Le gros obstacle de l'encaissement des chèques par mobiles en France

Mickaël Bazoge |

L’encaissement d’un chèque depuis une application mobile est de l’histoire ancienne en Amérique du Nord (dès 2009 aux États-Unis) et cette numérisation du bon vieux morceau de papier scriptural va s’ouvrir largement au Royaume-Uni fin octobre, après une expérimentation menée depuis plusieurs mois par la Barclays.

Et en France ? Nous sommes les plus grands consommateurs de chèques en Europe, et de très loin avec 2,1 milliards de chèques signés en 2016. 7 chèques sur dix signés sur le vieux continent proviennent en fait de France… Autant dire que la numérisation du chèque est un chantier immense qui est très loin d’être achevé.

Plusieurs expérimentations grandeur nature ont eu lieu ces dernières années, chez Monabanq en 2011, à la Caisse d’Épargne Rhône-Alpes depuis trois ans, ou plus récemment dans deux caisses régionales du Crédit Agricole ainsi que chez la banque en ligne de ce même Crédit Agricole, BforBank. Mais en France, ce système de remise de chèque en ligne se heurte à une difficulté, rappelle La Tribune : l’obligation d’envoyer le chèque à la banque. Cela n’existe pas de l’autre côté de l’Atlantique, ni outre-Manche, et évidemment cette nécessité est un frein à l’encaissement de chèque depuis un mobile puisqu’en fin de compte, il faut toujours faire la démarche de déposer physiquement le chèque.

L’unique avantage finalement de la remise numérique, c’est que le compte est crédité en date de la photo du chèque, sous réserve d’encaissement de ce dernier évidemment. Au Crédit Agricole, on prend à sa charge l’affranchissement du courrier ; ce n’est pas le cas de toutes les banques. L’établissement bancaire dressera un premier bilan mi-septembre, avant sans doute un déploiement à d’autres caisses ; l’app Ma Banque du Crédit Agricole a d’ailleurs été mise à jour hier pour permettre la remise de chèques avec une « simple photo » (et un envoi postal gratuit).

En juillet, ce sont 500 chèques qui ont été numériquement déposés par les clients des caisses de Normandie et du Nord-Midi-Pyrénées. En moyenne, 800 000 chèques sont déposés tous les mois dans chacune des caisses du réseau : le dépôt virtuel ne représente donc qu’une toute petite goutte d’eau. Mais l’intérêt est là, ce d’autant que la banque ne s’adresse qu’à un petit groupe de clients technos et pas paranos. Et qui acceptent la corvée de l’envoi ou de la remise en mains propres du chèque.

Les banques y gagnent aussi en vitesse de traitement ; tout est numérisé et les échanges interbancaires sont dématérialisés depuis… 2001. Les banques ne s’échangent plus de chèques papier entre elles sauf dans de rares cas (gros montants, contrôles aléatoires), explique la Banque de France. De plus, la fraude au chèque est plus de deux fois plus faible que la fraude à la carte bancaire.

Il ne reste plus guère que l’obligation légale du dépôt physique à faire sauter, ce qui ne devrait plus poser de problèmes : la Banque de France n’y est pas opposée, mais elle souligne que les technologies de numérisation ne sont « pas toutes égales » et qu’une vigilance « nécessaire » était de mise sur cet usage.

Mais les banques ont-elles réellement envie de remettre le chèque sur le devant de la scène, alors que ce système de paiement est en reflux (-8% entre 2015 et 2016) ? Avec la mise en place du SEPA (Espace unique de paiement en euros, dont le chèque ne fait pas partie), les établissements financiers préfèrent mettre le paquet sur les cartes bancaires, les virements ou les prélèvements.

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