Apple met parfois des bâtons dans les roues de Siri

Mickaël Bazoge |

« Nous sommes très heureux de voir où en est Apple au niveau de l’innovation », explique Eddy Cue, le grand patron des contenus du constructeur, au Wall Street Journal. L’innovation, c’est « dans notre ADN », martèle-t-il. Pourtant, une des dernières innovations majeures lancées par la Pomme ces derniers années donne depuis quelques temps l’impression de se traîner derrière la concurrence : on parle évidemment de Siri, l’assistant intelligent lancé en 2011 dans la foulée de l’iPhone 4S.

Le quotidien rapporte une anecdote significative : fin 2014, des membres de l’équipe en charge de Siri ont assisté, estomaqués, à la présentation par Amazon d’une petite enceinte contrôlable à la voix. Ce prototype de l’Echo savait isoler les voix dans le brouhaha ambiant, et l’assistant pouvait répondre à des requêtes à distance… Toutes choses que Siri ne maîtrisait pas encore. « L’anxiété des gens chez Apple a monté d’un cran », raconte un des anciens de Siri qui avaient été invités à la sauterie d’Amazon.

Les ingénieurs chargés d’améliorer Siri ont rencontré des difficultés liées à la culture d’entreprise, selon les sources du WSJ. Apple serait passée d’une stratégie à une autre sans pouvoir se fixer des objectifs suffisamment ambitieux, notamment sur l’ouverture aux tierces parties. Sans oublier la protection des données (les recherches Siri récupérées aléatoirement sont supprimées au bout de six mois). De plus, si l’iTunes Store compte de nombreux clients, ce qui permet de piocher dans une mer de données, on est loin des océans d’informations dont jouissent Google et Amazon.

Difficile dans ces conditions d’améliorer l’intelligence de l’assistant, ce d’autant que de nombreuses figures ont quitté l’herbe de Cupertino pour de plus verts pâturages. En 2014, Apple se décide à exploiter des technologies d’apprentissage automatique et des algorithmes pour améliorer Siri. Une « transplantation de cerveau », selon Cue. Apple offre également aux développeurs d’intégrer leurs services dans Siri, mais c’est une ouverture contrôlée : sept catégories d’apps l’an dernier, quatre cette année (dont les notes et les comptes bancaires).

Le HomePod sortira en fin d'année aux États-Unis, en Australie et au Royaume-Uni.

Mais voilà, cela reste encore trop limité par rapport aux portes grandes ouvertes d’Alexa, qui compte plus de 12 000 « skills », ces capacités mises au point par des développeurs. « Les gens sont passés de l’enthousiasme à la déception », explique un développeur. « Les gens réalisent : “Je ne peux pas utiliser [Siri]” ». Ce qui pousse les développeurs à s’intéresser aux assistants concurrents comme Alexa ou Assistant (Google).

Eddy Cue rétorque que les apps compatibles avec Siri sont des choses que l’on fait « tous les jours et qu’on utilise tout le temps ». Un discours entendu lors de la présentation de HomePod, qui embarque un Siri qui ne répondra qu’à des requêtes de certaines catégories (lire : HomePod, une enceinte connectée à la musique). Suffisamment cependant pour la plupart des questions.

Dans un test de 5 000 questions réalisé par Stone Temple, Siri a donné une réponse correcte dans 62% des cas, contre 90% environ pour Alexa et l’Assistant de Google. En revanche, Siri se distingue de la concurrence par son support de 21 langues, contre une toute petite poignée pour Alexa (anglais et allemand) et Assistant (sept langues). Siri répond chaque semaine à près de deux milliards de requêtes.

Accédez aux commentaires de l'article