Les services de streaming n'aident pas à remplir les salles de ciné en France

Florian Innocente |

Les plateformes de streaming vidéo se sont solidement installées dans le paysage français. Elles contribuent à attirer les spectateurs en dehors des salles de cinéma, prévient un rapport de l’Association française des cinémas d’art et essai (Afcae).

Cette analyse dont se fait l'écho Le Monde, a été réalisée sur la base d'un sondage de 2 000 personnes de 15 ans et plus, conduit au tout début avril.

Il en ressort d'abord ce que l'on savait déjà — même si les services sont peu bavards sur leurs volumes d'abonnés — le fait que ces offres marchent très bien. D'après l'étude, 55 % des Français sont clients d'une ou de plusieurs plateformes de vidéo à la demande. Chez ceux qui vont au cinéma le plus souvent — au moins une fois par mois depuis un an — les deux tiers ont de tels abonnements en parallèle.

Crédit : Netflix

La majorité des sondés — 54 % — continue cependant de se rendre en salles au même rythme qu'avant les fermetures liées à la crise sanitaire. 5 % y vont davantage. Mais de l'autre côté du panel, 29 % des sondés y vont moins souvent et 12 % plus du tout. Cela fait une forte proportion qui boude ou qui n'est plus si demandeuse de films à regarder sur très grand écran.

Netflix a pris l'avantage sur ses concurrents avec une part de 45 % chez ces sondés, Amazon Prime Video suit avec 28 %, le dernier arrivé Disney+ en rassemble 19 % et MyCanal est à 14 %. Les plateformes ont profité à fond des confinements pour signer de nouveaux abonnés et la réouverture des cinémas n'a pas enrayé ce mouvement. Le Centre National du Cinéma a compté, pour avril dernier, 13,9 millions d'entrées en France, c'est 23% de moins qu'en 2019 avant le Covid. En mars, les 13,19 millions de tickets vendus ont représenté le plus faible score depuis mars 1999 (12,9 millions d'entrées).

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce reflux des clients du cinéma, mais ces salles affrontent un contenu en face duquel elles sont démunies : les séries. Sur ses 2 000 sondés, un peu plus de la moitié (52 %) a développé une préférence plus marquée pour ce format plutôt qu'à l'égard des films que préfèrent 18 % des personnes de l'échantillon.

C'est un autre motif d'inquiétude pour le commanditaire de cette étude, François Aymé, président de l'Afcae. « La série est en train de disputer la prééminence culturelle et sociale des films, ce qui constitue pour nous une sacrée alerte » , déclare-t-il au Monde. La série espagnole La Casa de papel, la Française Lupin et la Sud-Coréenne Squid Game ont été parmi les plus courues des abonnés.

Quant aux films réalisés exclusivement pour ces plateformes par des metteurs en scène reconnus, ils n'ont pas tous connu le même succès (Jane Campion/The Power of the Dog, Alfonso Cuaron/Roma, David Fincher/Mank). Il y a eu toutefois des exceptions comme The Irishman de Martin Scorsese et le récent Don’t Look Up d'Adam McKay.

En somme ces plateformes n'hésitent pas à produire des films tournés par des pointures, mais cela ne sert avant tout que leur image, regrette François Aymé « certains films prestigieux ont été au service des plates-formes et non l’inverse » qui y voit surtout un moyen pour ces services de recruter des abonnés. Les mêmes œuvres, si elles avaient été montrées en salles puis tout au long de la chaine classique de diffusion à la télévision, en location, etc., auraient profité d'une mise en valeur plus forte et d'une longue exposition dans le temps, estime le responsable de l'Afcae.

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