Enthousiasme mesuré pour les premiers tests de l’Apple Watch

Mickaël Bazoge |

La fin de semaine sera chargée pour Apple — sans doute l’une des plus importantes de l’année pour le constructeur, puisque la Pomme se lance sur un tout nouveau créneau : celui de l’horlogerie connectée. Si le commun des mortels pourra essayer l’Apple Watch dès ce vendredi (et précommander le modèle désiré à partir de 9h01), les testeurs qui ont eu la chance d’avoir la toquante autour du poignet depuis quelques jours ont obtenu la levée de l’embargo imposé par Apple. Afin de se faire une première idée du produit, voici le résumé des principaux tests parus sur les sites américains.

C’est joli ?

Scott Stein de Cnet enterre illico la volonté d’Apple de s’inscrire dans la tradition de l’horlogerie traditionnelle : « L’Apple Watch est superbement conçue. Nous le savions. Mais son design n’est pas particulièrement nouveau. Il est similaire, dans l’esprit, à celui des montres Gear de Samsung ». Un crime de lèse-majesté ! Et le journaliste en rajoute en écrivant que le produit d’Apple « ressemble plus à un objet technologique qu’à une montre traditionnelle », tandis qu’en comparaison, la Watch de Huawei « sonne » plus comme une montre classique.

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Lauren Goode de Re/code précise de son côté que si l’Apple Watch s’efforce d’émarger dans la catégorie « haute couture », le produit continue de ressembler à une montre de geeks. Et même s’il est possible de remplacer le bracelet Sport par un autre au look plus premium, la façade avant continue de ressembler à un « iPhone miniature ». Au niveau du design à proprement parler, Goode explique que si l’Apple Watch est élégante, elle n'en reste pas moins plus épaisse qu’attendu.

La qualité de l’écran est louée par Nilay Patel, de The Verge. La dalle de l’Apple Watch est présentée comme Retina, avec des pixels « imperceptibles et des noirs profonds qui permettent à l’écran de se fondre dans les bords courbes du verre. C’est facilement le meilleur écran du marché des montres connectées ». Malgré tout, le testeur note un espace vide « visible » tout autour de l’écran.

L’Apple Watch, du moins le modèle testé par Lance Ulanoff de Mashable (en acier inoxydable 42 mm avec bracelet à maillons) a un design « plutôt masculin ». « Mon Apple Watch n’a rien d’un produit qui coûte moins que les 1 000$ de son prix (…) Je doute que le modèle Sport, qui débute à 349$, offre la même sensation luxueuse ».

La montre est « magnifique d’une manière chirurgicale », comme l’explique bizarrement Joshua Topolsky de Bloomberg. « Le petit cube de métal et de verre [il porte une Apple Watch en acier inoxydable] aurait toute sa place dans un labo futuriste ou dans un film de science-fiction. C’est clairement un produit Apple : propre, lisse, remarquablement solide. Mais comme pièce de bijouterie, elle est similaire à d’autres montres numériques — ce qui inclut la montre calculette de Casio tellement reconnaissable, comme plusieurs personnes me l’ont fait remarquer ». Le journaliste indique aussi que l’Apple Watch ressemble finalement à d’autres produits disponibles sur le marché, comme la ZenWatch d’Asus ou la Gear Live de Samsung. Et pan sur le bec de Jony Ive, mais heureusement Toposlky conclut ce chapitre ainsi : « Le design d’Apple ne concurrence pas Rolex, Omega ou Breitling au niveau du style, mais plus je porte cette petite chose discrète, plus je l’apprécie à mon poignet ».

Ça marche comment ?

Nilay Patel se lance dans un descriptif complet de la montre : « Sur le côté droit de la montre, vous trouverez la couronne digitale et un bouton (le nom officiel est simplement ‘’bouton de côté’’) qui ouvre votre liste [de contacts] favoris et active Apple Pay avec deux tapes. La confusion provient de ce bouton : il ressemble tellement au bouton d’allumage et de mise en veille de l’iPhone que j’appuie encore dessus pour allumer ou éteindre l’écran [de l’Apple Watch], même si je sais que je me trompe ».

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La couronne digitale, c’est aussi une innovation appréciée par Lauren Goode, qui regrette toutefois de ne pas avoir pu l’utiliser autant qu’elle l’aurait voulu. « J’ai trouvé que j’utilisais plus souvent l’écran tactile de la montre, aussi bizarre que cela puisse paraître ». Lance Ulanoff dit sa déception que ce composant ne soit pas centré. « Je collectionne les montres, et cette position est un affront envers ma sensibilité horlogère ».

Apple a beau vanter la simplicité d’usage de sa montre, les testeurs racontent souvent une autre histoire. « Il y a beaucoup de tapotages, de glissés, de tours et de twists nécessaires dans l’Apple Watch », décrit Scott Stein. « Les applications embarquées et les apps coups d’œil peuvent provoquer la confusion chez les nouveaux venus ». La personnalisation des cadrans est particulièrement appréciée par le testeur : « L’offre d’Apple est plus diversifiée » que sur les autres montres Android Wear. « Et si on parvient à régler les détails à sa main, ils parviennent à rendre la montre moins futile ».

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« Rappelez-vous la première fois que vous avez touché un iPhone. C’est exactement la même sensation avec l’Apple Watch », décrit Goode. « Que se passe-t-il, où est-ce que je pose les doigts pour voir ce qui se passe, comment est-ce que je me débarrasse de la notification qui vient juste d’apparaitre ? Avec d’autres montres connectées, ce sentiment ne disparait jamais vraiment. Avec l’Apple Watch, il finit par s’évaporer ».

David Pogue et quelques autres notent l’obsession du détail d’Apple. « Ils ont créé un nouveau système d’exploitation destiné aux interactions qui ne durent que quelques secondes. Ils ont créé cette nouvelle police dont l’espacement des caractères évolue selon la taille du texte — parce que c’est ce qui rend mieux sur un petit écran. Ils ont créé des animations qui rendent l’information plus claire et plus agréable. Sur le cadran Mickey Mouse, ils ont dessiné les courbes de la petite main du rongeur de manière à ce qu’elles correspondent aux courbes de la police ».

Et dans la vie de tous les jours ?

Un des défauts relevés par The Verge est une certaine latence dans les temps de réponse de l’Apple Watch. Nilay Patel a noté que le fait de porter le poignet vers soi, synonyme d’allumage automatique de la montre, demandait parfois d’attendre quelques instants avant que l’appareil remplisse sa tâche. C’est d’autant plus ballot que ce simple geste sert pour la fonction la plus basique du produit : afficher l’heure. « Cela donne l’impression de chicaner, mais dans un contexte où l’on regarde sa montre une dizaine de fois par jour, c’est rapidement distrayant ». Plus globalement, Patel espérait « à moitié » « mettre la montre le matin et l’utiliser à la place de mon téléphone, mais ça n’est jamais arrivé ». C’est que l’Apple Watch est « lente », relève t-il encore, notamment lorsqu’elle charge des données provenant de l’iPhone. Apple a promis une mise à jour logicielle dès le 24 avril pour améliorer cet aspect des choses. Plus que jamais, l’Apple Watch reste donc un compagnon de l’iPhone.

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Au lieu de vibrer comme un téléphone, le Taptic Engine de l’Apple Watch « tapote », comme l’explique David Pogue. « Quand la montre réclame votre attention — pour une alerte, un message texte ou un appel entrant — elle tapote sur votre poignet. C’est la chose la plus folle et la plus étrange. C’est subtil mais impossible à rater, tout spécialement quand cela s’accompagne par les pings et les sons qui désignent les différentes notifications ». Le chroniqueur de Yahoo explique que le mode « Ne pas déranger » est très simple à activer : il suffit de poser la paume de la main sur l’écran. « Pratique dans les bibliothèques, les églises, ou durant les parties d’échecs ».

La vérité, assène David Pogue, c’est que « la navigation dans l’Apple Watch est une de ses faiblesses. Il n’y a aucun indice visuel que plus d’options sont disponibles avec une pression ferme sur l’écran, ou que quoi que ce soit se passera si vous tournez la couronne. Il faudra apprendre en faisant des essais et des erreurs. Et à chaque fois que vous ferez un appui ferme ou que vous tournerez la couronne et que rien n’arrivera, vous vous sentirez comme un lourdaud ».

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L’écran d’accueil et son nuage d’applications sont cloués au pilori par le journaliste de Yahoo. « Il est difficile de croire que la même personne qui a perdu le sommeil sur la courbe du doigt de Mickey soit le même [que celui qui a imaginé cet écran]. Comment êtes-vous censé savoir à quoi servent ces icônes microscopiques ? Il n’y a pas de badges, et les icônes elles-même sont de la taille d’un atome de carbone ».

Le fonctionnement des applications tierces sur l’Apple Watch ressemble à celui des apps Android Wear, écrit Lauren Goode. Les apps tierces sont encore en rodage, « mais les applications natives fonctionnent bien entre l’iPhone et l’Apple Watch ». Les fonctions fitness font en sorte qu’il ne sera pas nécessaire de porter un bracelet Fitbit. Mieux encore, l’Apple Watch est susceptible de remplacer le cardiofréquencemètre « pro » que les sportifs aguerris portent autour de la poitrine : les mesures effectuées par Goode montrent que les résultats de la Watch sont très proches ou similaires avec ce type d’équipement. Les sentiments sont mitigés aussi sur… les smileys. Certains chez Re/code les ont trouvé « affreux », d’autres les qualifient de « carburant à cauchemar » (chez The Verge) !

Et ça dure combien de temps ?

C’est LA question qui taraude tous ceux qui s’apprêtent à mettre la main à la poche : quelle est l’autonomie de l’Apple Watch ? Apple annonce 18 heures en usage normal. Lauren Goode explique que la batterie de la montre fait mieux qu’attendu. « Mon iPhone a rendu l’âme avant la montre », avec une autonomie qui a tenu toute la journée, jusque tard dans la nuit. Quand la batterie de la montre est complètement épuisée, il lui faut deux heures et demie de recharge pour qu’elle affiche les 100%.

Le câble de recharge à la MagSafe n’est pas particulièrement apprécié par la journaliste : « Il est trop facile de déconnecter accidentellement le câble de la montre. J’aurais préféré avoir le même genre de socle de recharge que celui de la Moto 360 ». C’est aussi ce qui est arrivé à Lance Ulanoff, qui après avoir installé la montre sur son galet à induction mal branché sur le secteur, s’est retrouvé avec 16% d’autonomie seulement au petit matin… Il a généralement terminé sa journée avec 30% de batterie disponible, « y compris avec un rétro-éclairage à 100% ».

Scott Stein a obtenu d’Apple la confirmation que l’autonomie sera un peu meilleure sur la Watch 42 mm. Il lui a de toutes façons fallu la recharger toutes les nuits, ce qu’il juge pénible. « Avoir un gadget de plus à brancher devient rapidement ennuyeux, et j’ai porté suffisamment de montres qui proposent jusqu’à deux jours d’autonomie. Et c’est plutôt agréable ». Assassin, il écrit que l’Apple Watch offre « l’autonomie la plus faible de toutes les montres connectées récentes que j’ai pu voir, pire encore que les montres Android Wear ou que les Gear de Samsung qui durent aux alentours de deux jours ».

Une histoire de temps

David Pogue estime, enthousiaste, que l’Apple Watch est à des « années lumière » de n’importe quelle autre montre connectée. L’écran est « plus beau », le logiciel est « raffiné » et « sans bugs », le châssis est un « bijou ». Mais la vraie réponse est : « Vous n’avez pas besoin d’une Apple Watch. Personne n’a besoin d’une smartwatch ». « La technologie est à peine au point pour faire de ce genre d’appareil quelque chose d’utilisable », mais… l’Apple Watch est un luxe.

« L’Apple Watch est un des produits les plus ambitieux que j’aie jamais vu », conclut Nilay Patel. Le produit d’Apple est la montre connectée la plus « compétente » du marché, mais elle ne peut réaliser que de petites choses d’un peu tout, « plutôt que plusieurs choses extraordinairement bien. Malgré la merveille technologique, l’Apple Watch reste une montre connectée, et personne n’a encore su dire à quoi une montre connectée doit servir ». Il recommande d’acheter un modèle Sport si on est vraiment intéressé par le produit, qui écope d’un 7/10.

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Plus prosaïque, Laureen Goode conclut que d’un point de vue technologique, l’Apple Watch n’est qu’une extension de l’iPhone. La montre d’Apple n’est pas la réponse ultime à tout, et ce n’est pas non plus quelque chose que l’on se passera de génération en génération. « C’est un appareil technologique qui va éprouver des mises à jour logicielles jusqu’à ce qu’un jour, dans plusieurs années, la batterie lithium-ion ne tienne plus la charge et que la montre ne sera plus d’aucun intérêt ».

L’Apple Watch ne changera pas votre vie, écrit Joshua Topolsky. Le produit est cependant « excellent. Apple va vendre des millions de cet appareil, et beaucoup de gens vont l’adorer ou en être obsédés. C’est un fabuleux composant d’un grand écosystème que l’entreprise a patiemment bâti au fil des années ». L’Apple Watch est « la meilleure montre connectée au monde ». En revanche, le constructeur n’a pas encore répondu à toutes les questions. « Voilà un nouvel écran, une autre distraction, une autre manière de déconnecter (l’inverse est aussi vrai). L’Apple Watch est cool, elle est superbe, elle est puissante, et elle est facile à utiliser. Mais elle n’est pas essentielle, pas encore ».

Lance Ulanoff estime lui que l’Apple Watch réussit dans sa tâche principale : faire en sorte que l’iPhone reste dans la poche. « C’est une fonction assez impressionnante. Est-ce que ma vie sera meilleure avec ça ? Il est trop tôt pour le dire. Mais ce qui est certain, c’est que j’apprécie vraiment de la porter ».

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