Loot box : jackpot pour les éditeurs, banqueroute pour les joueurs

Mickaël Bazoge |

Les éditeurs de jeux vidéo sont perpétuellement en quête de nouveaux modèles économiques pour remplir leurs caisses. Dernière trouvaille en date, les « loot boxes » ou plus simplement, des pochettes-surprises : le joueur achète une boîte sans en connaitre le contenu. Il pourra trouver à l'intérieur des objets qui lui permettront d'avancer dans le jeu… ou pas : les surprises peuvent être bonnes comme mauvaises.

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Ce principe a été mis en œuvre par plusieurs éditeurs, en particulier Electronic Arts, toujours dans les bons (et les mauvais) coups. Son titre phare de fin d'année, Star Wars Battlefront II, propose bon nombre de ces loot boxes. Pour accéder à l'intégralité du contenu du jeu, il faut l'explorer pendant 4 528 heures (!) ou payer environ 2 100 $ en coffres à butin, en plus du prix du jeu en lui-même, pour profiter complètement du jeu.

Electronic Arts n'est pas reconnu comme étant le plus philanthrope des éditeurs de jeux vidéo. Devant la fronde des joueurs (et sans doute sous pression de Disney, le propriétaire des droits de Star Wars), il a tout de même décidé de reculer et a désactivé ses pochettes-surprises… non sans indiquer qu'il réfléchissait au rééquilibrage du modèle.

Toutefois, le retour des loot boxes tel qu'on les connait actuellement dans les jeux semble compromis. Ce principe, qui s'apparente finalement à une loterie payante ou à un jeu de hasard, est depuis quelques jours un objet d'intérêt pour les régulateurs en Europe et aux États-Unis. Le représentant démocrate de l'État américain de Hawaii exige la fin de la vente de ces pochettes-surprises, qualifiées de « pièges », vendues par un éditeur « prédateur ».

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En Belgique, la Commission des jeux de hasard a publié une note informative sur cette problématique, sans donner encore de décision précise la RTBF. En France, c'est l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) qui s'est emparé de la question.

Dans une réponse au sénateur Jérôme Durain qui s'inquiétait de cette pratique, l'autorité reconnait que des dérives sont bien présentes : transactions quasi-obligatoires pour progresser alors que le joueur n'en a pas été clairement informé ; la loot box est un produit « totalement aléatoire qui revient à introduire un jeu payant de loterie dans un jeu vidéo » ; enfin, l'Arjel s'interroge sur la revente de gains (objets virtuels, niveaux de jeux) entre joueurs. « Nous sommes là dans l’espérance de gain en argent », ce qui appelle à une régulation.

Une loot box dans le jeu Overwatch. Cliquer pour agrandir

L'Autorité va mettre en place plusieurs actions, à commencer par un travail en commun avec la DGCCRF pour le volet protection des consommateurs, et à une réflexion commune avec les autres régulateurs européens. Outre la France et la Belgique, le Royaume-Uni et les Pays-Bas s'inquiètent eux aussi de la prolifération de ces loteries payantes dans les jeux. L'Arjel indique toutefois que la régulation du secteur semble « peu envisageable » à court terme. Cette problématique des loot boxes pose la question de l'auto-régulation de l'industrie du jeu vidéo.

De son côté, l'UFC-Que Choisir demande à l'Arjel d'assimiler les jeux vidéo incluant des coffres de butin payants comme des jeux de hasard : de facto, ces jeux seraient donc interdits aux mineurs. L'association de consommateurs réclame aussi aux autorités de rendre obligatoire une information avant l'achat (sur la boîte du jeu et sur son site internet, par exemple) sur la présence de ces mécanismes dans les jeux.

Sur iOS, où le principe des micro-transactions est bien ancré dans les habitudes, on n'a pas encore vu de loot boxes dans les jeux il existe bien des pochettes-surprises ; néanmoins, dans la plupart des cas il s'agit de jeux gratuits au téléchargement. Les éditeurs qui usent et abusent de ce type de procédé vont sans doute suivre l'évolution impulsée par les régulateurs de très près.

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