Shadow disponible sur iOS : quand l'iPad renferme un PC gamer

Stéphane Moussie |

L’attente fut longue, mais on y est. Blade a enfin lancé le client iOS de Shadow, son PC dans le cloud. Cela signifie que l’iPhone et l’iPad peuvent faire tourner, en quelque sorte, Windows 10 et son incomparable ludothèque. Si avec ça l’iPad n’est pas le nouvel ordinateur personnel…

Shadow, qu’est-ce que c’est ?

Avant de plonger dans le cœur du sujet, un rappel sur Shadow. Lancé officiellement en 2017, il s’agit d’un service essentiellement destiné aux joueurs qui permet de profiter d’un PC haut de gamme hébergé à distance. On y accède au travers d’un client disponible sur Windows, Mac, Linux, Android et maintenant iOS (voir notre test en février 2018).

Puisqu’il est question de streaming et de jeux vidéo, une bonne connexion internet est requise. Blade recommande au moins 15 Mbit/s pour une bonne expérience. Dans les faits, on peut se contenter de moins pour d’autres usages que le jeu.

Car si le service vise surtout les gamers, rien n’empêche d’utiliser son Shadow pour toute autre chose. On dispose d’un véritable ordinateur sous Windows 10 Famille avec lequel on est libre de faire ce que l’on veut (excepté miner des cryptomonnaies et overclocker ses composants, il ne faut pas oublier que le serveur cohabite avec d’autres dans un centre de données en France).

Selon vos besoins, c’est l’avantage ou l’inconvénient de Shadow. Si vous voulez simplement jouer, c’est moins simple que GeForce NOW — qui est en bêta et n’existe pas sur mobile —, puisqu’il faut administrer un minimum son PC : installation des mises à jour de Windows et des pilotes graphiques, installation de Steam… et achat des jeux, puiqu’ils ne sont pas compris dans l’abonnement. Mais c’est donc l’assurance d’utiliser ce PC dans le cloud sans limitation…

Windows 10 sur iPad

… autre que le matériel. Car Windows 10 sur un iPad, c’est comme fusionner un grille-pain et un réfrigérateur. C’est possible, mais le résultat est loin, très loin, d’être optimal. Première embuche, l’incompatibilité d’iOS avec les souris (Android les prend en charge, pour sa part).

Shadow sur iPad Pro 2018.

Windows 10 ne propose-t-il pas un mode tablette, me direz-vous ? Si, mais il ne fait rien d’autre que changer la présentation du bureau et passer toutes les applications en plein écran. Les boutons des menus restent toujours aussi difficiles à viser.

Pour améliorer ça, il y a trois possibilités : sélectionner une définition plus basse (au détriment de la surface d’affichage) ; utiliser un stylet (l’Apple Pencil fonctionne) ; acheter une souris compatible. Eh oui, car si iOS ne gère pas nativement les souris, un fabricant, Citrix, a mis au point sa propre solution. Je n’ai pas testé, mais notre lecteur Filou76 indique que cela fonctionne avec Jump Desktop et une souris Citrix X1.

Une souris est d’ailleurs très utile, car je n’ai pas trouvé comment faire défiler les contenus avec un geste tactile — c’est la deuxième embuche. J’en suis réduit à viser les petits ascensceurs pour faire défiler les pages web ou bien, et c’est plus pratique, me servir des touches fléchées d’un clavier externe. Car les claviers externes sont, eux, gérés par iOS et reconnus sans peine par Shadow (testé avec un clavier Bluetooth Apple ainsi qu’un Smart Keyboard).

L’utilisation de Windows 10 via Shadow sur iPad est également compliquée par le fait que le système de Microsoft est complètement hermétique à iOS. On ne peut pas copier-coller un contenu d’iOS vers Windows, ou vice-versa, alors que c’est possible avec le client Mac. L’application Shadow est tout de même compatible Split View (l’affichage de Windows s’adapte automatiquement quand on redimensionne l’app hôte).

En bref, Windows 10 est exploitable sur iPad, mais ce n’est clairement pas la meilleure plateforme pour en profiter pleinement. Et sur iPhone, alors ? C’est évidemment pire, et c’est pour cela que Blade avait conçu une interface spéciale qui était présente dans les bêtas. Malheureusement, celle-ci a disparu de la version finale.

L’explorateur de fichiers qui faisait partie de la bêta.

La préversion comprenait un explorateur de fichiers qui rendait facilement accessibles la musique, les images, les vidéos et les documents stockés sur le PC. Dommage que cela n’apparaisse plus dans la version publique, ça pouvait rendre service.

Place aux jeux

Shadow n’excelle pas dans le « portage » de Windows 10 sur iPad, cependant ce n’est pas sa visée première. Ce qui importe le plus, ce pour quoi la plupart des utilisateurs payent au minimum 29,95 €/mois, c’est pouvoir jouer à de (gros) jeux PC sans compromis et de n’importe où.

Pour ça, la machine distante est très bien équipée : processeur Xeon 8 threads, carte graphique équivalente à une GTX 1080 et 12 Go de mémoire vive. Tous les jeux, même les triple A, tournent à 60 i/s avec les graphismes à fond.

Comme le jeu est exécuté à distance, le modèle d’iPhone ou d’iPad utilisé a assez peu d’importance (l’application requiert iOS 11). Si ce n’est la taille d’écran, Shadow sur iPad Pro 2018 ressemble à Shadow sur iPad mini 4. Les appareils récents sont avantagés tout au plus par leurs meilleures performances sans fil.

Bayonetta

Car la connexion internet est le nerf de la guerre quand on utilise Shadow. On l’a dit au début de l’article, 15 Mbit/s sont recommandés pour une bonne expérience. Si on est prêt à sacrifier la qualité de l’image et que la réactivité n’est pas primordiale, une vitesse inférieure peut faire l’affaire. Ce qui signifie qu’on peut tout à fait jouer en 4G. Oui, Final Fantasy XV sur son iPad à la plage, c’est possible.

Enfin, presque. On tombe sur un os quand on veut jouer aux blockbusters : les manettes MFi ne sont pas aussi complètes que les manettes des consoles. Ils leur manquent les boutons L3 et R3 (quand on clique sur les joysticks), ainsi qu’un bouton Select. Sans ce bouton, impossible d’afficher la carte et de zapper les cinématiques de Shadow of the Tomb Raider, par exemple.

Shadow of the Tomb Raider

Cette situation est en passe de s’améliorer. Un fabricant a lancé en fin d’année dernière la première manette MFi avec boutons L3 et R3 (toujours pas de bouton Select, en revanche). Et iOS prendrait en charge ces boutons depuis peu. Nous n’avons pas encore eu l’occasion de tester ce contrôleur.

Cela étant, tous les jeux ne requièrent pas autant de boutons. Je joue en ce moment sur iPad à l’excellent What Remains of Edith Finch (offert sur l’Epic Games Store jusqu’au 24 janvier), un jeu « narratif » qui ne demande ni beaucoup de boutons ni une grande réactivité.

La magie de Shadow opère alors : je peux jouer à un jeu PC/console sur iPad sans autre impératif qu’une connexion internet très haut débit, ce que l’on a la chance d’avoir ici à Lyon. Mais la magie disparaît aussi vite quand l’application Shadow plante en plein milieu d’un chapitre. Cela m’est arrivé avec la bêta de l’application. Gageons que la version finale est plus stable.

Quant aux jeux qui demandent une souris, je n’ai pas testé la solution avec la Citrix, mais ce n’est sans doute pas idéal pour jouer confortablement, eu égard à l’accessoire lui-même et au risque de latence.

Pour conclure

iOS n’est pas la meilleure plateforme pour tirer parti de Shadow. Un iPad + Shadow, ça ne fait ni une excellente tablette Windows, ni une excellente console portable. Android, compatible nativement avec les manettes consoles et les souris, est un environnement plus adéquat pour le service. Malgré tout, on ne se plaindra pas de l’arrivée de ce client iOS, une nouvelle corde à l’arc déjà bien robuste de Shadow.

Shadow coûte 29,95 €/mois avec engagement de 12 mois, 34,95 €/mois avec engagement de 3 mois ou 44,95 € pour un seul mois.

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