DAS : exigences renforcées et coopération d'Apple attendue

Stéphane Moussie |

À la suite de la publication d'un rapport de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) sur le débit d’absorption spécifique (DAS), cette mesure indicative de la quantité d’énergie véhiculée par les ondes électromagnétiques émises vers l’utilisateur par un appareil, plusieurs actions vont être prises par le gouvernement pour « limiter l’exposition aux émissions de certains téléphones mobiles et mieux informer le public. »

Le baiser de JuDAS

Sans être alarmiste, le rapport détaillé de l'ANSES, qui recommande un principe de précaution, pointe « avec des éléments de preuve limités, des effets biologiques, en particulier sur l’activité cérébrale liée à des expositions supérieures à 2 W/kg [la limite légale en Europe, ndr]. »

Dans ce contexte, la France va demander à la Commission européenne de renforcer les exigences concernant les nouveaux téléphones mis sur le marché. Concrètement, il s'agirait de réaliser les mesures au contact de l’appareil, et non à 5 mm comme c’est le cas actuellement, afin que les résultats soient plus représentatifs de l'exposition réelle des utilisateurs.

Trois types de DAS sont mesurés. Image ANFR.

Deuxième action annoncée, obtenir des « principaux constructeurs » l'engagement de fournir des mises à jour logicielles réduisant le DAS de smartphones mis sur le marché avant l’application des normes récentes.

Next INpact relève qu'il y a des dizaines, voire des centaines, de vieux smartphones qui dépassent allègrement la nouvelle recommandation de l'ANSES, qui est de ne pas dépasser les 2 W/kg au niveau du tronc, avec une mesure au contact. L'iPhone 5, par exemple, est légalement dans les clous (1,453 W/kg à 5 mm du tronc), mais il dépasse largement la préconisation s'il est mis au contact du corps (5,321 W/kg) — préconisation qui n'est donc pas (encore) une obligation légale.

Données ANFR

L'efficacité de cette action soulève des interrogations. Il est question d'une « démarche volontaire » de la part des fabricants, sans contrainte donc, concernant des smartphones qui ne sont par ailleurs plus mis à jour depuis des années. Quand bien même un fabricant serait volontaire, il n'est pas assuré qu'une simple mise à jour logicielle suffise pour approcher la recommandation.

Open Barres, sauf sur iPhone

Les deux autres actions du gouvernement concernent l'Agence nationale des fréquences (ANFR). L'organisation, qui contrôle le DAS d'une centaine de smartphones par an, va être amenée à en examiner 30 % de plus à partir de 2020.

L'agence a aussi récemment publié la version 2.0 de son application Open Barres, qui permet de diagnostiquer en temps réel l'état de son réseau mobile, et par extension le niveau de réception de champs radioélectrique.

Il faut en effet savoir que lorsque l'on « capte » bien, le DAS réel émis par le téléphone est bien plus faible que le DAS maximal. À l'inverse, quand la connexion au réseau est moins bonne, le DAS du téléphone augmente. La puissance de réception du signal est exprimée en dBm : à -121 dBm la réception est médiocre, à -51 elle est excellente.

Application Open Barres sur Android. Ici, la réception est médiocre.

Open Barres permet donc de prendre connaissance facilement de cette information ainsi que de contribuer à la base de données de l'ANFR, qui sert entre autres à identifier les points de brouillage et détecter les mises en service des antennes déclarées par les opérateurs.

Autant l'application fonctionne très bien sur Android, autant l'ANFR fait face à un problème de taille sur iOS : il est tout bonnement impossible de la faire fonctionner sur iPhone dans l'état actuel des choses. L'agence a indiqué à Next INpact que l'embûche vient de l'accès aux API permettant de mesurer le signal. Elle dit avoir pu en utiliser une non documentée pendant la phase de développement de l'app iOS, mais cette API privée n'est plus accessible — de toute façon, Apple interdit l'utilisation d'API privées sur l'App Store.

Quoi qu'il en soit, la seule solution selon l'ANFR est de demander une autorisation à Apple. La balle est donc dans le camp de Cupertino. Notez que vous pouvez tout de même connaître la puissance de réception du signal sur votre iPhone, mais c'est moins simple qu'installer une app spécialisée.

Ouvrez l'application Téléphone, saisissez *3001#12345#* et appuyez sur le bouton d'appel. Un menu contenant de nombreuses informations techniques s'ouvrira alors. Pour consulter les dBm, c'est ici : LTE > Serving Cell Meas > rsrp1 / rsrp0.

DAS Auto

Enfin, dans l'objectif de mieux informer le public, un décret publié le 17 novembre étend l’obligation d’affichage du DAS à l’ensemble des équipements radioélectriques qui ont vocation à être utilisés à proximité du corps humain : téléphones, tablettes, montres connectées…

Cette obligation entrera en vigueur le 1er juillet 2020. À compter de cette date, Apple, par exemple, sera obligée de communiquer le DAS de l'Apple Watch, ce qu'elle ne fait pas actuellement (mais que d'autres font à sa place, comme Orange, qui précise que le DAS de la Series 5 Cellular est 0,34 W/Kg).

Bannière publicitaire pour l'Apple Watch sur le site d'Orange.

L'ANFR précise que les valeurs du DAS devront figurer dans la notice d’emploi ainsi qu'à proximité immédiate de l'appareil sur son lieu de vente. L’obligation s’applique également dans toute publicité.

Le gouvernement rappelle des « bons comportements », pas toujours faciles à appliquer, pour réduire son exposition aux radiofréquences lorsqu'on utilise son téléphone :

  • utiliser un kit main-libre ;
  • privilégier les messages texte pour communiquer ;
  • privilégier les zones de bonne réception ;
  • éviter de maintenir votre téléphone à l’oreille dans les transports ;
  • choisir un téléphone mobile ayant un débit d’absorption faible ;
  • éviter les conversations trop longues.
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