iCoyote, après l’accord de l’Afftac, entre continuité et déception

igrec |

Le 28 juillet dernier, l’Afftac (Association Française des Fournisseurs et utilisateurs de Technologies d’Aide à la Conduite), qui regroupe notamment les éditeurs d’iCoyote, Avertinoo, Eklaireur, et Wikango, signait un accord avec le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant. Pour certains, cet accord marquait la mort des avertisseurs de radars, un marché important sur l’App Store d’Apple.

Pour l’Afftac, c’était tout le contraire et un porte-parole de l’association nous indiquait même, fin mai, avoir «obtenu gain de cause.» (lire Apple l'ultime dindon de la farce des avertisseurs de radars) Et d’appeler à la patience, jusqu’à la sortie des nouveaux «assistants d’aide à la conduite» pour que chacun puisse juger sur pièce. Et voilà : la semaine dernière, la nouvelle version d’iCoyote pour iPhone est sortie [4.4 – Français – 1,59 € – iOS 4 – Coyote System], une mouture qui intègre les changements promis dans le cadre de l’accord conclu avec le gouvernement.

Sur le papier, l’évolution serait simplement sémantique. Une démarche hypocrite, diront les esprits les plus chagrins. Grosso modo, au lieu de parler de radar, on parle de zone de danger - avec une alerte rouge. Et cela tant pour les radars fixes que pour les mobiles signalés par les utilisateurs. Officiellement, il peut ne pas y avoir de radar dans les zones de danger. Dans la pratique, on ne peut pas dire que ce soit le cas. Le texte de l’accord signé par l’Afftac (lire Les avertisseurs de radars ont encore de beaux jours devant eux) laisse d’ailleurs toute latitude aux signataires pour n'annoncer que les zones de danger contenant un radar.

Mais au-delà de ce que certains percevront comme de la malhonnêteté intellectuelle, on peut relever certains changements concrets, à commencer par les distances d’avertissement. Plus question, pour l’utilisateur, de régler manuellement ces distances. Non, il faut subir : 4 km pour un radar fixe sur autoroute à 130 km/h, avec un radar qui semble effectivement situé à environ 3 km du début de la zone de signalement du «danger»; 2 km sur une route (qu’elle soit limitée à 110 km/h ou à 90 km/h ou même à 70 km/h) hors agglomération; 500 m en ville. Avec iCoyote, l’alarme de survitesse - un bip sonore qui indique que la vitesse réelle du véhicule est supérieure à la limite autorisée - peut être théoriquement désactivée dans les réglages de l’application; dans la pratique, sur l’iPhone 4S utilisé pour nos tests, ce réglage s’est avéré inopérant. Pour le coup, voilà qui incite à lever le pied !

Zones de flou
Mais l’essentiel du problème tient au mécanisme de zones - circulaires -, qui change considérablement la donne, jusqu’à générer un inconfort d’utilisation, voire même des situations potentiellement dangereuses. Dans une région à forte densité de radars - certaines parties du périphérique parisien, de l’A86 ou même du la proche banlieue de Tours, par exemple, il n’est pas exceptionnel de «passer» sur des portions de route où plusieurs zones de superposent, du seul fait de leur étendue. Et là, iCoyote s’emmêle totalement les pinceaux, oubliant la notion de tronçon et de voie sur laquelle le véhicule circule effectivement. On pourrait prendre la chose de manière positive, en cela qu’elle pousse à une vigilance renforcée. Mais ce serait une erreur, car l’étendue des zones peut conduire à l’annonce d’une limite de vitesse erronée par rapport à l’endroit où l’on circule.

La N152, en sortie de Blois, vers Tours, illustre bien ce risque : l’automobiliste est encore en ville (point A, sur la capture issue du service Waze), le long de la Loire, sur une voie limitée à 50 km/h, quand retentit l’avertissement de zone de danger, limitée à 70 km/h. Las, la vitesse ne devient effectivement limitée à 70 km/h qu’environ 700 mètres plus loin (point B, sur la capture), tout près du radar fixe (entouré, sur la capture) à l’origine du signalement de danger d’iCoyote.

L’explication à cette situation est simple : pour iCoyote, ce radar fixe n’est pas en ville, il est sur une route hors agglomération et doit donc générer une zone de danger de 2 km, quitte à produire un avertissement pour l’utilisateur qui est encore en ville sur une voie limitée à 50 km/h, et non pas 70 km/h. Un étourdi aura vite fait de prendre pour argent comptant les informations de l’animal, adoptant dès lors une vitesse déraisonnable pour les lieux. Au risque de devenir dangereux pour les piétons et les autres automobilistes. Tout simplement ubuesque.

Du point de vue de la sécurité routière, il n’est donc pas tout à fait sûr que l’incertitude, sur la position des radars, voulue par le gouvernement, ne soit pas, dans certains cas, totalement contre-productive. Et l’on peut se poser la même question au sujet des messages de prévention qui apparaissent à l’écran en cours de conduite : intrusifs, ils nécessitent une intervention manuelle pour retrouver l’affichage normal. En outre, ils créent nettement la surprise à la première apparition. Bref, à défaut de prouver leur efficacité en matière de prévention routière, ils semblent efficaces pour altérer la concentration du conducteur, au moins ponctuellement, pendant qu’il conduit...

Des utilisateurs pas franchement convaincus
Certains utilisateurs semblent indifférents aux évolutions qu’inaugure iCoyote - avant que les autres signataires du protocole d’accord gouvernemental ne suivent. Mais d’autres ne cachent pas leur amertume. Sur les forums de Coyote Systems, des utilisateurs cherchent à revenir à la version précédente de l’application, la 4.3. Sur l’App Store, les critiques et les mauvaises notes pleuvent, dénonçant la taille des «zones dangereuses», aux côtés des recommandations de ne pas appliquer la mise à jour pour rester en version 4.3. Car celle-ci reste, pour l’heure, totalement fonctionnelle. Et il y a une très bonne raison à cela : les bases de données de Coyote System continuent de contenir les emplacements précis des radars fixes et mobiles !

En fait, la version 4.4 d’iCoyote se contente d’introduire un élément cosmétique, celui des zones de danger. Et uniquement pour les utilisateurs sur le sol français : comme l’indique l’éditeur dans forum, passées les frontières hexagonales, le logiciel retrouve son comportement originel. Mais, selon l’un des modérateurs du forum de Coyote Systems, le répit ne serait que de courte durée et la version 4.3 d’iCoyote ne devrait plus fonctionner au 1er janvier 2012. À voir une fois l’échéance arrivée. Mais cela sera peut-être l’occasion pour des alternatives comme Waze ou Trapster de décoller.

L’Afftac, prise au piège ?
Après tout, faute de véritable interdiction des avertisseurs de radars inscrite dans le code de la route, les nouvelles règles du jeu sur les avertisseurs de dangers n’engagent que les signataires de l’accord conclu entre Afftac et gouvernement. Et l’argument du «100 % Légal» mis en avant par Coyote System ne semble d’ailleurs pas totalement transparent, en cela qu’il pourrait laisser à penser que les avertisseurs de radars sont illégaux. Hors le Code de la route, n’a toujours pas été modifié pour les interdire. Et cela ne semble pas non plus prévu pour la version du code qui sera en vigueur au 31 décembre prochain.

D’ailleurs, on peut se demander si, au-delà de l’annonce, de nombreuses décisions du CISR du 11 mai dernier seront suivies d’un quelconque effet : il n’y a pas trace, pour l’heure, de qualification de délit des primo excès de vitesse de plus de 50 km/h - toujours punis par une amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe -, ni même de la sanction de la conduite avec plus de 0,8 g d’alcool par litre de sang d’un retrait de 8 points... À se demander si les membres de l’Afftac n’ont pas été un peu trop prompts à négocier avec Claude Guéant, au point de finir dindons de la farce de cette brillante tartuferie.

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