Il n'y aura que des applications natives pour l'Apple TV

Mickaël Bazoge |

Les développeurs qui ont été tirés au sort pour recevoir un kit matériel pour l’Apple TV (les résultats de la loterie sont connus depuis hier) auront du pain sur la planche pour adapter leurs applications à la télévision. Non pas que le développement soit particulièrement complexe (on peut concevoir un émulateur consoles en trois heures), mais c’est qu’Apple a opéré un virage sur l’aile spectaculaire qui pourrait bien poser quelques sérieux soucis à certains développeurs.

Jusqu’à présent, les applications de l’Apple TV ont tout du Canada Dry : elles ont le goût et la couleur des apps natives, mais ce sont en fait de « simples » pages web encapsulées dans une vue web (web view). Le principe est très fréquent également sur iOS, OS X et tous les autres systèmes d’exploitation, qu’ils soient mobiles ou de bureau : Twitter, Facebook et bien d’autres applications activent une web view lorsqu’ils ont besoin d’afficher une page web.

Daniel Pasco, CEO de Black Pixel (auteur de la version 4 de NetNewsWire), estime qu’entre 50 à 80% des applications les plus populaires utilisent des vues web, d’une manière ou d’une autre. Sur nos plateformes, c’est le moteur de Safari qui prend le relais, et avec iOS 9 l’intégration est encore plus transparente (lire : iOS 9 : Safari comme nouvelle vue sur le web).

Le développeur révèle que tvOS ne s’embarrasse pas de ces vues web : les applications conçues pour le futur boîtier devront être entièrement natives. Ça ne devrait pas poser trop de problèmes pour les jeux vidéo, mais pour une bonne partie des applications plus traditionnelles, cela va représenter un temps de développement plus important puisqu’il faudra imaginer d’autres moyens d’afficher de l’information.

« Les vues web permettent d’afficher facilement du contenu qui n’a pas besoin d’être joliment rendu », détaille Pasco. « Vous n’avez besoin de modifier le contenu qu’une seule fois et de vous assurer qu’il s’affichera correctement sur toutes vos plateformes. Cela peut simplifier beaucoup de situations délicates et réduire les coûts quand vous les utilisez ». Techniquement, l’absence de web view va également représenter un casse-tête pour les services en ligne qui utilisent des systèmes d’authentification comme le très répandu service de délégation d’autorisation OAuth.

Pourquoi donc Apple veut-elle priver tvOS de cette fonction qui facilite grandement la vie des développeurs ? Pasco avance plusieurs raisons : la première, c’est que le contenu web s’affiche mal sur un très grand écran 1080p non Retina ; la seconde, c’est que la navigation dans l’interface de Safari se base sur les mouvements de doigts. On peut toutefois rétorquer qu’une définition 4K aurait pu améliorer les choses visuellement (mais Apple en a décidé autrement), et que la Siri Remote et sa surface tactile savent interpréter les gestes.

La vraie raison pourrait être qu’Apple veut éviter aux téléspectateurs une expérience applicative médiocre, en obligeant les développeurs à mettre au point des apps qui soient réellement pensées pour être utilisées devant un téléviseur. C’est louable donc, même si les entreprises qui utilisent les web views pour afficher rapidement et efficacement du contenu vont devoir repenser et réécrire complètement leurs applications pour tvOS. Un investissement en temps et en argent que les éditeurs les moins fortunés pourraient ne pas faire, au moins dans un premier temps, ce d’autant que la plateforme Apple TV est encore inexistante.

Cette absence de web view sur l’Apple TV reflète celle sur l’Apple Watch : dans les deux cas, les développeurs doivent faire l’effort de créer des applications natives pour ces plateformes. Et une fois que ce sera fait, peut-être qu’ils abandonneront les vues web pour leurs futures apps sur iPhone et iPad ? Apple pourrait pousser dans ce sens afin de se débarrasser petit à petit de la web view dans iOS, dans un avenir du web mobile entièrement tourné vers les apps…

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