Apple, prochaine cible de la presse française ?

Stéphane Moussie |

L'accord conclu sur le fil par une partie de la presse française avec Google la semaine dernière donne des idées à Nathalie Collin, présidente de l'Association de la presse d'information politique et générale (IPG), qui a représenté les médias dans les négociations. Dans une interview donnée au journal Les Échos, Nathalie Collin explique qu'elle pourrait chercher à négocier avec Apple :

Le fait que Google ait accepté de rentrer dans une négociation pourrait peut-être nous aider, à l'avenir, à engager des discussions avec Apple qui nous impose ses tarifs pour nos journaux sur iTunes, ou avec Amazon, Microsoft avec qui nous ne sommes pas toujours d'accord sur les conditions commerciales qu'ils proposent. Cela serait formidable que ces acteurs comprennent qu'ils ont besoin des contenus presse, comme Google vient de le faire.

Les désaccords entre Apple et la presse française ne datent pas d'aujourd'hui. En juin 2011 est sortie ePresse, une application qui regroupe différents journaux qui ne veulent pas figurer dans le Kiosque d'Apple introduit dans iOS 5. Le groupement d'intérêt économique (GIE) ePresse boycotte la solution d'Apple, jugeant la commission de 30 % trop élevée et souhaitant obtenir plus d'informations sur les lecteurs.

Le GIE avait signé à l'automne 2011 un accord avec Google pour utiliser One Pass , un système transactionnel pour la vente et l'abonnement des journaux et magazines sur les supports numériques. Partenariat qui est tombé à l'eau, Google annulant au dernier moment la conférence de lancement de One Pass, pour l'enterrer définitivement deux mois plus tard.

Apple est régulièrement sous le feu des critiques d'un autre groupement d'éditeurs : le Groupement des Éditeurs de Service en Ligne (GESTE). Dernièrement, le GESTE s'est insurgé à propos de l'augmentation des tarifs de l'App Store. « Les éditeurs du GESTE regrettent la décision unilatérale d’Apple d’augmenter les prix de vente des journaux et magazines sur l’App Store », indique le communiqué. « En prenant cette décision de manière unilatérale, Apple nous met dans une situation impossible vis-à-vis de nos clients », a ajouté Corinne Denis, la présidente.

L'Association de la presse IPG, ePresse et le GESTE sont très proches. Voici la composition du bureau de l'IPG :
- Présidente : Nathalie Collin (coprésidente du directoire du groupe le Nouvel Observateur)
- Vice-Président : Francis Morel (PDG du Groupe Les Échos)
- Secrétaire général : Louis Dreyfus (président du directoire du groupe le Monde)
- Secrétaire général adjoint : Bruno Lesouëf (directeur général des publications de Lagardère Active)
- Trésorier : Georges Sanerot (président du directoire du groupe Bayard Presse)

Le Nouvel Observateur, Les Échos, La Croix (Bayard Presse) sont présents dans ePresse, tandis que toutes les entreprises des membres du bureau font partie du GESTE.

Pour revenir à la déclaration de Nathalie Collin, « Apple [...] nous impose ses tarifs pour nos journaux sur iTunes », il faut préciser que si Apple fixe bien un barème de prix sur l'App Store, les éditeurs peuvent aussi proposer des offres où Apple n'a pas son mot à dire sur leur site. C'est ce que fait d'ailleurs ePresse avec différents bouquets et forfaits. Le GIE indique clairement qu'il est plus économique de passer par son site : « Achetez sur le site ePresse.fr vos offres prépayées, vous aurez un meilleur tarif qu’en passant par l’application e-Presse. »

Quant à l'accord passé entre l'IPG et Google, qui instaure un fonds de 60 millions d'euros pour aider « la transformation [des] médias à l'heure du numérique » et « un partenariat commercial renforcé », dixit Nathalie Collin, il fait l'objet de critiques. Le Syndicat de la presse indépendante d'information en ligne (SPIIL) demande à ce que cet accord confidentiel soit rendu public : « il est question aujourd’hui d’une aide privée soutenue par les pouvoirs publics, d’un montant de 60 millions €, soit exactement le montant de l’aide attribuée par l’État au développement de toute la presse numérique en trois ans [...] Au même titre que les aides publiques, le fonctionnement de ce fonds soutenu par les pouvoirs publics doit être transparent. »

Accédez aux commentaires de l'article