Gizmodo à Steve Jobs : « nous n'avons rien à perdre »

Anthony Nelzin-Santos |

La cour du conté de San Mateo, en charge de l'affaire opposant la maison-mère de Gizmodo à Apple sur la question du supposé prototype d'iPhone 4G, a aujourd'hui rendu public un certain nombre de documents (dont certains par erreur) qui permettent d'en apprendre plus sur cette affaire.

L'essentiel de l'affaire y est confirmé : le toujours supposé prototype d'iPhone, même s'il ne reste plus grand doute sur son statut, a bien été perdu par un ingénieur d'Apple, Gray Powell, dans un bar. Il l'avait en fait posé sur son sac, et quelqu'un aurait bousculé ce sac, faisant tomber le prototype.

C'est le patron du bar qui a trouvé l'iPhone. Pensant que ce téléphone, protégé par une coque, était tout à fait normal, il l'a confié à Brian Hogan. Celui-ci a très vite reconnu un prototype, mais après l'avoir branché à son ordinateur, le téléphone a été désactivé à distance.

Le témoignage de la colocataire de Hogan établit clairement sa responsabilité : elle a tenté de convaincre Hogan de ne pas vendre l'iPhone, arguant qu'il pourrait détruire la carrière de Gray Powell, mais celui-ci aurait répondu : « [Désolé] pour lui. Il a perdu son téléphone. Il n'aurait pas dû perdre son téléphone ». Cette phrase le fait, a priori, entrer dans le cas d'un vol selon la loi californienne, comme le note l'inspecteur Matthew Broad, en charge de l'enquête.

Gizmodo, par l'intermédiaire de sa maison-mère Gawker, a payé 5.000 $ en billets de 100 $ pour acquérir l'iPhone des mains de Brian Hogan, lui promettant un bonus si ce modèle s'avérait être celui qui sortira le mois prochain. Reste à savoir si Gizmodo savait comment Hogan était entré en possession de l'iPhone : Jason Chen reste pour le moment suspect, mais pas encore coupable. Hogan aurait par ailleurs reçu 2.500 $ d'un autre blog.

La colocataire de Hogan a décidé de coopérer pleinement avec les autorités. Elle indique ainsi que le jeune ayant trouvé l'iPhone a tenté de camoufler des preuves, cachant son ordinateur, une carte mémoire et une clef USB, ainsi que des autocollants du prototype dans des endroits aussi incongrus qu'une église, un buisson et un parking de station à essence.

Lors de l'enquête, l'appartement de Jason Chen a été fouillé. Plusieurs médias s'en étaient offusqués, arguant que celui-ci étant journaliste, il était protégé par le 1er amendement. En effet, la justice américaine savait que Jason Chen était blogueur, le juge Clifford Cretan le notant même dans son mandat pour justifier la perquisition et la saisie de son matériel informatique. Il a apparemment considéré qu'un blogueur n'était pas un journaliste — le genre de choses qui pourrait très bien remonter jusqu'à la Cour Suprême pour être tranché, tant la question est critique pour le journalisme aux États-Unis.

Enfin, on apprend que Steve Jobs en personne se serait fendu d'un coup de téléphone pour demander le retour de l'appareil au bercail, sans préciser son statut. Ce qui a valu une réponse culottée de la part de Brian Lam, un autre rédacteur de Gizmodo, par courriel : « je comprends votre position, et je veux aider, mais je ne peux rendre le téléphone sans avoir confirmation officielle de la part d'Apple qu'il est vrai ».

Il se plaint des relations presse d'Apple, « froides », l'obligeant à dénicher des scoops là où ils sont. « Nous n'avons rien à perdre », continue-t-il : « je veux vous rendre ce téléphone aussi vite que possible […] mais je dois publier cet article sur ce prototype, la manière dont il vous a été rendu, avec la confirmation qu'il vient bien d'Apple ».

Un chantage à l'information qui est pour le moment en défaveur de Gizmodo, qui a dû rendre le téléphone, et n'a pas obtenu de confirmation officielle, même si toute cette affaire en elle-même en est une.

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