Bouygues / Orange : un accord pour début 2016 ?

Christophe Laporte |

Rien n’est impossible dans le monde des télécoms. Les discussions entre Orange et Bouygues Telecom devraient s’accélérer cette semaine, si l’on en croit le JDD. Elles auraient véritablement débuté le 27 novembre (lire : Orange voudrait acheter Bouygues Telecom (et TF1)). Mais selon un proche dossier, les discussions devraient entrer dans le dur cette semaine.

Cela fait plus de deux ans que l’on annonce qu’un opérateur va mettre la main sur Bouygues Telecom. Alors, pourquoi celle-ci serait la bonne ? Tout simplement, parce que c’est la première fois que Martin Bouygues serait réellement intéressé par une telle opération.

La première fois que Martin Bouygues veut vraiment vendre

Par rapport aux saisons précédentes où il était question avant tout de cash, la donne est différente. Orange achèterait Bouygues Telecom en actions, ce qui permettrait au groupe de Martin Bouygues de devenir l’un des principaux actionnaires d’Orange à hauteur environ de 15 %. Dans ce nouveau schéma, la part de l’état serait ramenée à 20 % (voire moins, l’état ne serait pas contre se désengager partiellement). Contrairement à ce qui a pu être annoncé auparavant, TF1 ne figurerait pas dans la transaction.

Quand les proches du dossier affirment que les choses vont entrer dans le dur, c’est également parce que les négociations avec SFR et Free Mobile vont également bientôt débuter. Sans concessions, un rachat de Bouygues par Orange serait retoqué par les autorités de la concurrence.

image : Samuel Cauchefer/SIPA

Si tout le monde a intérêt à revenir à trois opérateurs, encore faut-il que cette opération obtienne l’aval de Free et de SFR (lire : Orange et Bouygues, une affaire qui se discute "en famille »). Comme ce fut le cas lors des précédents montages imaginés, il est probable que Free reprenne une partie du réseau de Bouygues ainsi qu’une partie de son réseau de boutiques pour une somme estimée à environ 2 milliards d’euros.

Selon une source proche du dossier, une annonce pourrait intervenir dans le meilleur des cas en fin d’année et au plus tard courant janvier.

La campagne d’Italie

Mais la partie pourrait être plus difficile que prévu. Il n’y a pas que Bouygues qui est intéressé pour entrer au capital d’Orange. C’est également l’un des objectifs de Vincent Bolloré, PDG du groupe Vivendi qui courtise Telecom Italia depuis plusieurs mois. La participation de Vivendi avoisine actuellement les 20 %. Lors de la prochaine assemblée générale de l’opérateur italien, qui doit se tenir ces prochains jours, Vincent Bolloré souhaite se voir attribuer quatre sièges au conseil d'administration, afin de peser sur les décisions stratégiques du numéro 5 des télécoms en Europe.

Son objectif ? Prendre le contrôle de l’opérateur italien puis vendre aux politiques l’idée d’un rapprochement avec Orange, qui ferait alors de Vivendi l’un des acteurs de référence de l’opérateur historique.

Des discussions serrées à venir pour Stéphane Richard et Xavier Niel. Photos LeWeb CC BY

Dans cette bataille, l’homme d’affaires n’est pas seul. Il doit composer avec Xavier Niel qui a pris ces dernières semaines des positions représentant au total une participation potentielle de 15,14 %. Les ambitions du cofondateur d’Iliad ne sont pas claires. Il a juste indiqué qu’il n’agissait pas de concert avec Vincent Bolloré. En privé, il laisserait entendre qu’il est prêt à fusionner tous ses actifs (en France avec Iliad, en Suisse avec Salt, et Monaco Telecom) avec Telecom Italia. Dans ce dossier déjà très complexe, il y a une dimension politique à ne pas sous-estimer. Le gouvernement italien a un droit de veto en cas de changement de contrôle de Telecom Italia.

Rappelons que Stéphane Richard, de son côté, avait exprimé à plusieurs reprises son intérêt pour l’opérateur italien, sans toutefois lancer les grandes manoeuvres. En investissant indirectement dans Telecom Italia, Xavier Niel se place comme un interlocuteur incontournable dans tous les dossiers chauds de l’opérateur historique.

Les choses dans l’état ne sont pas simples, mais elles se compliquent encore plus si l’on ajoute à cette équation à multiples inconnues, celle des autorités de la concurrence. Comme le rappelait récemment BFM Business, elles ont fait capoter plus d’un rapprochement. En France, fin 2012, l'Autorité de la concurrence française avait informellement fait savoir son opposition à une acquisition de SFR par Free.

Qui va examiner cette acquisition si elle devait se concrétiser ? La question se pose de savoir si elle doit être examinée au niveau national ou européen. En théorie, Bruxelles délègue aux autorités locales lorsque les sociétés qui se marient réalisent une part très importante de leurs chiffres d’affaires dans un seul pays. C’est le cas pour Bouygues, mais moins pour Orange. Toutefois, dans le cas des télécoms, Bruxelles préfère souvent garder la main même pour des affaires « locales ».

Tout cela pour dire que si les choses devaient se jouer à Bruxelles (ce qui semble probable), l’opération risque de se compliquer singulièrement. La Commission européenne est très exigeante quand il s’agit de fusion entre opérateurs mobiles. Bref, même un accord entre Orange et Bouygues Telecom ne signifierait pas automatiquement un retour à trois acteurs.

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