Une alliance et 4,5 milliards de dollars pour avoir la peau d'Android ?

Christophe Laporte |

Un consortium composé d'Apple, EMC, Ericsson, Microsoft, RIM et de Sony a donc fini hier par racheter les 6000 brevets de Nortel pour la "modique" somme de 4,5 milliards de dollars. Le jeu en valait la chandelle : le portefeuille de propriétés intellectuelles obtenues ou déposées par Nortel est très vaste : télécommunications sans fil, recherche sur Internet, réseaux sociaux et les nouvelles technologies de transmission de données pour appareils mobiles.

Le grand perdant dans cette affaire, c'est Google qui pourtant avait mis d'entrée la barre assez haut en posant 900 millions de dollars sur la table. Le géant de l'internet faisait figure de favori. Non seulement il avait des moyens financiers conséquents à sa disposition, mais cela avait un caractère quasi vital pour Google qui possède un portefeuille de brevets extrêmement réduit par rapport à ses concurrents.

Les enchères ont officiellement commencé lundi avec cinq acquéreurs potentiels dont deux consortiums : Apple, Google, Intel, un consortium composé de Microsoft, Sony et EMC, et un second mené par RPX, une société spécialisée dans le rachat de brevets.

Selon les premiers témoignages des personnes qui ont suivi de près les enchères, la lutte a été acharnée. Au matin du premier jour, Intel a annoncé la couleur en proposant 1,5 milliard de dollars, une somme qui était déjà supérieure aux attentes des analystes.

Voyant que les enchères étaient parties sur une base assez inhabituelle, RPX a fait savoir dès la fin du premier round son intention de se retirer, n'excluant pas toutefois de revenir si elle trouvait un partenaire.

Les enchères ont continué à monter progressivement alors que des négociations commençaient à avoir lieu en coulisse. Mardi soir, le consortium mené par Ericsson a cessé de surenchérir et est parti en quête d'un partenaire, afin de remporter le gros lot sans dépenser plus. L’allié de circonstance se révéla être Apple, qui ne pouvait s'unir avec Google.

Le lendemain, Intel entama des discussions avec le consortium Ericsson et Google. A priori, le géant des semi-conducteurs choisit Google, mais les négociations n'aboutirent pas et Intel se retira.

Le moteur de recherche était seul, face à une alliance composée d'Apple, EMC, Ericsson, Microsoft, RIM et de Sony, dont les réserves en cash cumulées dépassent les 100 milliards de dollars.

L'affaire paraissait jouée, mais Google n'a pas abandonné la partie facilement. Les deux acteurs renchérissaient à coup de 100 millions de dollars. Très vite, les enchères arrivèrent à 3 milliards de dollars.

C'est à ce moment-là que Google tenta un coup de poker. Au lieu de proposer un peu plus, elle demanda l'autorisation d'y aller plus franchement et de mettre 4 milliards de dollars sur la table. A priori, c'était la somme maximum qu'elle s'était fixée. Mais le consortium offrit 500 millions de dollars de plus et rafla la mise.

Il est à noter que Google a une manière toute particulière de surenchérir. Au lieu d'utiliser des chiffres ronds, le géant de l'internet s’inspirait de constantes mathématiques : la Constante de Brun , la constante de Meissel-Mertens, ou encore pi quand elle a voulu mettre plus de trois milliards de dollars sur la table. Pour les personnes qui ont assisté à ces enchères, la stratégie de Google n'était pas très claire. Ils ignoraient si cette manière d'enchérir était une façon de montrer qu'elle était extrêmement confiante ou une manière de défier l'establishment.

Maintenant, les membres du consortium vont se partager le butin. Selon Robert X. Cringely, RIM et Ericsson auraient à eux deux versé 1,1 milliard de dollars pour avoir une licence d'utilisation sur l'ensemble des brevets. De son côté, Apple aurait mis deux milliards sur la table afin de mettre la main sur les brevets relatifs à la 4G et d'autres que l'on qualifiera d'anti-Google.

Le géant de l'internet aura toujours comme lot de consolation que l'addition est tout de même salée pour les différents membres du consortium. Pour ces derniers, l'objectif est désormais simple : il ne s'agit pas de toucher des royalties en faisant fructifier ces brevets chèrement acquis, mais de faire la peau à Android. On pourrait assister à une escalade judiciaire dans les mois à venir.

Toujours selon Cringely, Google va certainement entamer une course contre la montre. Le géant de l'internet va sans doute tout mettre en oeuvre pour retarder la transaction, le temps de se doter d'un arsenal de brevets digne de ce nom. Celle-ci doit encore recevoir le feu vert de la justice canadienne et américaine lors d'une audience conjointe le 11 juillet et devrait être bouclée au troisième trimestre.

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