Daniel Ek : « Spotify n'a pas à être le numéro 1 pour réussir »

Florian Innocente |

« Je ne crois pas qu’il faille être le numéro 1 pour réussir. Pour moi, le principal est d’être dans le top 3 » a déclaré Daniel Ek, le cofondateur et patron de Spotify, dans sa première interview depuis l’annonce d’Apple Music « Mais pour le moment, nous avons un avantage dans le sens où nous sommes les premiers sur la musique. Il est clair que notre ambition est de le conserver et de ne pas le céder à quiconque. »

Daniel Ek - Spotify

Dans un entretien accordé au journal suédois Dagens Industri, il voit l’arrivée d’Apple comme la confirmation la plus éclatante que Spotify avait raison depuis le début en misant sur le streaming.

Je suis surpris que ça leur ait pris autant de temps. Mais il y avait certainement une bonne raison. Je vois cela comme la meilleure validation de ce que nous disons depuis sept ans. L’avenir est à la musique en streaming.

Le PDG évite toute comparaison de fonctions entre Spotify et Apple Music puisqu’il n’a pas pu l’essayer lui-même, comme personne d’ailleurs. Au soir de l’annonce, il avait envoyé un petit tweet ironique — « Oh. Ok » — avant de le retirer.

Il n’aborde pas non plus le sujet de la grille tarifaire qui met la solution d’Apple à égalité de la sienne lorsqu’on prend un abonnement pour une seule personne, mais qui place Spotify en retrait dès lors que plusieurs clients partagent un compte (lire iOS 8.4 dévoile les tarifs en euros d’Apple Music).

Son propos consiste à prendre acte que la compétition passe à un tout autre niveau, tout en insistant sur l’aspect positif d’Apple Music. Oui, c’est un acteur de premier plan qui entre sur le terrain mais ce terrain est vaste et il y a assez de place pour que plusieurs services cohabitent, assure Daniel Ek.

Ce serait facile de dire qu’il y aura un gagnant et un perdant, que c’est une question de vie ou de mort. Je ne vois pas les choses sous un angle aussi dramatique. Il y aura plusieurs acteurs, situés à différents endroits de la chaine de valeur. Apple sera l’un d’entre eux, Google sera l’un d’entre eux. Ce que je trouve amusant c’est de voir qu’une société suédoise est engagée dans cette partie et qu’elle la mène.

Apple va participer à populariser plus encore le streaming, espère Daniel Ek. Une antienne maintes fois entendue lorsque la Pomme arrive sur un nouveau marché. Ses concurrents, du moins les plus malins d’entre eux, déclarent qu’ils vont profiter de ce coup de projecteur au lieu d’en souffrir.

Il est clair que c’est un acteur majeur qui entre sur notre marché, mais ce marché se mesure en milliards. Si l’on se compare aux autres protagonistes, nous sommes petits. Nous ne sommes pas en train de dire que l’on va se prendre des parts de marché les uns aux autres, ce que l’on dit c’est qu’il y a moyen d’élargir encore ce marché. Je crois qu’Apple peut faire acte de pédagogie dans ce secteur et que nous grossirons nous aussi.

Daniel Ek n’a pas précisé ce qu’il entendait faire des 526 millions de dollars qu’il a levés cette semaine auprès de ses investisseurs (la valorisation de sa société atteint maintenant 8,5 milliards d’euros), sinon pour dire que « la croissance, la croissance et encore la croissance » est son seul et unique objectif.

Spotify a grand besoin d’argent frais. Le service compte 20 millions d’abonnés payants (pour 75 millions d’utilisateurs mensuels), mais il n’est pas rentable : en 2014, l’entreprise a perdu 165 millions de dollars soit 65% de plus que l’an dernier. De 70 à 80% de son chiffre d’affaires part dans les poches des maisons de disques, des ayants droit, des éditeurs. En face, Apple arrive avec un service qui sera préinstallé dans tous ses iPhone et iPad qu’elle vend à raison de plusieurs dizaines de millions d’unités chaque trimestre.

Au bout du compte, Apple valide toute la stratégie de Spotify autour du streaming. Un mode de diffusion qui s’impose aujourd’hui, observe Daniel Ek, qui entend bien utiliser son nouvel argent pour continuer d’avancer.

Ce marché est arrivé à un tournant. L’entrée d’Apple en est un parfait exemple. De plus en plus, les données consommées sont streamées. Cela ne s’applique pas qu’à la musique mais aussi aux films, avec Netflix et HBO. Cette tendance ne peut aller qu’en s’accélérant et nous pouvons nous permettre d’être souples et audacieux.
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