Faut-il s'inquiéter de l'augmentation du DAS de l'iPhone 7 ?

Anthony Nelzin-Santos |

Plusieurs d’entre vous se sont inquiétés, dans les commentaires ou par e-mail, de la valeur du DAS de l’iPhone 7. Alors que l’iPhone 6s et l’iPhone 6s Plus affichaient un DAS de 0,87 W/kg et 0,93 W/kg, et que l’iPhone SE est mesuré à seulement 0,72 W/kg, l’iPhone 7 et l’iPhone 7 Plus sont donnés à 1,38 W/kg et 1,24 W/kg. Faisons un point sur le sujet.

Pourquoi le DAS de l’iPhone a-t-il augmenté ?

C’est une bonne question. Nous l’avons donc posée à Apple, mais la firme de Cupertino n’a pas souhaité nous répondre. Le nouvel arrangement des antennes n’y est sans doute pas étranger, mais il n’explique pas tout. Le DAS peut diminuer ou augmenter pour des raisons beaucoup moins évidentes : il est ainsi passé de 0,93 W/kg sur l’iPhone 6 à 0,87 W/kg sur l’iPhone 6s.

Ces deux téléphones sont très similaires, mais pas identiques : l’iPhone 6 possédait un modem Qualcomm MDM9625M LTE-A cat. 4 à 150 Mbit/s, alors que l’iPhone 6s embarque un modem Qualcomm MDM9635M LTE-A cat. 6 à 300 Mbit/s. Les modems et les émetteurs-récepteurs ont un impact limité mais direct sur le niveau d’émission, qui varie d’ailleurs selon le type de réseau ou les bandes utilisés. L’iPhone 7 en fournit un bon exemple.

Le modèle conçu pour les États-Unis et la Chine intègre un modem Qualcomm MDM9645M, tandis que le modèle « international » embarque un modem Intel XMM7360 (les deux prennent en charge la LTE-A cat. 12 à 450 Mbit/s, mais seule la puce Qualcomm est compatible avec les réseaux CDMA utilisés hors de l’Europe). Et le modèle sino-américain est donné à 1,37 W/kg, tandis que le modèle européen affiche cette fameuse valeur de 1,38 W/kg qui fait tant parler, 0,04 W/kg de plus que le modèle spécifique au Japon.

La carte-mère de l’iPhone 7, sur laquelle on trouve un modem Qualcomm ou Intel selon les modèles. Image CC BY-NC-SA iFixit.

Reste que les antennes forment la variable la plus importante de l’équation : leur position, leur conception, leur géométrie et bien d’autres aspects déterminent la manière dont l’iPhone se connecte au réseau. À ce titre, il est intéressant de constater que le rapport entre le petit et le grand iPhone s’est inversé : alors que l’iPhone 6s et l’iPhone 6s Plus affichaient un DAS de 0,87 W/kg et 0,93 W/kg, l’iPhone 7 et l’iPhone 7 Plus sont mesurés à 1,38 W/kg et 1,24 W/kg.

Mais au fait, c’est quoi, le DAS ?

Le « débit d’absorption spécifique » indique le taux auquel l’énergie d’un champ électromagnétique dans les radiofréquences est absorbée par les tissus humains, exprimé en watt par kilogrammes. Le DAS est notamment utilisé en médecine, pour mesurer l’exposition pendant un examen IRM par exemple, et en téléphonie, pour mesurer l’exposition pendant l’utilisation d’un téléphone portable.

Cette mesure diffère selon le type d’appareil et les normes employées. La plupart des pays anglo-saxons suivent les recommandations américaines, et mesurent l’exposition d’un gramme de tissu, alors que les pays européens mesurent sur dix grammes de tissu. En découlent deux normes, dont les mesures ne sont pas directement comparables :

  • la FCC et la plupart des régulateurs à travers le monde exigent que les téléphones possèdent un DAS inférieur à 1,6 W/kg ;
  • le CENELEC et les régulateurs européens exigent que les téléphones possèdent un DAS inférieur à 2 W/kg.

Ces mesures sont toutefois réalisées dans des conditions similaires : elles doivent simuler « les pires conditions d’utilisation dans toutes les bandes de fréquence » dans lesquelles l’appareil opère, pour citer les mots de la FCC. Seule la valeur la plus élevée, que l’appareil ne devrait jamais excéder en usage normal, est retenue.

Comment le DAS est-il mesuré ?

Les détails de la mesure du DAS varient selon la norme employée, mais le cadre général est le même partout. Le téléphone est d’abord configuré pour atteindre son plus haut niveau d’émission, puis placé dans une enceinte dédiée à la mesure des champs électromagnétiques. On y trouve des modèles standardisés de tête et de corps, remplis d’un gel « absorbant » les radiofréquences de la même manière que les tissus humains.

Le téléphone est placé dans diverses positions et à diverses distances des modèles, selon les spécifications des normes, et plusieurs mesures sont relevées à des points précis de la tête et du corps, là encore selon les spécifications des normes. Certaines mesures sont plus importantes que d’autres, car ce sont les deux mesures qui sont généralement communiquées au public :

  • celle réalisée contre la tête, qui simule une utilisation active, pendant un appel par exemple ;
  • et celle réalisée à 5 mm du corps, qui simule une utilisation plus passive, lorsque le téléphone est rangé dans une poche de veste par exemple.

Est-ce que cette mesure est fiable ?

Les mesures sont réputées fiables, mais il n’est pas certain qu’elles soient toujours représentatives. La mesure « près du corps » n’est sans doute pas aussi utile que serait une mesure « collée au corps », qui simulerait le rangement somme toute courant d’un téléphone dans une poche. Surtout, une « mesure du pire » n’est sans doute pas aussi utile que serait une moyenne d’exposition.

Les tests sont réalisés par les fabricants eux-mêmes, et sont rarement vérifiés par les autorités sanitaires. Même en partant du principe que les fabricants de téléphones sont plus honnêtes que les fabricants automobiles, l’opacité de la procédure pose problème, car elle occulte d’éventuels accidents statistiques et surtout empêche d’avoir une idée du niveau typique d’exposition lors d’une utilisation normale.

La valeur de 1,38 W/kg est donc purement indicative ?

Le DAS n’est rien d’autre qu’un indice. Il n’est pas inutile : il indique clairement que l’iPhone 7 peut émettre à une puissance bien plus élevée que ses concurrents et que la plupart de ses prédécesseurs. Mais il n’est pas l’alpha et l’oméga : il ne dit rien de l’avantage procuré par les antennes externes à reconfiguration dynamique employées par Apple, ou du bénéfice apporté par la détection de réseau assistée par Wi-Fi et GPS.

L’iPhone a toujours eu un DAS comparativement élevé, à l’inverse des smartphones de Samsung. Cette année toutefois, la palme revient à Huawei.

La FCC met d’ailleurs en garde contre la tendance à comparer les smartphones sous le seul biais du DAS, sans prendre en compte leurs spécifiés techniques et l’environnement dans lequel ils seront utilisés :

[…] les petites différences de DAS entre des modèles particuliers de téléphones ne sont pas un élément fiable pour comparer l’exposition des consommateurs aux radiofréquences, étant donné la variabilité de l’usage individuel.

L’endroit où vous utilisez votre téléphone, la manière dont vous le tenez, l’opérateur chez lequel il est connecté, et bien d'autres facteurs modifient considérablement votre niveau d’exposition. Le DAS ne rend pas compte de cette diversité des usages.

Donc l’augmentation du DAS de l’iPhone n’est pas vraiment grave ?

C’est… compliqué. Les effets des radiofréquences émises par les téléphones portables sont difficilement quantifiables : la littérature scientifique sur le sujet n’a pas d’avis arrêté, et les premières études épidémiologiques à long terme ne sont pas concluantes (et comment pourraient-elles l’être, alors que les normes cellulaires changent régulièrement, et que nous baignons dans les ondes radio à longueur d’année ?).

L’OMS résume la situation de manière laconique : « il n’a jamais été établi que le téléphone portable puisse être à l’origine d’un effet nocif pour la santé. » Mais tout le monde s’accordera pour dire qu’il vaut sans doute mieux limiter son exposition. L’« absence de certitude scientifique » ne doit pas empêcher le principe de précaution — au contraire, c’est sa principale motivation.

Mais alors, que faire ?

Le niveau d’exposition diminue en même temps que la distance à l’émetteur augmente : il vaut mieux ranger son iPhone dans son sac que dans sa poche. Le niveau d’émission est directement lié aux conditions de connexion : il diminue pendant un appel (puisque le téléphone est connecté au réseau), mais augmente sensiblement pendant un déplacement rapide (puisque le téléphone doit constamment changer de cellule).

Dans le train ou dans les zones mal couvertes, et évidemment la nuit, mieux vaut donc utiliser le mode avion. Évitez les étuis contenant des pièces métalliques, et dans l’absolu, vous devriez toujours utiliser votre casque pour…

…mais l’iPhone 7 n’a pas de prise jack !

À force de le répéter, on va finir par le savoir ! Apple n’a pas d’autre choix que de fournir « un accessoire permettant de limiter l’exposition de la tête aux émissions radioélectriques lors des communications » (article L34–9 du Code des postes et des communications électroniques), autrement dit un micro-casque. L’iPhone 7 est ainsi fourni avec une paire d’écouteurs Earpods à prise Lightning.

L’iPhone a toujours eu un DAS comparativement élevé, mais l’iPhone 7 atteint des sommets qui n’avaient pas été vus depuis l’iPhone 3G.

Dans le même temps, Apple incite fortement ses clients à couper le cordon, or les écouteurs Bluetooth émettent eux-mêmes des radiofréquences. L’expérience montre que les niveaux sont très faibles, mais avec une montre connectée au poignet et un smartphone en bandoulière, les chiffres s’additionnent.

Même si le DAS de l’iPhone 7 était plus bas, le futur sans fil voulu par la firme de Cupertino pose des questions de santé publique. Il serait de bon ton qu’Apple communique sur le niveau d’émission des AirPods, comme elle le fait pour l’Apple Watch et même pour les Mac récents, ne serait-ce que pour rassurer les utilisateurs les plus sensibles à la question.

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