12 couvertures de TIME faites à l'iPhone 5 jusqu'à l'iPhone 7

Florian Innocente |

46 photos de femmes « qui changent le monde » dont 12 qui ont été réutilisées pour autant de couvertures du dernier TIME Magazine. Point commun à ces photographies, elles ont été prises avec des iPhone, l'outil de prédilection de Luisa Dörr, une photographe brésilienne de 29 ans repérée sur Instagram.

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Kira Pollack, directrice de la photographie chez TIME, raconte l'avoir découverte par hasard sur le réseau social et avoir apprécié la constance artistique de ses photographies et de son travail. « 100 % fait sur iPhone » proclame la bio Instagram de la jeune artiste.

Une cohérence qui correspondait avec le projet en cours chez TIME, baptisé "FIRST", d'un portfolio et d'une série de portraits de femmes qui ont toutes, dans leur discipline et leur carrière, été des pionnières. Cela va de Madeleine Albright à Hillary Clinton en passant par Melinda Gates, Serena Williams, Selena Gomez, Sheryl Sandberg (numéro 2 de Facebook) ou Mary Barra (directrice générale de General Motors). Pour sa première commande d'un média américain et son premier voyage aux États-Unis, Luisa Dörr est arrivée à New York avec son iPhone et une valise sous le bras. Elle en est repartie avec, d'un coup d'un seul, 12 couvertures de TIME à son actif !

Dans le making-off de ces portraits, Luisa Dörr explique avoir commencé avec l'iPhone 5 en 2012. Il lui servait en quelque sorte de petit appareil photo en complément à son appareil principal. Au fil du temps les rôles se sont inversés.

J'ai fini par avoir toujours avec moi un appareil photo dans la poche au lieu de n'en transporter un que les jours où je devais travailler pour des commandes. D'un coup j'étais en mesure de faire de très bonnes photos partout et tout le temps, sans ce stress d'avoir à charrier une sacoche remplie d'objectifs, de cartes et de batteries.

Elle souligne la nature moins intrusive vis-à-vis du sujet photographié d'un smartphone plutôt qu'un gros réflex « C'est un peu comme si je pouvais faire des photos avec ma main. Il n'y a pas de distraction, de gadgets, de matériels, d'accessoires — juste le sujet et moi ». Le but était d'obtenir l'inverse de ces portraits très travaillés, qui peuvent rendre ces personnes très distantes sur l'image. Il s'agissait pour ce portfolio d'établir une forme de proximité entre le lecteur et ces femmes aux parcours exceptionnels « J'ai du mal à me sentir inspirée par le portrait d'une personne qui me paraît inaccessible ».

Ces portraits sont par conséquents assez classiques dans leur forme et ont été réalisés en lumière naturelle, avec peu de moyens techniques sinon le concours d'un banal réflecteur lorsque c'était nécessaire.

Avec Hillary Clinton
Avec Serana Williams

Certaines des femmes photographiées se sont montrées surprises par la jeunesse de leur photographe, par la simplicité de son équipement et l'absence d'une cohorte d'assistants.

Chaque séance photo a pris environ 10 minutes, la plus courte a été de 2 minutes seulement, la plus longue de 20 minutes. La photographe pouvait rapidement montrer le résultat à son sujet, de manière à la rassurer.

Ce projet, publié cette semaine dans TIME, a été lancé il y a un an. Luisa Dörr n'a pas travaillé avec le dernier cri des iPhone. Le premier portrait, celui de Mary Barra, a été fait avec un iPhone 5 puis la photographe a enchaîné avec un 6s et un 6s Plus. Les 36 dernières photos sur un total de 46 ont été faites avec un iPhone 7 (pas le 7 Plus) qui venait juste de sortir alors qu'elle bouclait cette commande.

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Luisa Dörr utilise l'app "Appareil photo" standard d'iOS et le format carré proposé par l'app. Pour certains portraits elle avait activé le mode HDR automatique. Cette expérience inédite pour TIME fait écho à un précédent pour le magazine Billboard au début de l'année. Son directeur artistique avait voulu tester l'emploi d'un iPhone 7 Plus avec son mode portrait et commandé un reportage au photographe Miller Mobley.

Ce dernier avait raconté son expérience, faite de points positifs mais aussi de multiples contraintes. Un smartphone, si doué soit-il, ne peut rivaliser en tout avec un puissant réflex lorsque la lumière manque. Mais on peut l'emmener dans l'eau… Le mode portrait, alors inauguré, pouvait réserver de mauvaises surprises comme celle d'obliger le photographe à ne pas bouger alors qu'un reflex sera moins pointilleux.

Une couverture de Billboard réalisée à l'iPhone 7 et son mode portrait en février Cliquer pour agrandir

Et puis, si prendre des photos avec un téléphone est devenu d'un banal absolu, un smartphone doit encore faire son trou et convaincre en milieu professionnel : « Si un client vous paye plusieurs milliers de dollars et que vous arrivez avec un iPhone, ça ne va pas le faire », déclarait Miller Mobley. Il n'était pas mécontent du résultat, toutefois l'iPhone restait pour lui un appareil complémentaire à ses outils habituels.

Cependant, peut-être qu'au fil du temps et de l'arrivée d'une nouvelle génération de photographes qui auront été biberonnés à Instagram et aux smartphones, cette manière de travailler se banalisera davantage encore. À défaut de complètement s'imposer face aux possibilités techniques des appareils numériques traditionnels. Ce qui amène une autre question, jusqu'à quand les performances supérieures des réflex resteront un avantage face aux smartphones qui peuvent devenir synonymes de commandes plus rapides à exécuter voire moins onéreuses ?

Pour la directrice de la photo de TIME, ces prises de vue à l'iPhone ont pu paraître désarmantes pour les sujets photographiés mais elles ont eu comme bénéfice de ramener ce travail à l'essentiel :

L'iPhone est devenu à ce point évident et partout présent dans notre culture, à ce point indispensable dans la manière dont nous communiquons, que nos sujets, je pense, étaient au départ surpris que quelque chose d'aussi courant soit utilisé pour quelque chose d'aussi particulier que des portraits de TIME. Mais un outil aussi universel a apporté quelque chose de rafraîchissant et d'apaisant lors de chacune des séances. Il permet à ces prises de vue de se concentrer beaucoup plus sur "l'acte" de capter, dans un portrait, les gestes, le regard, tout ce que le moindre mouvement du corps peut révéler à propos de quelqu'un.

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