Android : Bruxelles soupçonne Google d'abus de position dominante

Stéphane Moussie |

Cela pendait au nez de Google depuis plusieurs années, la Commission européenne vient d'ouvrir une enquête formelle sur un éventuel abus de position dominante concernant Android. À la suite de deux plaintes, Bruxelles avait déjà commencé à se renseigner sur d'hypothétiques pratiques anticoncurrentielles en 2013, mais il ne s'agissait pas encore d'une procédure formelle.

Maintenant qu'elle est enclenchée, la Commission va enquêter en profondeur sur les pratiques de Google autour d'Android afin de déterminer si elles enfreignent les règles de l'Union européenne. L'investigation, qui est distincte de celle sur la recherche sur internet, va porter sur trois points (le gras est de la Commission) :

  1. Google a-t-elle illégalement entravé le développement et l’accès au marché des applications ou services pour appareils mobiles de ses concurrents en obligeant ou en incitant les fabricants de téléphones intelligents et de tablettes à préinstaller exclusivement les applications ou services de Google ?

  2. Google a-t-elle empêché les fabricants de téléphones intelligents et de tablettes qui souhaitent installer des applications et des services de Google sur certains de leurs appareils Android de développer et de commercialiser des versions modifiées et potentiellement concurrentes d'Android (les «forks d'Android») sur d’autres appareils, entravant ainsi illégalement le développement et l'accès au marché des systèmes d’exploitation pour appareils mobiles ainsi que des applications ou services de communication mobile de ses concurrents ?

  3. Google a-t-elle illégalement entravé le développement et l’accès au marché des applications et services de ses concurrents en liant ou groupant certains services et applications de Google distribués sur des appareils Android avec d'autres applications, services et/ou interfaces de programmation d'applications de Google ?

Les questions soulevées par la Commission ont rythmé l'actualité d'Android de ces dernières années. Début 2014, un accord confidentiel rendu public dans le cadre d'un procès révélait les conditions strictes imposées par Google aux fabricants de smartphones Android (HTC et Samsung dans le cas présent).

Dans ces documents datant de 2011, on apprenait que la firme de Mountain View obligeait les constructeurs à installer toute une panoplie de ses applications et qu'elle imposait leur position dans le terminal. C'est certainement la clause que Google a fait jouer auprès de Samsung pour lui faire modifier l'interface Magazine de la Galaxy NotePRO 12.2 bien loin des standards d'Android.

Dans le contrat, il était également stipulé que les fabricants ne devaient pas « prendre une quelconque action qui pourrait entraîner une fragmentation d'Android. » Autrement dit, pas le droit de lancer un smartphone équipé d'un fork. Asus l'a appris à ses dépens en 2012 alors qu'il comptait sortir un smartphone Aliyun. Google avait fait pression pour annuler la sortie en menaçant de couper tous les ponts.

Google se défend naturellement d'avoir abusé de sa position. Dans sa réponse à la Commission, la firme indique que les fabricants qui ont signé un contrat l'ont fait volontairement. « Encore une fois, Android peut être utilisé sans Google », souligne-t-elle. Sauf qu'un fabricant ne peut pas commercialiser un smartphone Android avec les services de Google et un autre avec un fork, puisque le contrat l'interdit.

Mountain View explique que cette interdiction permet « d'assurer que les apps fonctionnent sur tous les types de terminaux Android » et dès le démarrage. « Cela permet aux fabricants d'appareils Android de concurrencer Apple, Microsoft ou d'autres écosystèmes mobiles qui embarquent par défaut des applications similaires (email, cartographie...) ». Pour se défausser, Google pointe aussi du doigt Apple :

En comparaison avec Apple — le fabricant de smartphones le plus rentable du monde — il y a moins d'apps Google préinstallées dans les smartphones Android que d'apps Apple dans les terminaux iOS.

Fin 2014, Android était crédité d'environ 70 % de parts de marché en Europe, selon Kantar World Panel.


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