l'organisme censé chapeauter le développement d'Android, n'ont pas à commercialiser des smartphones qui mettraient à mal la compatibilité avec les apps Android.

Ce à quoi Alibaba a répondu que son système d'exploitation ne fait pas partie de l'écosystème Android. Et par conséquent n'a aucune obligation vis à a vis de Google ou de l'Open Handset Alliance.

La partie de ping-pong a continué. Andy Rubin a répliqué en affirmant qu'Aliyun utilisait le moteur d'exécution, le framework et les outils d'Android, et avait en quelque sorte des obligations. Et d'ajouter que l'App Store d'Aliyun contenait des apps Android, dont certaines avaient la particularité d’être piratées.

En guise de conclusion, Rubin estime qu'Alibaba doit se décider. Soit elle doit adhérer à l'OHA et garantir la compatibilité, soit elle peut ne pas être compatible. Mais dans ce cas, il ne faut pas compter sur les membres de l'Open Handset Alliance. Mais les partenaires de Google l'entendent-ils de cette oreille ?

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