Hadopi : gros budget, résultats modestes

Mickaël Bazoge |

Depuis sa création dans la douleur en 2009, la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet — alias Hadopi — se bat pour prouver une utilité qui déjà à l'époque n'avait rien d'évident. La principale mission de l'autorité est de prévenir la justice lorsqu'un internaute n'a pas suffisamment sécurisé sa connexion internet, permettant ainsi le partage d'œuvres protégées par le droit d'auteur sur les réseaux P2P.

Ce bilan annuel permet de souligner les coûts de la Haute Autorité. Sur un budget 2019 de 9,4 millions d'euros, les dépenses se sont montées à 8,4 millions d'euros, pour des recettes équivalentes. Celles-ci proviennent à quasiment 100% de subventions du ministère de la Culture. D'après Next INpact, en dix ans d'existence la Hadopi a coûté un total de 82 millions d'euros au contribuable. Depuis 2009, l'organisation a fait parvenir 12,7 millions d'avertissements aux internautes indélicats, dont 830 000 en 2019. Dans 70% des cas, aucune réitération des faits n'a été constaté après un premier avertissement.

En 2019, la Hadopi a traité plus de 9 millions de saisines provenant des ayants droits (contre 14 millions en 2018). 1 748 dossiers — les plus réfractaires — ont été transmis au procureur de la République par la Commission de protection des droits de l'autorité. « Depuis 2011, le montant total cumulé des amendes prononcées et portées à la connaissance de la Commission est de 87 000 €, dont près du tiers pour la seule année 2019 », explique la Hadopi dans son rapport. En termes de rendement, ce n'est pas terrible (il faut savoir que la contravention maximum s'élève à 1 500 €).

Des saisines, demandes d'identification et identifications d'IP en baisse continue depuis 2017, en raison de l'émergence d'une offre légale attractive.

La mission de la Hadopi parait aujourd'hui presque désuète, à l'heure de l'IPTV et des formules légales de streaming et d'accès à des contenus vidéo comme musicaux. En mai, une décision du Conseil constitutionnel demandait au législateur de fixer les règles pour garantir l'exercice des libertés publiques dans sa réponse à une question prioritaire de constitutionnalité qui intéressait les opposants à la Hadopi (lire : Ce n'est pas le grand soir pour les opposants à la Hadopi).

Au delà des résultats sonnants et trébuchants très modestes de son versant sécuritaire et de son rôle de gendarme, la Hadopi exerce également une activité d'études, d'analyses et de sensibilisation au marché de la consommation de contenus en ligne qui mériterait sans doute un peu plus de publicité. Denis Rapone, le président de l'organisation, se félicite du renforcement des moyens d'action pour lutter contre le piratage évoqués durant la discussion sur la loi relative à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique. Le texte vise aussi à créer un nouveau régulateur issu de la fusion entre le CSA (audiovisuel) et la Hadopi, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.

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