Une première maison de disques s'oppose à iTunes Match

Anthony Nelzin-Santos |

Le label Numero Group, spécialisé dans la réédition de morceaux rares sous la forme de compilations, a décidé de ne pas participer à iTunes Match. L'impact de cette décision est limité : Numero ne distribue qu'une quarantaine d'albums. Les arguments utilisés pour la justifier, quant à eux, risquent de revenir souvent dans le débat : ils assimilent iTunes Match à un mécanisme de blanchiment de musique piratée.

« Nous avons décliné l'invitation d'Apple à participer à iCloud » explique Rob Sevier, le fondateur du label. Dans une interview qu'il a accordé à Ars Technica, il explique pourquoi :

Les gens copient leurs albums et les mettent en ligne, et on peut compter combien de personnes les téléchargent. Dans certains cas, notre matériel est téléchargé 80 000 fois ou plus. En moyenne, il y a dix à vingt fois plus de téléchargements illégaux que de ventes en bonne et due forme. Je ne vois pas comment il ne pourrait pas y avoir [plus de copies iTunes Match de nos albums] qu'il s'en est vendu.

La plupart des titres de Numero se vendent à environ 10 000 exemplaires chacun, formats physiques et numériques compris, 10 000 copies légales qui se transforment en 80  ou 100 000 copies téléchargées illégalement. iTunes Match scannant automatiquement les bibliothèques iTunes pour les dupliquer dans le nuage, il emportera avec lui ces titres piratés. iTunes Match étant payant pour les morceaux qui n'ont pas été achetés sur l'iTunes Store, cette étape aurait de facto pour effet de blanchir de la musique acquise illégalement. Pire : iTunes Match aiderait les « pirates » à améliorer leur collection : pour 25 $ an, iTunes Match se chargera de remplacer les versions de qualité diverses obtenues de-ci de-là par des morceaux en AAC 256 directement issus du master numérique.

Du point de vue de l'utilisateur cependant, Sevier ne conteste pas l'intérêt de la solution :

[iTunes Match est une idée] brillante. Je vais sans aucun doute utiliser la version gratuite pour pouvoir accéder à toute la musique que j'ai achetée dans l'iTunes Store sans pour autant toujours la stocker sur mon ordinateur

Mais l'argumentaire de Sevier tourne autour de l'opposition entre les quatre majors et les petits labels : iTunes Match permettra aux majors, qui ont un catalogue profond et populaire, de récupérer une partie des revenus perdus avec le piratage. Plus le label est grand, plus le service d'Apple est utile : il permet par exemple de mieux connaître les goûts des utilisateurs. Le service d'Apple est-il taillé sur mesure pour les majors ? Sans doute, Sevier allant jusqu'à citer la rumeur d'un accord d'une centaine de millions de dollars entre Apple et les big four pour appuyer son argument. Robert Kondrik, senior manager services Internet chez Apple est cependant monté au créneau pour démentir les informations du New York Post : la firme de Cupertino n'a pas versé un centime aux majors pour les convaincre de joindre iCloud.

Qu'importe : pour les petites maisons de disques, l'intérêt d'iTunes Match serait beaucoup plus limité. Numero déclare être « une société de biens physiques », vendus (et piratés) en quantité trop limitée pour qu'iTunes Match soit une source de revenus suffisante pour compenser le téléchargement illégal. iTunes Match encouragerait donc le piratage plus qu'il ne le combattrait, sans contrepartie suffisante pour les petits labels : si le service d'Apple est donc « brillant » du point de vue de l'utilisateur, il serait « insuffisant » du point de vue des maisons de disques. « En tant que label nous ne pouvons pas abandonner la notion de copyright ; mais nous ne pouvons même pas prendre cette décision », se lamente Sevier en forme de conclusion.

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