Piégé par Elise Lucet, le patron français de Huawei s'enfonce

Mickaël Bazoge |

Cette semaine, l'émission Cash Investigation de France 2 a consacré un long reportage sur la construction de smartphones. Ce documentaire, qui couvre toute la chaîne de fabrication des mobiles, charge les constructeurs accusés de fermer les yeux sur les libertés prises par leurs fournisseurs et sous-traitants avec le code du travail. Apple fait partie des marques incriminées par l'émission, en particulier pour utiliser les services de China National Non-Ferrous qui exploite des mines au Congo : le constructeur de Cupertino a fait savoir qu'il avait cessé toute relation avec ce fournisseur.

Une séquence tournée en caméra cachée dans l'usine chinoise de LCE (production d'écrans) confirme que des mineurs (parfois des enfants de 12 ans) sont toujours présents sur les lignes d'assemblage, y compris pour du travail de nuit et des salaires de misère.

Huawei, en pleine opération séduction en France, en prend pour son grade. L'équipe de l'émission, emmenée par Elise Lucet, tente d'intercepter le patron de la branche France du constructeur chinois, François Quentin. La réception est plus que glaciale, ce dernier ne connaissant pas (ou faisant mine de ne pas connaître) la journaliste vedette de France 2 : il ne donne évidemment aucun commentaire concernant les infractions de LCE. Le fabricant a tout de même précisé par la suite que ses fournisseurs se devaient de « respecter notre charte qui interdit formellement le travail d'enfants ». Visiblement, ce n'est pas le cas de ce sous-traitant…

Très remonté contre l'émission, François Quentin a déclaré après la diffusion de l'émission qu'il blacklistait Elise Lucet, rien de moins. « J'ai activé tous mes réseaux et Madame Lucet n'aura plus aucun grand patron en interview, sauf ceux qui veulent des sensations extrêmes ou des cours de Media Training ! » On verra si cette menace sera mise à exécution, mais cette déclaration ne plaide pas en faveur de Huawei… Le dirigeant, ex-directeur de la division aéronautique de Thales, a également précisé que l'entreprise avait « cessé toute collaboration » avec LCE, chez qui le problème avait été identifié en mai de cette année, un mois avant la tentative d'interview d'Elise Lucet. François Quentin a précisé que le constructeur communiquera avec ses salariés afin de les « rassurer sur les pratiques de leur entreprise ».

Au delà du cas rocambolesque de Huawei, les pratiques de plusieurs autres marques ont été interrogées dans ce reportage. Le PDG du français Wiko, basé à Marseille, a avoué son ignorance des pratiques de son fournisseur chinois Tinno. Nokia, BlackBerry et Motorola utilisent du tantale, une matière première extraite dans des zones en conflit (Microsoft, propriétaire des activités mobiles de Nokia, s'est engagé à « user de pratiques d'approvisionnement responsables sur l'ensemble de sa chaîne logistique »). Samsung, dans l'œil du cyclone depuis la fin 2012, a décidé de prendre une quinzaine de mesures concernant le travail des enfants chez ses sous-traitants.

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