Pourquoi Jobs et Schiller ont fait cesser la vente d'e-books dans l'app Kindle d'Amazon

Florian Innocente |

Dans la somme de documents internes à Apple qui ont été rendus publics lors de l'audition de Tim Cook et de plusieurs de ses homologues par une commission législative du Congrès américain, des mail échangés entre Steve Jobs, Eddy Cue et Phil Schiller sont remontés à la surface (en toute fin du PDF).

La discussion entre les trois hommes portait sur l'app Kindle d'Amazon et l'achat de livres électroniques. Il faut toutefois préciser qu'une large partie de cet échange est connue… depuis 2013. À l'époque, ces e-mail avaient servi au gouvernement américain dans son procès contre Apple à propos de sa gestion de l'iBookstore et des contrats signés avec les maisons d'édition et ils avaient été publiés, comme aujourd'hui (lire iBookstore : le gouvernement américain durcit sa position).

On avait déjà relaté l'échange entre Schiller et Jobs autour d'une publicité d'Amazon qui avait donné un haut-le-cœur au premier. Dans ce clip on voyait une femme remplir son iPhone de livres électroniques achetés via l'app Kindle. Plus tard, alors qu'elle avait switché sur Android, elle les retrouvait dans la même app sans devoir les racheter (une deuxième pub montrait le chemin inverse d'Android vers iOS).

Premier vertige de Schiller : le fait qu'Amazon fasse la promotion de l'achat de livres depuis l'iPhone plutôt qu'à partir d'un Kindle. Quant au deuxième, c'était le message sous-jacent de cette pub : il est facile de passer d'un iPhone à un produit concurrent .« Ça n'est pas agréable à voir », écrivait Schiller à Jobs.

Mais le nœud du problème était qu'Apple avait initialement accepté qu'Amazon soit dispensé d'utiliser les In-Apps pour la vente de livres électronique, dès lors que le Kindle était présenté comme le principal support pour ça. L'iPhone et l'iPad ne servant que de support complémentaires pour profiter d'une bibliothèque déjà constituée.

À l'inverse, dans sa pub, Amazon vantait l'achat directement depuis l'iPhone. Pour Schiller, l'accord initial passé avec Amazon appartient désormais à un autre temps. Il fait valoir à Jobs qu'Apple vend beaucoup d'iPhone — beaucoup plus que de liseuses Kindle —, que l'iPad est arrivé entre-temps et que la tablette se prête très bien à la lecture.

Le marketing d'Amazon s'est ajusté à cette nouvelle réalité du marché, poursuit Schiller, dans laquelle davantage d'utilisateurs de l'app Kindle achètent leurs livres sur leurs téléphones plutôt que sur la liseuse.

Schiller propose alors à Jobs de signifier à Amazon qu'il est en violation des consignes de l'App Store et qu'il doit accepter d'en passer par des In-Apps et les 30 %. Toutefois, au vu de son expérience avec Amazon, Schiller ne se fait pas d'illusion et il s'attend à un refus. Il prévient donc Steve Jobs que le choix qui risque de se poser sera de maintenir cette exception faite à Amazon ou de leur demander de retirer leur app.

Jobs ne tergiverse pas, déjà disposé dans une précédente réponse à dire son fait à Amazon, il répond : «  Je suis d'accord avec toi à 100 %. Il est temps pour eux de se décider à utiliser notre mécanisme de paiement ou de s'en aller ». Et de souligner que cette règle doit être maintenant appliquée à tous.

Pas d'achat de livres depuis l'app Kindle sur les plateformes d'Apple

Au final, l'app Kindle est restée sur l'App Store mais depuis cette époque elle ne sert qu'à lire des livres achetés depuis un autre appareil ou sur le site d'Amazon. Il est impossible d'acheter un ouvrage depuis son iPhone ou iPad, on ne peut que récupérer un extrait gratuit.

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