Comment les Apple Store remplacent les batteries d'iPhone

Florian Innocente |

En l'espace de 24h, deux Apple Store en Suisse et en Espagne ont été obligés d'évacuer temporairement leur personnels et clients à la suite de dégagements de fumée consécutifs à des surchauffes de batteries qui étaient en train d'être manipulées dans les ateliers de réparation.

La boutique Calle Colón de Valence où un cas de batterie en surchauffe s'est produit ce mercredi

Un hasard de calendrier malheureux alors que la thématique des batteries colle aux baskets d'Apple depuis quelques semaines et qu'elle est en pleine opération mondiale de leur remplacement dans quantité d'iPhone.

Deux techniciens travaillant en Apple Store, et rompus à cet exercice de SAV, nous ont expliqué comment cette opération était effectuée. Elle n'a rien d'extraordinaire en soi, elle est même plutôt courante, mais elle reste entourée de précautions. Comme l'ont montré ces deux mésaventures — le technicien en Suisse a été légèrement brûlé à la main — une batterie n'est pas un composant comme un autre, il n'est pas passif.

Le contexte médiatique et la concomitance de ces deux événements leur ont donné un certain écho, mais si de tels incidents ne sont pas inédits, ils sont heureusement assez rares. L'un de nos contacts a été témoin de deux cas en quelques années et l'autre, indirectement, de quatre ou cinq sur une période plus longue. Apple n'a d'ailleurs adressé en interne, cette semaine, aucune information particulière ou rappel général des consignes de sécurité à ses techniciens.

Consignes de sécurité

Les réparations en Apple Store sont réalisées dans des pièces dédiées et ces ateliers disposent de leur propre système de ventilation, capable d'évacuer un dégagement impromptu de fumées toxiques, comme l'explique l'un de nos interlocuteurs :

S’il y a emballement thermique, les vapeurs toxiques ne gênent pas le reste du magasin. On dispose de récipients avec du sable pour étouffer ces surchauffes.

Le versement du sable de quartz, à portée de main dans des containers, est la première consigne de sécurité à appliquer, comme ce fut fait en Suisse. Deux fois par an environ, le personnel concerné est contrôlé sur ses bonnes connaissances des gestes de sécurité, et à écouter l'un des deux, on peut être très vite disqualifié en cas de réponse erronée. Les remplacements se font avec les précautions habituelles : port de lunettes de protection, branchement du bracelet au tapis ESD pour éviter toute détérioration sur l’appareil du client.

Batteries abîmées

Plusieurs facteurs peuvent conduire à un dysfonctionnement de la batterie et sa surchauffe, un exemple parmi d'autres :

Un client peut avoir un écran cassé et un morceau de verre se sera glissé à l’intérieur du boîtier et fera pression sur la batterie, puisque l’écran appuie dessus. À l’ouverture du téléphone, le morceau de verre peut bouger et si de l’oxygène entre en contact avec le lithium dans la batterie, ça prendra feu. Ça démarre avec une fumée et de légères étincelles mais si on réagit vite et qu’on verse le sable sur la batterie pour étouffer toute pénétration d’oxygène, on contrôle l’emballement. Après, la batterie est placée dans un sachet hermétique placé dans une boîte sous de la sciure de bois, puis dans un coffre.

Des chocs ou chutes répétées peuvent également abîmer physiquement la batterie et la rendre plus fragile que de normale aux manipulations. Il peut arriver alors que la pièce devienne trop difficile à décoller du châssis :

La procédure Apple est simple : si le technicien n’arrive pas à retirer les languettes qui collent la batterie au boîtier du téléphone (quand on commence à retirer la languette il est possible que celle-ci se casse) on doit remplacer le téléphone du client au même prix que le remplacement d’une batterie, explique l'un, et l'autre technicien de confirmer : si on n’arrive pas à ôter une batterie normalement, on ne va pas forcer et prendre le risque de la plier et de la percer. Dans ce cas, on remplace le téléphone complet au prix de la réparation de la batterie.

Ce remplacement du téléphone, préféré à un acharnement sur sa batterie, ne vaut que si celle-ci est une pièce d'origine. Si le technicien, après l'ouverture de l'iPhone, constate que la pièce n'est pas estampillée Apple, il referme le téléphone. Une politique qui peut être occasionnellement transgressée sur décision du responsable du service technique (le Lead Genius), explique l'un de nos contacts, mais c'est au cas par cas et ce n'est pas la norme. Son collègue complète :

On ne touche plus un téléphone qui a une batterie d'une autre origine. C’est la seule pièce pour laquelle ça s'applique. Ceci, pour des raisons de sécurité. On ne connaît pas la batterie, on ne sait pas comment elle va réagir à l’extraction ou encore à l’envoi et à son traitement. Et les contrats et assurances d’Apple avec les prestataires externes ne permettent pas de prendre en charge ces batteries.

Crédit : iFixit Cliquer pour agrandir

« Sur des batteries originales Apple il est quasiment impossible de créer un emballement thermique avec nos processus, car l’emballage de la batterie est de très bonne qualité » ajoute l'autre technicien.

C'est la principale question qui est en suspens dans les deux cas de Zurich et de Valence : s'agissait-il de batteries Apple ou installées par des tiers non agréés ? Ou y-a-t-il eu tout bêtement une erreur de manipulation. Dans le cas de la Suisse c'est apparement au moment de son extraction que la batterie s'est emballée.

Les techniciens sont fréquemment confrontés à des iPhone dont le contenu a connu des modifications exécutées en dehors du circuit d'Apple et de ses partenaires : « Malheureusement, une batterie à 20 € dans le commerce ne dispose pas de la même enveloppe de protection que celles d’Apple, elles sont beaucoup plus sujettes à des risques de surchauffe en cas de manipulations ».

Certains clients peuvent oublier, plus ou moins volontairement, de préciser qu'ils ont déjà fait changer leur batterie par des voies pas très catholiques, mais cela se verra immanquablement une fois le téléphone ouvert. « C’est donc totalement inutile et contre-productif de le cacher » soupire l'un des deux techniciens.

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