L’iPhone low cost, c’est l’iPhone loué

Anthony Nelzin-Santos |

Apple c’est l’iPhone et l’iPhone c’est Apple : les analystes guettent logiquement la moindre information concernant le smartphone. Pris comme des lapins dans les phrases, la plupart d’entre eux se sont concentrés sur une confidence de Tim Cook, assurant que 30 % de ceux qui avaient remplacé leur smartphone par un iPhone venaient d’Android. Mais la véritable information n’est pas là.

Non, la véritable information, c’est la manière dont les programmes « de mise à jour » changent la dynamique du marché et la stratégie d’Apple. Depuis plusieurs années, la firme de Cupertino baisse le prix des modèles remplacés pour leur offrir une seconde vie commerciale. Cela n’a jamais aussi bien marché, selon Tim Cook : « nous vendons plus d’iPhone 6 et d’iPhone 6 Plus à prix réduit que nous ne vendions d’iPhone 5s l’an dernier à ce même prix ».

« L’iPhone 6s est l’iPhone que nous vendons le plus », a-t-il ajouté, donnant un rare aperçu de la répartition des ventes. D’après nos informations, l’iPhone 6 Plus est progressivement monté en puissance l’an passé, jusqu’à représenter la majorité des ventes en fin de cycle. Mais ces nouveaux modèles sont chers, surtout dans les capacités nécessaires pour prendre des Live Photos et filmer en 4K, ce qui explique d’ailleurs que les anciens continuent à bien se vendre.

Reste que l’iPhone a toujours été cher, et que cela ne l’a jamais empêché de se vendre. Il y a encore quelques années, la subvention opérateur et les forfaits avec engagement permettaient de lisser le coût de l’acquisition sur 12 ou 24 mois. Ce modèle a fait le succès de l’iPhone, mais l’a inscrit dans de longs cycles conditionnant la croissance d’Apple et limitant sa capacité à innover aussi rapidement que ses concurrents asiatiques.

Et puis les opérateurs ont baissé leurs subventions, voire les ont abandonnées. Concentrée sur le marché américain, la firme de Cupertino a peut-être tardé à réagir : l’arrivée de Free Mobile en France lui a ainsi coûté une demi-douzaine de points de parts de marché. La succession de l’iPhone 4s, de l’iPhone 5, et de l’iPhone 5s a pourtant montré que les nouveautés pouvaient s’affranchir du rythme imposé par les engagements. Mais le succès en demi-teinte de l’iPhone 5c a aussi montré les limites de la structure tarifaire de la gamme.

Entrent les programmes « de mise à jour » : ils permettent d’acquérir un iPhone sans avancer le moindre centime, et de le changer chaque année pour une somme modique. Proposés dans une douzaine de pays, ils offrent les mêmes avantages que les anciens contrats, sans l’inconvénient de l’engagement. Cette fluidité fait dire à Tim Cook que « les programmes “de mise à jour” commencent à ressembler à des abonnements »le programme lancé par Apple cette année n’est pas loin d’être une offre de location avec assurance incluse.

« Nous pensons que [ces programmes] réduiront la durée des cycles de renouvellement », affirme Tim Cook, en laissant entendre qu’Apple est prête à accompagner le mouvement, si ce n’est pas le renforcer. La campagne de promotion de l’iPhone 6s donne d’ailleurs le ton : rien ne semble avoir changé d’une année sur l’autre, mais tout a changé ou presque, en tout cas suffisamment pour justifier un renouvellement annuel.

À entendre un Tim Cook qui oublie soudainement ses préoccupations écologiques et morales, il n’y aurait aucune raison de se priver, puisque le prix global n’est plus un objet. Ces programmes « permettent de descendre à des prix [qu’Apple] ne pouvait atteindre seule », dit-il, « ce qui participera à la progression du chiffre d’affaires des services » par une plus grande utilisation de l’App Store et d’Apple Music. L’iPhone finit lui-même par devenir un service, une belle conclusion pour un appareil qui n’a jamais été rien d’autre qu’une feuille blanche sur laquelle dessiner des applications et concevoir des usages.

Reste que pour le moment, ces programmes « de mise à jour » ne représentent qu’« un tout petit pourcentage des ventes », de l’aveu du directeur financier d’Apple. Mais Tim Cook prévient : leur effet commencera à se faire sentir dans le courant de l’année prochaine, et Apple ne compte pas manquer le tournant cette fois. Voilà qui pourrait changer la manière dont l’iPhone évolue dans les prochaines années.

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