/e/ entend supprimer totalement Google d’Android

Nicolas Furno |

Android, le système d’exploitation conçu par Google, repose sur une base open-source, même si de nombreux composants sont ensuite propriétaires. Malgré tout, cela permet d’en créer des variantes, un fork dans le jargon, comme l’a déjà fait Amazon pour ses tablettes. « /e/ » est une nouvelle copie, désormais proposée en bêta, et son ambition est d’offrir un système mobile simple d’accès et surtout totalement débarrassé de Google et de ses services.

Le projet est né il y a un an environ, sous l’impulsion de Gaël Duval, un développeur français qui a travaillé sur le projet Mandrake, une distribution Linux apparue dans les années 1990. Il a lancé cette idée d’un système mobile convivial et qui ne repose ni sur Google, ni sur Apple, et après six mois environ de développement, il propose une première version fonctionnelle. Google n’a pas totalement été éliminé à ce stade et tout n’est pas encore au point, mais c’est un début avant la sortie d’une première version finale, prévue pour 2019.

Techniquement, /e/ n’est pas un fork direct d’Android, mais il est basé sur LineageOS 14.1, un système dérivé d’Android. Autre projet utilisé pour créer ce nouveau-venu, microG, une réécriture open-source d’une partie du code sous-jacent et de l’interface d’Android qui ne sont pas libres, mais qui appartiennent à Google. Ce changement permet, notamment, de reposer sur Mozilla Location Service plutôt que sur les données du géant de la recherche, pour géo localiser le smartphone.

Le plus visible est un nouveau « launcher », l’écran d’accueil qui peut facilement être modifié sous Android. Nommé BlissLauncher, il est très proche de l’écran d’accueil d’iOS, avec une grille de lignes composées de quatre icônes, plusieurs pages qui défilent de gauche à droite et un dock en bas. Des icônes spécifiques ont été dessinées pour les besoins du projet et les apps par défaut ont été modifiées par rapport à ce qu’Android propose. Le client mail est un fork de K9-Mail, les apps de Signal et Telegram sont utilisées pour la messagerie instantanée, il y a aussi une app pour la météo, une autre pour les notes, la gestion des tâches, etc.

L’écran d’accueil de /e/ à gauche, le moteur de recherche par défaut à droite.

Google n’est plus le moteur de recherche dans le navigateur par défaut (Jelly Web Browser, « pour le moment »), c’est Searx, un méta-moteur de recherche capable de piocher parmi 70 sources différentes tout en respectant la vie privée de ses utilisateurs. Qwant et DuckDuckGo sont aussi proposées en guise d’alternatives.

Pour se passer de Google toujours, les concepteurs de /e/ ont créé un service en ligne qui permettra de synchroniser les données et certains paramètres. Ce compte sera associé à une boîte mail et du stockage dans le cloud, même si les détails, notamment financiers, restent à déterminer. Pour le moment, les premiers testeurs peuvent demander un compte gratuit. Surtout, ce composant en ligne sera open-source et n’importe qui pourra l’installer sur son propre serveur.

La séparation de Google n’est pas encore parfaite. En particulier, le serveur DNS, indispensable pour naviguer sur internet, est toujours configuré sur celui du moteur de recherche. Changer cet élément de bas niveau s’est avéré plus complexe que prévu et la première bêta ne le fait pas, mais c’est prévu pour la version finale. Par ailleurs, c’est toujours Google Maps qui fait office d’app de navigation, les alternatives open-source n’étant pas à la hauteur d’après les créateurs de /e/.

/e/ pourra être mis à jour directement sur un smartphone (gauche). À droite, l’écran qui permet de créer un compte /e/ pour synchroniser les données.

Dans la liste de ce qui reste à faire, il y a une boutique d’apps qui sera basée en partie sur le contenu du Play Store de Google, avec la possibilité d’installer et de maintenir les apps à jour aussi facilement que sur Android et iOS. La version finale sera aussi construite sur un fork plus récent, certainement LineageOS 15 qui est basé sur Android Oreo. Le projet /e/ est encore réservé à des utilisateurs avancés, qui savent ce qu’ils font et il est chaudement recommandé d’utiliser un smartphone de test et non un appareil utilisé au quotidien.

Si vous êtes intéressé, vérifiez tout d’abord que votre smartphone Android est dans la liste de modèles compatibles. Une liste encore assez courte, mais qui devrait s’allonger au fil du temps. L’installation se fera ensuite en débloquant le « bootloader » du téléphone, puis en utilisant un outil de restauration pour installer /e/ à télécharger à cette adresse. Commencez par la liste d’appareils, pour connaître la version qui correspond au vôtre.

Vous trouverez aussi quelques détails supplémentaires dans l’article associé au lancement de la bêta. Les développements déjà réalisés et futurs sont financés par des dons, vous pouvez participer à cette adresse.

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