Orange porte plainte contre la mutualisation des réseaux Bouygues et SFR

Mickaël Bazoge |

Sans remonter jusqu'en janvier 2012 et le lancement par Xavier Niel de Free Mobile, l'été dernier, les mouvements dans le paysage français de la téléphonie ont débuté bien avant l'acquisition de SFR par Numericable. SFR et Bouygues Telecom annonçaient la mutualisation d'une partie de leurs réseaux 2G, 3G et 4G afin de couvrir 57% de la population, hors grandes agglomérations — une mutualisation définitivement actée fin janvier 2014 (lire : Bouygues Telecom et SFR mutualisent une partie de leur réseau).

L'idée est de générer des économies de l'ordre de plusieurs centaines de millions d'euros (de 200 à 300, d'après la rumeur). Mais le chemin de ce plan bien huilé a subi un sérieux à-coup avec l'achat de SFR par Numericable. On imagine en effet difficilement Bouygues, qui a tenté le tout pour le tout pour s'offrir l'opérateur au carré rouge, épauler un désormais féroce concurrent, même si Jean-Yves Charlier le PDG de SFR a récemment affirmé qu'il s'agissait là d'un « contrat pour 20 ans, qui ne comporte pas de clause de sortie pour cause de changement de contrôle capitalistique » (lire : SFR : la guerre des prix n'est pas tenable). Et si Bouygues cherche à sortir de cet accord, il pourrait lui en coûter jusqu'à 2 milliards d'euros.

Un nouvel acteur a fait son apparition : Orange a porté plainte devant l'Autorité de la concurrence mercredi soir, en visant l'accord de mutualisation des réseaux Bouygues et SFR. L'opérateur historique cherche à obtenir des mesures conservatoires visant à suspendre l'application dudit accord, au moins jusqu'à la fin de l'année.

Orange réclame que l'Arcep et l'Autorité de la concurrence rendent les conclusions de leurs analyses avant que Bouygues et SFR mettent leur accord de mutualisation en musique. Surtout, l'entreprise verrait d'un mauvais oeil la cession des 7 000 antennes que Bouygues et SFR ont promis de démonter suite à la mutualisation : les deux larrons pourraient tout simplement les céder à Free qui en a bien besoin pour étoffer son réseau. Orange voudrait avoir la possibilité de racheter ces antennes, aux mêmes conditions que Free.

La manoeuvre d'Orange semble être le deuxième étage d'une fusée soigneusement préparée : dimanche dernier, on apprenait en effet que l'opérateur souhaitait mutualiser son réseau avec celui de Bouygues… le même qui cherche aujourd'hui à se défaire de son encombrant accord avec SFR (lire : Orange voudrait mutualiser son réseau avec Bouygues) ! Voilà une partie de billard à plusieurs bandes entre trois acteurs bien décidés à ne pas sombrer…

Quant à Free, qui loue le réseau d'Orange en itinérance, il a déjà fait savoir qu'il serait intéressé pour rejoindre le réseau mutualisé de SFR/Bouygues afin de préparer ses arrières : le gouvernement, Arnaud Montebourg en tête, a déjà fait savoir que le trublion devait investir dans son réseau plutôt que d'emprunter celui d'Orange. À moins que Free finisse par avaler Bouygues Telecom, ce qui résoudrait tous ses problèmes.

[Via : Les Echos]

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