La presse française impuissante face à Apple ?

Christophe Laporte |

L’union fait la force ! Sortie en juin dernier, l’application ePresse [1.2 – Français – Gratuit – iPhone/iPad – iOS 4 – GIE e-Presse Premium] est un kiosque virtuel permettant d’acheter une dizaine de titres de la presse française : Libération, L’Equipe, Le Point, L’Express, Le Nouvel Observateur, Le Parisien, Les Échos, Le Figaro et Aujourd’hui en France. Nous avions publié un aperçu complet de cette application lors de sa sortie (lire : ePresse : le kiosque alternatif pour la presse française).

Pour ces titres, il ne s’agit pas d’une initiative isolée. Regroupés au sein d’une même entité, le GIE, ils ont décidé de négocier d’une même voix face à Apple et aux autres géants de l’Internet comme Google et Facebook. En parlant d’une seule voix, ces médias espèrent établir un rapport de force plus favorable et obtenir des conditions plus avantageuses.

D’ailleurs, au sujet du kiosque intégré à iOS 5, le GIE est très clair : les titres en question prévoient de le boycotter tant qu’Apple ne fera pas certaines concessions. Ce sont toujours les deux mêmes points qui reviennent : les fichiers clients et la commission de 30 % jugée trop élevée. Xavier Spender, PDG de L'Equipe 24/24, jure qu’un exemplaire de son journal vendu sur l’iPad lui rapporte moins d’argent que la version papier.

Le GIE est bien entendu très attentif à ce que font les autres titres pour échapper à la mainmise d’Apple. L’initiative du Financial Times (lire : Presse : le Financial Times mise sur l'HTML5 plutôt qu'iTunes) qui a décidé d’abandonner son application pour lancer une solution web en HTML5 est suivi de très près. À ce sujet, Liberation compte prochainement lancer une webapp afin de ne pas être dépendant d’un distributeur trop puissant. Ce qui ne signifie pas pour autant que Libé songe à arrêter le développement de ses applications iOS.

En ce qui concerne ePresse, le GIE ne compte pas s’arrêter là. Des offres d’abonnement et de bundle seront proposées dans un avenir proche. Les différents membres de cette association se rencontrent fréquemment afin de réfléchir à comment monétiser leurs contenus sur Internet.

Le GIE a d’ores et déjà signé un accord avec Google afin d’être présent sur son kiosque. Google est nettement moins difficile et gourmand qu’Apple. Le géant de l’internet demande une commission de 10 % et rétrocède les données relatives aux clients. D’autre part, les éditeurs de presse ont une plus grande flexibilité pour fixer les prix.

Si l’union fait la force, ce regroupement laisse sceptiques certains observateurs. Benedict Evans, expert des contenus numériques, pense que la presse est dans la même situation que l’industrie du disque : “les gens de la musique avaient besoin d’Apple, ils n’étaient donc pas en mesure de bien négocier, contrairement à l’industrie cinématographique qui a pu obtenir de meilleurs accords. La presse est désespérée, Apple a l’avantage”.

Ken Doctor, expert de l’industrie des médias apporte pour sa part un regard différent et estime que ce type de coalition a obtenu des résultats mitigés par le passé. Les intérêts individuels finissent souvent selon lui par prendre le dessus sur les intérêts communs. Et c’est exactement ce qui s’est passé aux États-Unis l’année dernière où plusieurs groupes de presse avaient créé un consortium afin de bâtir un kiosque numérique et imposer leur point de vue. Finalement, cette union a fini par capoter et chacun des acteurs a signé un accord en direct avec Apple…

Il est à noter que cette association a un absent de marque : Le Monde qui a semble-t-il préféré faire cavalier seul.

[Via : Reuters]

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