Nokia et Windows Phone 7, même combat

Florian Innocente |

Face à iOS et à Android, Nokia entend jouer sa propre partition et redéfinir, à sa manière, l'interface et la manière d'utiliser son mobile ou sa tablette. Tel était le message de Marko Ahtisaari, Senior Vice-President du Design chez Nokia. Il s'exprimait hier à l'occasion de la conférence LeWeb à Paris.

Lors d'une séance de questions-réponses il a d'abord déploré que les médias oublient de souligner que les appareils de Nokia étaient aujourd'hui utilisés par quelque 1,3 milliard de personnes à travers le monde. Le géant ne capte plus la lumière dès que l'on parle de smartphone, mais son public reste nombreux et varié.

Un nouvel OS pour un nouveau départ
Mais pour regagner l'intérêt des gens et stimuler leur imagination, il est absolument nécessaire de proposer un tout nouvel OS concède Ahtisaari, un système qui imprime sa différence. C'est la tâche confiée à MeeGo, retardé et désormais attendu dans le “courant 2011”. Ahtisaari n'a pas souhaité être plus précis sur la date.

Il n'a pas non plus fait de démonstration de l'OS, mais il a donné quelques une des grandes lignes qui inspirent son développement. Avec comme leitmotiv d'offrir une “nouvelle approche”. Sur ce point il s'est rapproché de la démarche de Microsoft. Sans juger du résultat de Windows Phone 7 “C'est encore trop tôt” il a souligné que son concurrent - dont un ex haut cadre, Stephen Elop, dirige maintenant Nokia - qu'il avait opté pour une interface foncièrement différente de celles des plateformes dominantes.

iOS et Android dos à dos
Selon lui il y a actuellement deux approches. La première est celle d'iOS “Merveilleusement élégante, extrêmement simple à apprendre en quelques étapes, mais incroyablement encadrée”. Sa critique s'est portée en particulier sur le principe du bouton Home, dont la sollicitation est obligatoire pour aller d'une application à l'autre. Il a pris l'exemple d'une maison où pour passer d'une pièce à l'autre il faudrait systématiquement utiliser la porte d'entrée. Qui plus est, ce bouton se voit confier de plus en plus de tâches au fil des évolutions du système.

Le second modèle, partagé par Symbian et Android, privilégie de multiples écrans d'accueil personnalisables. Le pari est que le processus de personnalisation de ces écrans est “si simple et organique qu'il se fait au fil du temps et qu'on finit par n'utiliser son téléphone qu'au travers de ces écrans”. Revers de la médaille, il y a généralement plusieurs boutons avec différents agencements et cela participe à la fragmentation souvent évoquée.

Repenser le mobile
Face à ces deux situations, Marko Ahtisaari souhaite un téléphone dont la façade soit tout entière dévolue à l'écran, et c'est tout. Il est revenu sur l'idée du bouton d'iOS qu'il a assimilé à un clic de souris “Il n'y a pas d'interaction directe”. Un design "tout écran" qui offrirait davantage d'espace encore aux applications pour s'exprimer.

Comme en écho à la récente campagne publicitaire de Microsoft avec ses Windows Phone 7, il estime que les interfaces actuelles sur les écrans tactiles sont trop "immersives". Qu'elles requièrent toute l'attention de l'utilisateur, celui-ci étant constamment penché sur son mobile “Il faut qu'on donne aux gens les moyens de "relever la tête", il faut qu'on propose un meilleur design, qu'on trouve des moyens d'utiliser son téléphone sans qu'il réclame notre attention pleine et entière, qu'il puisse être utilisé facilement d'une seule main, avec davantage de contact visuel.”. Ou encore un système de notifications qui informe l'utilisateur, mais sans le déranger ou l'interrompre (il n'a pas donné plus de détails sur la façon de concrétiser cela…).

Tout cela va dans le sens d'un usage qui évite l'isolement, pour rester en contact avec les gens autour de soi et avec l'environnement “Il est très important que les gens puissent "relever la tête".” a-t-il répété.

Marko Ahtisaari a également insisté sur l'importance de "l'intelligence collective” des utilisateurs d'une plateforme mobile pour la distinguer de ses concurrentes. L'interface n'étant pas l'unique critère de différenciation. Il a pris comme exemple OVI Maps dont l'analyse de l'utilisation par des millions de gens au quotidien permet d'améliorer les cartes et les consignes de direction.

A la question d'utiliser Android comme plateforme, il a réfuté cette idée, jugeant que Nokia ne pourrait apporter de valeur ajoutée à l'OS de Google. Il a aussi mis en avant un détail plus politique, le fait que Nokia avait la responsabilité de créer un écosystème avec une base européenne. Sous-entendu, que le Vieux Continent ne soit pas obligatoirement tributaire des technologies américaines.

Il a aussi évoqué le fameux "champ de distorsion de la réalité de Cupertino" qui avait tendance à occulter certains aspects du marché et la place véritable de Nokia au vu de sa part de marché dans le monde et de la variété de son offre. Enfin il a repris l'exemple de Windows Phone 7 comme preuve qu'il y avait un "appétit pour l'innovation” et que la partie n'était pas terminée. “Il se passe quelque chose lorsqu'une plateforme devient courante, que tout le monde l'utilise, je crois qu'alors elle devient un peu moins excitante”.

Mais pas de plan sur la comète pour autant, à la question de savoir si MeeGO serait mieux qu'iOS, Marko Ahtisaari a répondu que le plus important à ses yeux était avant tout de sortir ce nouvel OS. En clair, on jugera sur pièces.

Accédez aux commentaires de l'article