GPL : Android irait à l'encontre des principes d'utilisation du noyau Linux

Anthony Nelzin-Santos |

Florian Müller de FOSS Patents continue son exploration des aspects légaux de la question des licences dans Android. Après s'être penché sur le cas Oracle/Google dans le cadre de l'affaire du code copié de Java, le spécialiste de la propriété intellectuelle s'intéresse cette fois à ce qu'il considère être « une violation notable et potentiellement plus importante que le problème de Java de la licence GPL » appliquée à des éléments du noyau Linux, qu'utilise Android.

On en revient aux droits qu'accorde et aux devoirs qu'implique l'utilisation de la licence GPL. Cette licence offre quatre libertés : la liberté d'exécuter le logiciel, pour tous les usages ; la liberté d'étudier le fonctionnement d'un programme et de l'adapter à ses besoins (pour ceci, l'accès au code source est une condition requise) ; la liberté de redistribuer des copies ; la liberté d'améliorer le programme et de publier vos améliorations pour en faire profiter toute la communauté (là encore, l'accès au code source est une condition requise). On ne peut accepter une liberté tout en en refusant une autre : si la deuxième liberté permet de modifier un travail protégé par la licence GPL, la quatrième oblige de reverser ces modifications à la communauté sous licence GPL. C'est le copyleft, une disposition qui a par exemple entraîné le retrait de VLC de l'App Store (lire : à propos du retrait de VLC de l'App Store).

Le problème est que Google n'a visiblement pas respecté ce principe, et l'a même piétiné : « Google a copié 2,5 Mo de code depuis plus de 700 en-têtes du noyau de Linux avec un logiciel qui efface automatiquement les annotations et d'autres éléments ». Ce faisant, la firme de Moutain View modifie la licence des fichiers : « Google a l'audace de déclarer, en commentaire de chaque fichier, que le contenu récupéré ne relève pas "d'une information pouvant être protégée par le droit d'auteur" ».

Pour éviter la « contamination » de la licence GPL, Google a créé la bibliothèque Bionic, qui isole des fichiers d'en-tête du noyau de Linux en leur enlevant toute trace d'un droit d'auteur. Le but est d'éviter que des éléments sous licence GPL soient présents dans les éléments d'Android au-dessus du noyau Linux (page 36 de ce PDF officiel), et ainsi éviter que des éléments dérivés soient eux aussi frappés de la GPL. Mais en niant le copyright, Google nie aussi le copyleft, et se met ainsi en défaut par rapport à la GPL.

Or, Linus Torvalds lui-même a clairement rejeté la possibilité que l'on puisse utiliser des fichiers d'en-tête de Linux dans des travaux qui ne sont pas placés sous le régime de la licence GPL : « en clair : vous N'AVEZ PAS le droit d'utiliser un fichier d'en-tête du noyau (ou toute autre partie des sources du noyau Linux), sauf à l'utiliser dans un programme GPL […] VOUS NE POUVEZ PAS UTILISER DES FICHIERS D'EN-TÊTE DU NOYAU POUR CRÉER DES BINAIRES NON-GPL », expliquait-il dans la liste de diffusion du kernel Linux… en 2003.

Google aurait procédé de même avec d'autres fichiers soumis à la licence GPL : Müller cite ainsi l'exemple de la pile Bluetooth d'Android, qui reprend le code de la pile BlueZ de Qualcomm en l'ayant « nettoyé », ou du système de fichiers Ext4.

La licence GPL, et notamment le copyleft et la contamination qui en découlent, semble poser bien des problèmes à Google, au point que la société soit visiblement obligée de la violer en détruisant toute forme de droit d'auteur et en isolant les fichiers concernés. C'est qu'Android est un empilement de fichiers soumis à diverses licences : GPL (avec copyleft), Apache et BSD (sans copyleft) et propriétaire. Des licences incompatibles devant être isolées les unes des autres au risque de simplement faire exploser Android sur le terrain légal.

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